Spécial Marche verte

Découverte d'une hormone qui contrôle le fer

La découverte par des chercheurs français d'une hormone qui joue un rôle clé dans l'absorption du fer chez les mammifères pourrait déboucher sur des applications thérapeutiques concernant des centaines de millions de personnes dans le monde.
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10 Avril 2002 À 18:26

Cette découverte devrait relancer les recherches sur les traitements des maladies humaines liées à une insuffisance ou à un excès en fer, très fréquentes, relève le professeur Axel Kahn, qui dirige l'équipe de l'Institut Cochin, à Paris, à l'origine de la découverte de cette hormone, sur laquelle la communauté scientifique cherchait à mettre la main depuis 40 ans.
Une petite molécule, fabriquée dans le foie et secrétée dans le sang, que les chercheurs ont découverte par hasard.
«Cette hormone, l'hepcidine, joue un rôle clé dans le métabolisme du fer.
Elle est au fer ce que l'insuline est au glucose», l'insuline garantissant le maintien d'un taux normal, physiologique, de sucre dans le sang, explique-t-il.
«Les anomalies de teneur en fer, insuffisances ou surcharges, concernent des centaines de millions de personnes dans le monde», ajoute le Pr Kahn, qui cite des «anémies, l'hémochromatose» et «l'inflammation chronique observée par exemple lors de rhumatismes inflammatoires et de cancers extrêmement fréquents».
«Il s'agit d'un travail vraiment important», a-t-il dit jeudi.
Les perspectives thérapeutiques, «considérables» selon lui, mais aussi diagnostiques (à court terme, le développement d'un test de dosage sanguin de l'hepcidine), ont fait l'objet d'un dépôt de brevet.
A long terme, les retombées thérapeutiques portent sur la mise au point de molécules capables d'inhiber l'hormone ou au contraire de l'imiter, selon les cas.
«Une application potentielle concerne les formes graves d'une maladie de l'hémoglobine, la thalassémie, très répandue en Asie, en Afrique et sur le pourtour méditerranéen, dans les régions où sévit ou a sévi le paludisme, car elle confère une résistance à la malaria», souligne le Pr Kahn.
«Ces gens meurent de surcharge en fer. Dans leur cas, l'anémie provoque une inhibition de l'hormone et ils continuent à absorber du fer. Le traitement consisterait à leur donner l'hormone elle-même», ou sa copie, indique-t-il.
L'équipe (Inserm, CNRS), animée par Sophie Vaulont, décrit ses travaux sur des souris, dans la dernière livraison des comptes-rendus de l'académie des sciences américaine (PNAS), datée du
2 avril.
Le fer est vital pour les cellules et indispensable pour respirer puisqu'il fixe l'oxygène sur l'hémoglobine des globules rouges sanguins. Les déficits en fer entraînent des anémies marquées notamment par une oxygénation insuffisante des tissus.
A l'inverse, l'excès de fer dans l'organismee devient toxique pour les cellules et provoque par l'intermédiaire de toxiques (des radicaux libres) une destruction progressive des tissus du foie, du cœur ou du pancréas, comme dans l'hémochromatose héréditaire.
Cette maladie génétique, caractérisée par une hyper-absorption digestive de fer, est très fréquente dans les pays occidentaux, où elle touche une personne sur 300. Actuellement, le traitement repose, faute de mieux, sur des saignées répétées.
«Dotée d'une certaine activité antimicrobienne, l'hepcidine est surtout une hormone qui agit au niveau de l'intestin pour inhiber l'absorption de fer.
En son absence, le métal serait transféré sans limite dans la circulation sanguine», expliquent les
chercheurs.
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