Doukkala, fief de la fauconnerie
La fauconnerie présente un centre d'intérêt d'une grande valeur, dans un domaine qui met en rapport l'homme et l'oiseau de proie. Ceci explique les différentes recherches faites à ce sujet afin de mettre à jour de précieuses informations, portant sur des
LE MATIN
11 Août 2002
À 17:35
Cette pratique de chasse retrace l'historique de l'évolution de l'homme dans son milieu naturel, en liaison étroite avec les oiseaux de proie parmi lesquels, les faucons (oiseaux nobles), maîtres incontestés des espaces aériens. Ces vénérables prédateurs n'ont cessé d'apporter leur précieuse aide, non seulement en procurant à l'homme le gibier tant convoité à une époque où il ignorait les armes perfectionnées de chasse, mais aussi en jouant, en des temps et milieux différents, le rôle de messager de la paix qui servait à apaiser les instincts belliqueux des seigneurs d'autrefois. Considére comme un cadeau d'une valeur inestimable dans le système des échanges diplomatiques, le faucon représente un précieux cadeau qui faisait la fierté du nouveau maître. D'un stade primaire, la fauconnerie devient un art compliqué et raffiné, un sport cynégétique qui prend son essor pour connaître un déclin avec le développement des techniques humaines et le déséquilibre écologique. De son côté, l'homme s'est appliqué à traiter ce noble oiseau avec tous les honneurs dus à un compagnon serviable, fidèle et loyal. Au Maroc, la fauconnerie a connu un grand développement. L'abondance du gibier et les grands espaces ouverts ont favorisé son déploiement à travers le pays.
Mieux encore, l'intérêt accordé à la fauconnerie vit la création d'écoles spécialisées où les maîtres fauconniers dispensaient les cours et les règles aux amateurs de cet art. A ce sujet, la littérature marocaine offre un important témoignage. De nos jours, si la fauconnerie, pour des causes précitées, a perdu de son éclat, les valeureux fauconniers Kwassems des Doukkala continuent courageusement à pratiquer cette technique de la chasse aux faucons. L'exclusivité de cette région dans ce domaine fait que la province peut s'enorgueillir de voir perpétuer une tradition séculaire à laquelle les souverains qui se sont succédé au trône du pays ont accordé un grand et vif intérêt.
L'art de capturer
Il convient tant d'abord de définir la fauconnerie avant de la situer dans le temps et de suivre son évolution dans les différents milieux. La fauconnerie est l'art de capturer une proie sauvage à l'aide d'un rapace dressé. L'histoire nous révèle que l'alliance de l'homme et de l'oiseau remonte à des millénaires. Les primitifs dépourvus de moyens techniques leur permettant la fabrication des armes pour la chasse qui constituait avec la cueillette le seul moyen de subsistance, ont depuis une époque très lointaine, été attirés par les exploits remarquables des oiseaux de proie pour capturer du gibier. Aussi ont-ils cherché à utiliser à leur profit les capacités du chasseur rapace.D'abord moyen de subsistance, cette nouvelle technique de chasse devint vite un art compliqué et raffiné qui a donné naissance à la fauconnerie.Cette dernière, s'est répandue par la suite à travers les siècles et prit son essor à différentes époques dans le monde. C'est ainsi que durant des siècles, la fauconnerie règne sur toutes les cours d'Europe. En France, elle connut son apogée sous le règne de Louis XIII. Dans le monde arabe, tout comme les Afghans, les Emirs arabes furent de grands amateurs de la fauconnerie.Au Maroc, elle revêt une importance considérable grâce à l'intérêt particulier que lui ont porté les Souverains du Royaume. Ibn Khaldoun, grand sociologue arabe, rapporte l'usage de cette pratique chez les khalifes abassides. Par ailleurs, le Dr. Abdelhadi Tazi, dans son ouvrage La chasse aux faucons entre le Mashriq et le Maghrib souligne l'intérêt accordé à la fauconnerie et le rôle joué par les faucons dans la diplomatie marocaine : «Cet oiseau noble, nous dit-il représentait le cadeau le plus précieux, destiné à créer les liens diplomatiques entre les pays».Les Emirs et vizirs Almohades consacraient un budget considérable à l'usage diplomatique de ce prestigieux oiseau de proie. Abou El Hassan El Marini en a offert 34 au Roi d'Egypte. Abou Inane en possédait des dizaines, les Wattassides en offrirent à la Hollande et à l'Angleterre.
Pratique traditionnelle
A l'époque des Saâdiens son rôle diplomatique est important. La dynastie Alaouite lui accorda un grand intérêt. Le règne de Moulay Ismaïl a vu la création de la fonction de fauconnier. Sidi Mohammed Ben Abdellah construisit à Fès un hôpital pour les soins des faucons. Le même intérêt nous le retrouvons chez les Rois Moulay El Hassan, Moulay Abdelaziz, Moulay Abdelhafid et particulièrement Sa Majesté Mohammed V qui n'a cessé d'encourager la pratique traditionnelle de ce noble art de la chasse. L'intérêt accordé se manifeste à travers les lettres adressées au caïd de la région des Doukkala, Sidi Boubker Ben Mustafa El Kasmi. La première lettre datée du 10 mai 1941 est rédigée par le Premier ministre Hadj Mohamed El Mokri, sur ordre de S.M. le Roi, demande au caïd l'envoi des faucons au Palais Royal. La deuxième lettre, datée du 13 mai 1941 annonce l'arrivée des faucons à destination par le soin des fauconniers Sidi Mohamed Ben Larbi Kasmi et Sidi Allal Ben El Mamoune.
* Extrait du livre Doukkala, fief de la fauconnerie au Maroc, 1984 publié