La chirurgie réussit à reconstruire entièrement le visage d'une enfant
Des chirurgiens genevois ont ouvert un avenir à Queen, petite Nigériane de cinq ans abandonnée à la naissance, en réussissant à reconstruire entièrement son visage terriblement déformé par une malformation congénitale.
>Plus de quinze jours après sa
«On peut dès à présent espérer qu'à l'adolescence, Queen pourra vivre presque normalement», estime le professeur.
Le savoir-faire des chirurgiens et une chaîne de solidarité ont permis à Queen d'être opérée, au lieu de subsister, recluse et abandonnée à son sort, dans un hôpital du Nigeria.
Queen vit aujourd'hui dans un centre de l'Association «Terres des Hommes», quelque part en Suisse.
Cette malformation unique n'avait jamais été opérée auparavant. Queen souffrait d'un écartement de 11 centimètres entre ses deux yeux (au lieu de 2,2 ou 2,4 cm) situés de chaque côté de la boîte cranienne, elle-même non soudée au point de faire ressortir une partie du cerveau.
Le défi était «titanesque» et a été réalisé en quatre opérations entre octobre 2001 et le 1er mars 2002, ont raconté les médecins.
Il fallait non seulement déplacer les orbites et les yeux sur une distance jamais tentée, mais encore créer une architecture osseuse frontale, un nez, résoudre la fente labiale, corriger les malformations du palais et du maxillaire supérieur.
«L'unité de chirurgie plastique et reconstructive» des HUG a d'abord reconstruit une paupière et prélevé à Queen une côte comme matériau pour constituer son os nasal.
La deuxième opération en novembre 2001 devait durer 14 heures et être la plus difficile.
L'équipe a commencé par dégager les nerfs optiques de leur gangue osseuse avant de repositionner les orbites et les yeux en réduisant leur écart.
Puis, une fois l'os du crâne mis à nu, les chirurgiens ont créé l'architecture du futur visage après avoir divisé en deux la structure osseuse.
Le front a ensuite été créé en prélevant un morceau de la partie arrière du crâne. Les deux éléments de la face ont été scellées au front partiellement reconstitué avec des plaques de titane.
La lèvre supérieure a été rétablie et le nez reconstruit. La peau du crâne a été étirée et étendue sur la nouvelle structure. Dans une troisième opération, son cuir chevelu a été entièrement décollé et replacé plus à l'arrière de la tête.
Le 1er mars, les chirurgiens plasticiens ont corrigé le nez et rectifié les paupières. Le nez est resté anormalement large, mais cette «réserve» devrait permettre de l'allonger en fonction de la croissance de l'enfant.
«Après chaque intervention elle se regardait dans un miroir. Elle avait l'air tellement heureuse», raconte le professeur Montandon.
Dans une dizaine d'année, la fillette devrait être réopérée.
C'est lors d'un congrès en Afrique que le professeur Montandon avait été averti par un collègue nigérian du cas de cette petite fille qu'aucun hôpital de son pays ne pouvait opérer.
La femme du gouverneur de l'Etat nigérian d'Anambra, Mme Nnenne Mbadinuju, l'avait baptisée «Baby Queen» et avait lancé avec l'ONG «Daily Bread Organization», une campagne pour financer son voyage en Europe.
Deux autres associations, la Fondation Sentinelles et l'Association d'entraide des Mutilés du visage (AEMV), sont aussi intervenues pour participer à ce sauvetage.
Initiée par le professeur Paul Tessier de Hôpital Foch (Paris), la chirurgie cranio-faciale a vu le jour à la fin des années 60. Aujourd'hui, les HUG de Genève opèrent chaque année une quinzaine d'enfants touchées par ce type de malformations moins spectaculaires.