Spécial Marche verte

L'art au service de la démocratie

“S'il y a de l'espoir dans le futur, il y a du pouvoir dans le présent”. Le pouvoir : c'est s'exprimer et notamment voter. Pourtant aujourd'hui si de nombreux jeunes gardent espoir, beaucoup se désintéressent totalement des élections et oublient qu'ils p

27 Août 2002 À 18:54

Devant ce manque d'intérêt que porte la population aux prochaines élections du mois de septembre, l'Institut National Démocratique et le ministère de la culture ont donc décidé de réagir et de mettre en place un projet de sensibilisation. L'exposition l'Art de Voter est le fruit de ce travail.
L'Institut National Démocratique, qui a pour but de promouvoir la démocratie, œuvre d'ordinaire à travers des conférences et des séminaires. Mais cette fois, et c'est une première, il a décidé de changer de méthode. Il est parti de deux constats simples : le meilleur moyen de faire passer le message auprès des jeunes est de le faire passer par des jeunes et d'autre part le message aura plus d'impact s'il est transmis à travers l'art et la culture.
C'est pourquoi le ministère de la culture et l'IND ont décidé de faire appel à des jeunes marocains, étudiants en art pour les aider dans ce projet de sensibilisation.
Ce sont donc les cinquante élèves de l'école des Beaux Art de Tétouan qui ont eu la chance d'y participer. "Quand nous les avons rencontrés pour la première fois, nous les avons trouvés passifs. Beaucoup ne s'intéressaient pas aux élections et n'avaient jamais eu l'intention de voter, explique Asmae Othmani, chef de projet pour l'IND, mais tout à coup ils se sont lancés, il y a eu comme une sorte de déclic, ils se sont mis à poser des questions, à réfléchir à l'importance du vote… nous avons vite sentis une réelle motivation ”.
Tout a ensuite été très vite. Un séminaire a été organisé avec des spécialistes des élections afin de faire découvrir l'histoire des élections au Maroc et afin de répondre à toutes les interrogations des jeunes. Puis le concours a été lancé. Chaque jeune avait une journée et demi pour réaliser une œuvre de son choix sur l'un des cinq thèmes proposés. Le thème des élections transparentes a suscité le plus d'intérêt et le plus d'œuvres mais l'importance de la mobilisation politique des femmes, les changements dans le nouveau mode électoral, l'importance d'un vote conscient et l'importance de mobiliser les jeunes ont également fait quelques adeptes.
Sur les cinquante œuvres réalisées, trente et une ont été retenues par un jury hétéroclite, composé d'artistes, de ministres, de membres d'associations, de professeurs…
Au total trois supports différents pour parler des élections : la peinture, la sculpture et la bande dessinée, trois supports qui ont permis de dénoncer, de constater mais toujours avec un regard optimiste. La corruption, l'ignorance, l'urne opaque… ce fut ou ce sont des réalités mais il faut garder espoir, il faut aller de l'avant. Le passé est aujourd'hui derrière et c'est l'avenir qui s'ouvre pour ces jeunes. C'est ce message d'espoir qu'ils ont décidé de faire passer.
Une exposition itinérante

L'exposition est d'ailleurs très bien accueillie de la part du public. Mais si l'art a parfois la réputation d'être réservé à une élite, l'IND et le ministère de la culture ont pourtant voulu toucher toute la population car le problème des élections concerne toutes les couches sociales et ce sont sûrement celles qui n'ont pas forcément accès à la culture qui ont le plus besoin d'être sensibilisés à ce problème. C'est pourquoi, le ministère de la culture et l'IND ont choisi de mettre en place une exposition itinérante. De Tétouan à Rabat, en passant par Chaouen, Marrakech, Essaouira, Casablanca, Meknès et Khémisset, l'exposition aura eu l'occasion de toucher aussi bien la population urbaine que rurale. Des grandes villes, elle a été ou sera en effet déplacée dans des petits villages, en plein air, afin d'aller à la rencontre du public. Elle prendra fin le jour des élections, le 27 septembre, à Rabat.
Si l'IND et le ministère de la culture sont aujourd'hui fiers du succès de ce projet, ce sont sûrement les élèves qui sont les plus heureux d'avoir pu participer à un tel concours. Car au delà de la satisfaction d'exposer une œuvre, ils garderont toutes leur vie les fruits de la réflexion qu'a engendré ce projet. "Avant je ne m'intéressait pas du tout au vote, personne ne m'en parlait et je n'avais pas l'intention de voter. Puis après le séminaire et le concours je me suis dit : je suis un citoyen marocain, j'ai le droit de voter, il faut que je l'exerce. Ce projet m'a permis de réfléchir mais aussi d'avoir envies de sensibiliser les personnes que je connais. J'ai eu des discussions avec tous mes amis et ma famille afin de leur expliquer pourquoi il est important de voter. Ce projet a été plus que positif, c'est un succès incontestable”, raconta Marouane, le jeune homme a été récompensé pour sa sculpture qui aborde le glissement de l'urne opaque et de la corruption vers le vote transparent et la reconnaissance des femmes et des handicapés. Si la vie de Marouane a été en quelque sorte bouleversée par ce projet, il n'est pas le seule. 91% des étudiants des Beaux Arts ont affirmé à la fin du projet qu'ils avaient l'intention de voter. Amina résume à elle seule la situation qu'elle semble avoir parfaitement compris : " oui évidemment que je vais voter, car si moi, je ne vote pas et toi tu ne votes pas, qui votera ? ”

L'Art de voter, jusqu'au 2 septembre à l'institut de la culture, l'Ermitage, Avenue du Nadov, Casablanca.
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