Festival de Cannes : la Palestine en lice pour la palme
La Palestine a fait son entrée pour la première fois en lice pour la Palme avec la présentation lundi de «Intervention divine» de Elia Suleiman, étonnant Buster Keaton en quête du grand amour, bloqué à un poste de contrôle militaire d'Al-Qods en proie
AFP
21 Mai 2002
À 16:18
Agé de 42 ans, Suleiman, qui a longtemps vécu à New York, a choisi d'aborder la politique et l'histoire à travers le prisme de la comédie et du «non sense», l'absurde. Il traite ainsi du conflit entre Israéliens et Palestiniens en racontant, dans une des scènes d'ouverture de son film, la guerre domestique que des voisins se livrent à coup d'ordures ménagères que chacun envoie voler au dessus du mur de l'»autre», l'ennemi. C'est ensuite une «bataille» sonore entre deux automobilistes qui se défient à un feu rouge avec le bouton du volume de leurs radio-cassettes respectives en guise d'armes. C'est encore un ballon rouge avec l'effigie de Yasser Arafat qui franchit le barrage militaire devant l'oeil interloqué de soldats rendus impuissants devant un assaut aussi incongru. L'économie des mots, le burlesque des situations renvoient à l'époque du muet ou des débuts du cinéma parlant. Il y a quelque chose de l'univers des Marx Brothers dans le travail du réalisateur qui interprète lui même son propre rôle (E.S), derrière un masque d'une totale impassibilité où passe le fantôme de Buster Keaton. Agé de 71 ans, l'Iranien Abbas Kiarostami, qui avait assuré qu'il ne participerait plus à des compétitions, revient à Cannes où il a obtenu en 1999 la Palme d'Or pour «Le goût de la cerise». L'automobile, accessoire déjà prépondérant du «Goût de la cerise», fascine décidément Kiarostami, qui, comme Suleiman, a trouvé en France les moyens de financer sa dernière oeuvre. C'est en effet de nouveau dans un engin à quatre roues que se déroule l'action de «Ten», ou autant de séquences de la vie de femmes en proie à des difficultés et des désarrois émotionnels. Ces dix héroïnes de la vie ordinaire pourraient «être une seule et même femme», déclare Kiarostami, avec ce film entièrement tourné en numérique, «à mi-chemin du documentaire et du cinéma». Une oeuvre signée par un auteur à chaque fois davantage guidé par la tentation de l'épure. Le public est prévenu: son prochain film sera «en un seul mot peut être». Atom Egoyan, le réalisateur canadien d'origine arménienne, n'a pas cette ambition d'ascèse, avec «Ararat» (hors compétition), une oeuvre aux multiples facettes, véritable «mille feuilles» cinématographique dont le point de départ est le génocide arménien. Pas de prétention polémique, prévient d'entrée Egoyan avec ce long métrage qui «n'apporte rien de nouveau à des événements déjà prouvés». «Mon propos n'est pas de critiquer la Turquie», déclare Atom Egoyan. Le directeur du festival d'Istanbul, présent lors de la conférence de presse du réalisateur, l'a bien compris, en l'assurant qu'il «fera tout» pour pouvoir le présenter à ses compatriotes. Refus de polémique exprimé aussi par Charles Aznavour: le chanteur et comédien français d'origine arménienne (dans le rôle d'un prestigieux metteur en scène qui filme un épisode décisif du génocide), a souligné que le film «n'a pas été fait pour la diaspora arménienne». Fidèle de Cannes où il fut découvert il y a quelques années, Egoyan livre avec «Ararat» un film qui semble peiner sous le poids de son ambition. Le festival s'apprêtait enfin à découvrir 20mn de «Gangs of New York» de Martin Scorsese. La présence de deux des comédiens, Leonardo Di Caprio et Cameron Diaz, était peut être un moyen pour Scorsese de se faire pardonner le retard qu'il a pris dans la confection de son film.