Et si l'agonie de la culture jdidie m'était contée
Une malédiction ? Un complot ? Eh oui ! El Jadida, jadis une ville culturelle par excellence, est aujourd'hui sous la pression d'une dépravation culturelle. Elle souffre, depuis des années, d'un vide culturel, tel un désert sans âme, El Jadida est une vil
LE MATIN
25 Mai 2002
À 17:23
Les lycées et les collèges faisaient de leur mieux pour participer à l'animation culturelle de la cité. La troupe du théâtre municipal, dirigée par M. Mohamed Saïd Afifi, donnait sans cesse des représentations de haute qualité. De son côté, l'Association culturelle, les troupes «Arouss Chawatie», «Ennahda», «Al Hilal» avec le ciné-club et l'orchestre Al Mostakbal animaient la ville. Mais, un mal, sans avertir, s'abattit. C'était le déluge qui a tout anéanti. D'abord, on dissout à jamais l'association culturelle et le ciné-club. Ensuite, on disloque à jamais la troupe «Afifi» suite à une maudite pétition créée de toutes pièces. Survint, par la suite, l'ère de «la mafia culturelle» et du lobby opportuniste pour des fins personnelles ou pour le détournement des fonds. Ainsi, tout alla de travers. Regardez bien ces pauvres hommes de théâtre jdidis qu'on apprenne et dont certains d'entre eux sont à l'état de clochards. Demandez où sont passés les précieux archives, documents et œuvres de l'Association culturelle d'El Jadida. Cherchez pourquoi on a écœuré les intellectuels et les artistes jdidis et qui ne veulent plus assister à n'importe quelle manifestation. Fouinez pour savoir pour quelle(s) raison(s) on veut à tout prix dépayser culturellement El Jadida. Enquêtez également pour découvrir à qui et à quoi profite cette situation chaotique. Enfin, réfléchissez pourquoi on a essayé de maquiller d'historiques vérités culturelles comme c'est le cas pour le grand film «Othello», tourné en très grande partie dans la cité portugaise d'El Jadida. Que pense-t-on également des autres films «Harem», «Marco Polo», «l'Etalon noir», «Rimbaud»...? Que dit-on sur le séjour à El Jadida de Youssef Ouahbi, Serge Reggiani, Richard Burton, Elisabeth Taylor, Jean Vilard et d'autres grands artistes ? Eh oui ! El Jadida était le pôle d'attraction ayant charmé aussi l'orchestre de la 6e flotte américaine et la troupe folklorique de la Tchétchénie et j'en passe. Mais, paradoxalement, tout s'est évaporé. Allez savoir pourquoi ! Quelle mascarade ! A qui veut-on faire la farce ? Personne n'est dupe puisque tout le monde en parle même si on se défonce pour cacher la vérité. Pauvre El Jadida ! Et ne soyez pas surpris si un jour, en vous réveillant, vous constaterez le rasage complet de l'immeuble Kohen, un patrimoine qu'on a voulu un jour transformer en un musée d'art d'El Jadida comme on a totalement démoli le joyau du 7e art qu'est la salle de cinéma Marhaba ainsi que le cinéma Rif. Ne vous étonnez pas si la cité portugaise, aux nombreux atouts historiques, continue à subir des dégradations. Un bureau de patrimoine En au fait, à quoi sert ce bureau du patrimoine maroco-lusithanien, installé à El Jadida ? Le culturel à El Jadida est réduit à néant même pendant la période estivale sauf pour certains privilégiés. De ce fait, le citoyen modeste est condamné à jouer aux cartes ou de dames, à scruter les mots-fléchés des journaux ou à faire la va-et-vient le long de l'avenue de S.M. le Roi Mohammed VI (ex-avenue Jamiâ Al Arabia). Quant à la fameuse bibliothèque municipale, elle ressemble plutôt à un dépotoir de livres sans valeur plutôt qu'à un espace dédié à la culture où les élèves et les étudiants peuvent satisfaire leur curiosité. Evidemment que c'est inadmissible que la capitale des Doukkala, ville natale des Driss Chraïbi, Abdelkébir Khatibi, docteur Ahmed Gabi (physique nucléaire), Mohamed Saïd Afifi (théâtre), Bouchaïb Falaki (peintre), docteur Mohamed Ben Talha Doukkali (droit civil) pour ne citer que ceux-là, soit dépaysée de toute animation culturelle sérieuse. Il est temps donc que les décideurs des choses de la ville songent à redynamiser ce volet qui faisait la fierté non seulement des Doukkalis mais de tous les Marocains. Alors, peut-on dire que le départ aura lieu dès cet été comme le souhaitent les Jdidis ?