L'explorateur norvégien Thor Heyerdahl, qui avait obtenu une renommée mondiale en traversant le Pacifique sur le radeau Kon-Tiki en 1947, est mort des suites d'un cancer à l'âge de 87 ans, jeudi dernier en Italie. >«Mon père est mort dans son sommei
20 Avril 2002
À 18:45
Il s'est éteint, entouré de la quasi-totalité de sa famille, à 19H10 locales (17H10 GMT) dans la résidence que possède sa troisième femme, la française Jacqueline Beer, dans la ville méditerranéenne d'Alassio. Thor Heyerdahl était tombé inconscient mardi soir, une semaine après avoir quitté l'hôpital de Santa Corona, dans le nord de l'Italie, où il avait dû être envoyé pour observer les suites d'un cancer du cerveau pour lequel il avait été opéré l'été dernier. L'explorateur avait renoncé à tout traitement médical et à toute nourriture depuis plus d'une semaine. «Maintenant que Thor Heyerdahl a disparu, la Norvège a perdu un chercheur original et spectaculaire, un « trouveur » et un aventurier», a déclaré le Premier ministre norvégien Kjell Magne Bondevik. «Il était le gars souriant de Larvik (ville du sud de la Norvège où Heyerdahl est né en 1914, NDLR) qui a conquis le monde sans jamais oublier d'où il venait», a ajouté M. Bondevik. Thor Heyerdahl doit essentiellement sa renommée à une expédition qu'il avait dirigée en 1947. «Heyerdahl doit devenir un exemple», a pour sa part commenté le Norvégien Knut Haugland qui, à 84 ans, est désormais le seul survivant de l'épopée du Kon-Tiki. «Thor Heyerdahl était un fantastique meneur d'expédition (...). Il inspirait la confiance au plus haut point, même chez les personnes qu'il n'avait jamais rencontrées, une qualité qui était très utile pour traiter avec les autorités des différents pays», a souligné M. Haugland.
La légendaire expédition du Kon-Tiki
Amaigris et exténués, six hommes posent enfin le pied sur la terre ferme de l'île polynésienne de Raroia en ce 7 août 1947, au terme d'une traversée de 101 jours que tout le monde ou presque croyait impossible. L'équipage du radeau Kon-Tiki entre dans la légende. Son capitaine, le Norvégien Thor Heyerdahl, lui, sourit car, en réussissant son pari, l'explorateur-anthropologue fait un pied de nez à ceux, nombreux, qui prédisaient son échec. Le pari, il est vrai, était risqué: traverser l'Océan Pacifique, depuis le Pérou, sur une embarcatation construite, selon la tradition andine, en balsa afin de démontrer que les archipels polynésiens avaient pu être peuplés par des Amérindiens. Dix ans plus tôt, Heyerdahl recueille cette légende aux îles Marquises selon laquelle les ancêtres des Polynésiens sont arrivés sur des bateaux plats, guidés par le dieu Tiki (Soleil), qui n'est pas sans rappeler le dieu solaire Kon-Tiki célébré par les Indiens pré-incaïques. Pour en avoir le cœur net, Heyerdahl décide de rééditer la traversée dans les mêmes conditions qu'à cette époque. «Vous coulerez», le préviennent les experts, «car le balsa va se gorger d'eau». Mais, le Kon-Tiki ne coule pas... Il couvre, au contraire, vaillamment une distance de 8.000 km sans aucun moyen de navigation moderne. A bord, la vie s'organise autour d'une routine. Les six hommes Heyerdahl et quatre autres Norvégiens ainsi qu'un Suédois sélectionnés notamment pour leur sens de l'humour— se relaient à la barre, quatre heures chacun. Le reste de la journée se découpe entre lecture, écriture, dessin, expériences et pêche même si cette dernière activité n'est pas indispensable puisque les vagues ne cessent de rejeter des dizaines de poissons entre les rondins du radeau. Outre le poisson, les «naufragés» se nourrissent de rations militaires, de conserves et de 200 noix de coco. Les 11 hectolitres d'eau douce embarqués sont parcimonieusement distribués et, par mesure d'économie, légèrement dilués dans de l'eau de mer. Le périple, jalonné de rencontres merveilleuses avec de grandes baleines, des calamars géants et des requins, fait l'objet d'un documentaire, qui vaudra un Oscar à Heyerdahl, et d'un livre à succès, traduit en 67 langues. Pour l'aventurier norvégien, il s'agit également d'une leçon de la vie. «L'expédition du Kon-Tiki prouve que vous ne devez pas vous laisser démonter lorsque vous êtes convaincus de quelque chose, même si le monde entier est contre vous», affirme-t-il, 50 ans après avoir réalisé son exploit. Aujourd'hui, le célèbre radeau est exposé au musée du «Kon-Tiki», où les visiteurs peuvent également découvrir le bateau Ra II et des objets rapportés par l'aventurier et scientifique d'autres expéditions menées au Pérou, en Polynésie et sur l'île de Pâques. Le musée, qui a reçu nombre de coups de téléphone et de courriers électroniques sur l'explorateur après son décès, envisage de diffuser pendant toute une semaine à compter de dimanche le film-documentaire tiré de l'aventure qui reçut un Oscar en 1951 aux Etats-Unis. Une exposition spéciale en l'honneur d'Heyerdahl est également prévue. Funérailles L'Etat norvégien «prendra en charge les frais des obsèques du navigateur Thor Heyerdahl», selon les déclarations du Premier ministre norvégien Kjell Magne Bondevik à Oslo. Les funérailles de l'aventurier norvégien seront célébrées la vendredi prochain à Oslo, en présence des membres de la famille royale. La cérémonie aura lieu dans une cathédrale luthérienne du centre d'Oslo, par l'évêque Gunnar Staalsett, a précisé la belle-fille de l'aventurier, Grethe Heyerdahl D'après des responsables, la famille royale assistera aux obsèques, auxquelles le Premier ministre Kjell Bondevik est également attendu, selon l'agence de presse norvégienne NTB. Mais Thor Heyerdahl ne reposera pas dans son pays natal: il rejoindra sa dernière demeure cet été en Italie. «L'urne sera déposée à Colla Michari (le village qu'il aimait tant) conformément à ses dernières volontés», a précisé Grethe Heyerdahl. Bien qu'ayant vécu à l'étranger et voyagé pendant de très longues années, Heyerdahl faisait figure de héros national dans son pays natal, où un quotidien l'avait même élu «Norvégien du Siècle» à la faveur d'un sondage. «Le plus célèbre Norvégien au monde est mort», titrait vendredi dernier le quotidien «Aftenposten». Un grand nombre de personnes sont venues signer dans la journée un livre de condoléances et allumer des bougies au musée du «Kon-Tiki» d'Oslo, consacré au fabuleux exploit d'Heyerdahl.