George W. Bush en quête d'une doctrine diplomatico-militaire
En plaçant l'Amérique dans un rôle de champion contre l'hydre de «l'axe du mal», le président George W. Bush tente de définir une doctrine diplomatico-militaire qui risque toutefois d'être difficile à mettre en oeuvre.
Depuis mardi, la presse et les analystes américains s'interrogent sur cette formule fracassante, dont M. Bush veut manifestement faire la marque de sa présidence et, peut-être, de sa postérité. L'hôte de la Maison Blanche semble avoir réussi le premier test requis pour une doctrine: se résumer à quelques mots percutants destinés à marquer les esprits, et désigner des ennemis précis, en l'occurrence l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord. La formule-choc marie pour cela les références implicites aux deux grands ennemis de l'Amérique moderne: «l'axe» des puissances nazies et fascistes de la Seconde Guerre mondiale et «l'empire du mal» soviétique dénoncé par l'ancien président américain Ronald Reagan. Reste à savoir si la formule passera les autres caps: être de portée internationale ou générale durable, et marquer un tournant dans la politique américaine. «La vraie question est de savoir si c'est de la parlotte ou si cela a une réalité», estime James Lindsay, spécialiste de politique étrangère à l'Institut Brookings de Washington.
«La difficulté pour le Président, souligne-t-il, c'est qu'il a placé la barre très haut et provoqué des attentes, sans que l'on sache comment cette doctrine va fonctionner.»
Le Président Bush a affirmé vendredi que «toutes les options restaient possibles» contre les trois pays de «l'axe du mal» accusés de chercher à se procurer des armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires et de vouloir les disséminer. Doctrine ou pas, le département d'Etat (ministère des Affaires étrangères), dirigé par le pragmatique Colin Powell, est à la peine depuis plusieurs jours pour rassurer les nombreuses capitales inquiètes de la tonalité belliqueuse des propos présidentiels.
Des télégrammes ont été diffusés aux ambassades américaines à travers le monde pour expliquer les propos présidentiels, et le département d'Etat a assuré que la porte n'était pas fermée à des discussions éventuelles avec les pays visés, pourvu qu'ils fassent preuve de bonne volonté.
«Ces pays posent indéniablement une menace croissante pour les intérêts américains» en raison de leurs programmes d'armes de destruction massive, estime pour sa part Anthony Cordesman, du Centre d'études internationales et stratégiques (CSIS) américain.
«Mais la question de savoir si les Etats-Unis disposent des options militaires et diplomatiques pour réussir à contrôler cette menace contre eux-mêmes et pour la paix mondiale est loin d'être claire», ajoute-t-il.
M. Cordesman souligne également que les situations peu comparables des trois pays de «l'axe» ne facilitent pas un traitement unique. «Ces pays ont des régimes très différents et présentent des risques différents», souligne-t-il.
De nombreux présidents ont tenté de marquer leur passage à la Maison Blanche par une doctrine, mais très peu y sont parvenus. James Monroe a laissé la «doctrine Monroe» énoncée en 1823, visant à contrer l'influence européenne sur l'ensemble du continent américain.
Harry Truman a lui-aussi énoncé en 1947 la doctrine de l'endiguement du communisme par l'aide économique, qui a débouché sur le célèbre plan Marshall.
Ronald Reagan a moins bien réussi à faire passer à la postérité sa doctrine controversée de soutien aux mouvements anticommunistes dans le tiers-monde.
Le père du Président actuel, George Bush, restera quant à lui dans l'histoire davantage grâce à sa victoire dans la guerre du Golfe contre l'Irak, que pour ses vues sur un «nouvel ordre mondial», un projet de doctrine tombé aux oubliettes.