Fête du Trône 2006

Entretien avec Ahmed Zaïdi, journaliste et parlementaire: faire évoluer la presse mais pas à n'importe quel prix

Président du Club de la Presse, ancien journaliste à la télévision nationale, Ahmed Zaïdi est parlementaire et a participé de très près au débat sur les amendements qui viennent d'être apportés au code de la presse de 1958. Ahmed Zaïdi nous livre dans cet

07 Mai 2002 À 21:44

Le code de la presse vient d'être amendé malgré les réserves des professionnels, du moins du SNPM. Ce code remanié vous paraît-il garantir la liberté de la presse mieux qu'avant ?
Le code qui vient d'être amendé n'est pas une nouvelle loi. Des modifications ont été apportées au Dahir de 58. Il n'ya pas eu présentation d'une nouvelle loi sur la presse mais amendement de celle existant à travers des articles de celle-ci.
Pour répondre à votre question : naturellement, on ne peut pas concevoir, d'une manière tout à fait logique, un gouvernement d'Alternance constitué de gens du métier intervenant dans la pratique ou l'exercice de la presse. C'est insensé et on ne peut pas l'imaginer.
Quelles sont les modifications qui vous paraissent majeures et significatives dans l'amendement du code de 1958 ?
Les amendements apportés au code de la presse comportent des innovations comme la suppression des peines de prison en relation avec la liberté d'expression. Exprimer son opinion ne relève plus du délit sauf quand cette opinion touche le Roi, l'intégrité territoriale ou l'Islam.
Les amendements apportés au code de la presse ont permis également l'extension du champ des libertés pour la publication des journaux .
Aujourd'hui, il suffit d'une simple déclaration au niveau du Parquet pour donner naissance à une publication de presse.
Un autre amendement important concerne l'obligation d'avoir une direction de publication. Ce qui contribue à une meilleure organisation de l'entreprise de presse.
Ceci pour vous dire que je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que ce projet est insuffisant. Certes, c'est peut-être un projet qui ne résoud pas tous les problèmes qui se posent à la presse d'une façon générale, mais j'estime qu'il est mieux conçu que l'ancien code de 1958 qui avait déjà connu, faut-il le rappeler, des amendements, en particulier dans les années 70.
Quand vous parlez de l'entreprise de presse, il faut reconnaître tout de même qu'elle n'obéit pas exactement aux critères de l'entreprise industrielle ou commerciale ?
Il faut que l'on soit d'accord sur le fait d'une certaine forme d'exception culturelle pour l'entreprise de presse. Effectivement ce n'est pas à proprement parler une entreprise au sens commercial, une entreprise au sens économique du terme.
Notre pays a besoin d'améliorer l'environnement de la presse, de faire évoluer l'entreprise de presse, mais pas à n'importe quel prix.
La loi encourage l'investissement dans ce secteur, de façon indirecte, malheureusement elle n'organise pas l'entreprise de façon systématique, elle a seulement apporté des modifications en essayant de combler certaines lacunes.
Elle a réussi plus ou moins à le faire. Nous avons essayé pour notre part de compléter ce travail, mais dans quelle mesure nous avons pu proposer une loi aussi achevée que cohérente? Moi, je dis que ce n'est pas une loi achevée. Elle comporte toujours de grandes lacunes.
Mais dans la conception de l'amélioration de l'entreprise de presse, il ne s'agit pas seulement de ce manque-là. Il s'agit également d'améliorer la vision que l'on a de l'information en général.
Les amendements apportés au code de la presse vous paraissent-ils tout de même répondre aux exigences de l'heure ?
Absolument. C'est une loi qui répond à l'état actuel de l'évolution de la presse, de la liberté de la presse dans notre pays, une étape avec tout ce qui la caractérise du point de vue culturel, politique, social, sans oublier l'influence de l'environnement régional et international .
Est-ce qu'on peut faire un virage de 180 degrés ? Est-ce que c'est dans l'intérêt du pays ? Je pense que tout le monde doit assumer la responsabilité de répondre à cette question. En tout cas, du moment qu'on a pu améliorer cette loi, je crois que c'est très positif comme première étape, mais c'est encore perfectible.
Pour ne pas éviter votre question, je dirais que le projet du gouvernement a négligé un certain nombre d'aspects précis concernant l'entreprise, car on ne peut pas dire voilà ce qu'a fait le Parlement.
Le gouvernement a présenté un ensemble d'amendements, le Parlement aurait pu marquer ce code de son empreinte. En a-t-il été ainsi ?
Il faut tenir à l'esprit que c'est un projet de gouvernement, et nous, en tant que parlementaires, nous ne pouvons juridiquement, ni constitutionnellement toucher qu'aux articles que le gouvernement a amendés.
Notre souhait et qu'à l'avenir, les partis qui formeront la prochaine majorité apportent une véritable proposition de loi.
Mais je vous ferais remarquer - ce qui est tout de même bizarre - que la version en arabe du code de 1958 qui a été en vigueur dans le pays pendant près d'un demi siècle, est bourrée de fautes. Personne ne l'a jamais remarqué. On y trouvait même des mots en arabe dialectal. Personne n'a relevé ce point. A présent que le Maroc a opéré une sorte de mise à niveau dans un code dénoncé par tous, on vient nous dire que c'est une loi sous-développée.
En toute objectivité, cette loi n'est pas parfaite, mais un effort a été fourni.
Si vous me demandez «Est-ce que cette loi répond aux critères de l'évolution de l'époque que nous vivons ?», je répondrais «non», mais si vous me demandez «Est-ce qu'elle est valable et répond à la période que vit actuellement le Maroc ?», je dirais «oui».
Copyright Groupe le Matin © 2025