L'aide internationale destinée aux séquestrés de Tindouf: le Maroc dénonce devant le HCR le détournement systématique
Le Maroc a vigoureusement dénoncé, lundi à Genève devant les instances exécutives du Haut commissariat de l'O.N.U. aux réfugiés (HCR), le détournement systématique de l'aide internationale destinée aux populations marocaines séquestrées dans les camps d
MAP
30 Septembre 2002
À 20:36
Intervenant devant la 53è session du comité exécutif du HCR dont les travaux venaient de s'ouvrir au Palais des Nations, l'ambassadeur du Maroc auprès des Nations unies à Genève, M. Omar Hilale a affirmé que le Royaume avait pris connaissance avec préoccupation, du communiqué conjoint du HCR et du PAM (Programme alimentaire mondial) du 29 août dernier qui faisait état d'une crise alimentaire et financière menaçant des milliers de ses ressortissants retenus dans les camps de Tindouf .
Conséquence du phénomène
Cette inquiétude est d'autant plus légitime que mon pays ... n'a cessé depuis plus de deux décennies d'alerter la communauté internationale sur les détournements de l'aide internationale, a affirmé l'ambassadeur marocain.
Aussi, a assuré M. Hilale, cette crise alimentaire n'est nullement la conséquence du phénomène appelé communément "fatigue des donateurs”, car l'aide internationale n'a jamais fait défaut à Tindouf. Les statistiques démontrent, en effet, que le HCR, le PAM et l'Echo se sont amplement acquittés de leurs obligations humanitaires. En outre, plusieurs pays européens fournissent, régulièrement, des centaines de milliers de tonnes d'aide alimentaire, confiés directement au Croissant Rouge algérien.
Cependant, seule une infime partie de ces dons arrivent effectivement à ses destinataires. La grande partie se retrouve sur les marchés locaux ou des pays voisins. Force est donc de constater que cette crise alimentaire est manifestement le résultat d'un détournement systématique et organisé à tous les niveaux, et ce dès la réception de l'aide au port d'Alger. Ces détournements ont été rapportés par la presse internationale et même par certains quotidiens algériens et confirmés par plusieurs ONG européennes . En outre, tous les ex-hauts responsables du ”polisario”, ayant regagné la mère patrie, dont, entre autres, l'ancien ”ministre” des Affaires étrangères, le ”président” du Croissant Rouge sahraoui, la présidente des femmes sahraouies et, lundi dernier, le dirigeant et chef militaire du ”polisario”, M. Lahbib Ayoub, ont démontré, preuves à l'appui, les rouages et les bénéficiaires de ces hold-up systématiques de l'assistance internationale.
Dans ce contexte, a estimé le diplomate marocain, la réponse de la communauté des donateurs ne devrait plus être davantage d'assistance (le corollaire en étant l'enrichissement de ses prédateurs), mais davantage de vigilance. Pour parvenir à une telle vigilance, a-t-il indiqué, deux conditions s'imposent : en premier lieu, il est nécessaire d'enregistrer toutes les personnes vivant dans les camps, conformément aux décisions et conclusions pertinentes du comité exécutif et de la recommandation de l'année dernière du comité des commissaires aux comptes des Nations unies appelant le HCR à ”mettre en place un système approprié pour faire en sorte qu'il dispose en permanence d'informations fiables concernant la taille et les caractéristiques de la population refugiée”. Pour l'ambassadeur marocain, il est inadmissible que les populations des camps de Tindouf n'aient jamais été recensées, alors qu'en Tanzanie, où le nombre des réfugiés est 5 fois plus important, le HCR procède à leur recensement annuel ....
En second lieu, a-t-il poursuivi, il s'agira de s'assurer de l'arrivée effective de cette assistance à ses véritables destinataires par des structures de réception, de supervision et de distribution, autres que celle du pays d'accueil où des séparatistes. A défaut de remplir ces deux conditions, les camps de Tindouf demeureront le tonneau d'adénoïde de l'assistance internationale, a estimé le diplomate.
M. Hilale a déploré dans ce contexte qu'au moment où le HCR et le PAM lançaient leur cri d'alarme sur la crise alimentaire dans les camps de Tindouf, les séparatistes organisaient, à quelques dizaines de kilomètres, leurs deuxièmes manœuvres militaires de l'année. Ce paradoxe entre, d'une part la pénurie alimentaire dans les camps, et d'autre part l'abondance, à proximité, des équipements militaires les plus modernes, devrait logiquement interpeller la conscience de la communauté internationale. La morale universelle ne saurait, en effet, s'accommoder du double jeu des séparatistes, qui affament la population des camps ... et, parallèlement, exhibent leur équipements militaires, récemment acquis et déclarent ouvertement qu'ils se préparent à la reprise des hostilités.
Une double question s'impose
D'après les dépêches de l'agence de presse des séparatistes, SPS ..., a ainsi argumenté le diplomate marocain, sept manœuvres militaires ont été organisées en 2000, six en 2001, et deux depuis le début de cette année. Au vu du matériel utilisé et cité par les dépêches, les experts militaires estiment que ces manœuvres coûtent cher, très cher.... ainsi, le coût global de chaque manœuvre militaire varierait entre 600.000 et 800.000 dollars. Autrement dit, les séparatistes dilapident annuellement pour s'entraîner, dans le désert de Tindouf, plus que le montant du budget global du HCR en faveur des camps. Bien plus, si on ajoute au coût des munitions utilisées, celui des équipements régulièrement renouvelés, il dépasserait largement l'enveloppe budgétaire que le PAM alloue, annuellement, à l'achat de denrées alimentaires pour les camps de Tindouf. A la lumière de ces chiffres, a souligné M. Hilale, une double question s'impose : D'où vient tout cet argent ? Et combien le coût de ces manœuvres aurait pu garantir de bols calorifiques aux populations des camps, sachant que le PAM évalue son prix à 1,25 dollar ? Autrement dit, l'argent alloué aux manœuvres militaires aurait pu bien alimenter la totalité des populations des camps de Tindouf et sauver les milliers d'enfants souffrant de malnutrition ou de rachitisme ..., dont a parlé, avec émotion un responsable du HCR dans le communiqué conjoint PAM/HCR précité.
L'ambassadeur marocain a rappelé qu'en vertu de la convention de Genève sur les réfugiés, le pays d'accueil est responsable de la sécurité physique et alimentaire des ”personnes refugiées” sur son territoire. Cependant, loin d'apporter aide et assistance aux ressortissants marocains retenus à Tindouf, l'Algérie préfère s'en décharger sur la communauté internationale, et réserver sa générosité à financer et armer les séparatistes. Dans ce contexte, il est encourageant de constater un début de prise de conscience internationale sur les conséquences néfastes de la posture schizophrène de l'Algérie sur la stabilité, la paix, et l'intégration régionale au Maghreb. C'est le cas du Royaume Uni, dont l'ambassadeur à Alger, M. Graham Hand Stewart a déclaré, au quotidien algérien, "Le Matin”, du 12 septembre dernier : ”Nous sommes réticents à vendre des armes à l'Algérie. Je dois dire que nous restons attentifs que les armes que nous vendons à l'Algérie n'aillent ailleurs. Au Sahara, comme cela a été le cas par le passé”.
A l'évidence, la crise alimentaire qui sévit à Tindouf n'émeut guère l'Algérie, dont les obligations humanitaires sont sacrifiées sur l'autel de ses visées hégémoniques. Ce qui la rend, au vu du droit international humanitaire, encore plus responsable de la détérioration de la situation alimentaire qui menace les ressortissants marocains séquestrés à Tindouf. C'est pourquoi mon pays lui lance un appel solennel afin qu'il ouvre les portes des camps et autorise le retour de leurs occupants à leur mère patrie, le Maroc. A défaut d'un règlement politique auquel l'Algérie continue à s'opposer, en rejetant la proposition de l'accord-cadre, proposé par M. James Baker, envoyé personnel du SG de l'O.N.U., seul leur retour librement consenti, sous les auspices du HCR et avec toutes les garanties internationales auxquelles le Maroc a déjà souscrit, pourrait éviter que la crise alimentaire actuelle ne se transforme en catastrophe humanitaire, a conclu M. Hilale.