Naissance de SAR Lalla Khadija

La lecture: évasion, divertissement ou recherche de soi-même ?

Les lectures que nous faisons pour nous informer occupent beaucoup de notre temps. Comme le monde évolue très vite aujourd'hui, l'homme du XXe siècle doit quotidiennement se tenir au courant de ce qui s'y passe. Il ressent vivement le besoin de s'informer

05 Mai 2002 À 16:19

Les revues spécialisées se multiplient et fournissent des informations nécessaires et précieuses au médecin, à l'enseignant, à l'architecte , à l'informaticien, à l'économiste, à l'hôtelier, à la cuisinière etc.
D'un autre côté, il existe d'autres personnes pour qui la lecture est un passe-temps favori , un plaisir, un divertissement.
Elles prennent le temps de lire, de s'arrêter pour admirer la beauté des mots, relisent les passages intéressants, se perdent dans leur rêverie. Les goûts diffèrent et varient selon les individus.
Certains ne lisent que des San Antonio, des bandes dessinées, des romans-photos … D'autres considèrent cela comme une perte de temps et choisissent des romans littéraires, des mémoires ou des livres d'histoire.
Cependant, d'autres absorbés par leur vie sociale et professionnelle ne trouvent guère le temps de lire quoi que ce soit. Pour elles, se cultiver et réfléchir sur l'action des autres est considéré comme un luxe, le privilège des oisifs.
Distraction
Il est certain que le roman n'a pas la même portée sur tous. C'est l'intelligence, la finesse et la sensibilité des lecteurs qui la feront varier. Lire un roman est une distraction, un passe-temps qui nous délasse un moment de nos soucis quotidiens, de notre travail. Il nous détourne de nous-même et plus profondément nous empêche de prendre conscience du néant de notre vie.
En effet, il existe une catégorie de romans dont la principale fonction est de nous distraire : les romans d'aventures dont l'action se déroule dans les pays lointains et qui nous procurent une certaine évasion.
Une des fonctions du roman donc, en nous captivant, est de nous empêcher de penser à nous-mêmes, de nous poser des questions vaines. Claude Roy a, cependant , écrit que «la bonne littérature ne doit pas être l'art de penser à autre chose, mais l'art de penser plus profondément, plus valablement des choses».
Si le roman nous détourne de la méditation sur nous-mêmes, il ne nous empêche pas de réfléchir.
Il favorise même cette réflexion en posant des problèmes et permet de mieux se connaître par la psychologie des personnages.
En lisant un roman, chacun s'identifie un peu à l'un des personnages, ou du moins retrouve un trait de son caractère chez l'un ou l'autre. Et cette identification permet de connaître les motivations profondes de nos actes, par analogie avec celle du personnage en question.
Un écrivain a dit : «Un des résultats de la littérature, c'est de nous guérir de la maladie originelle qui consiste à croire que nous sommes seuls dans notre cas».
Un message à transmettre
Dans le roman, l'auteur nous fait connaître la psychologie de ses personnages, et par la même, met en lumière des choses, des idées, des sentiments qui sont en nous, que nous ressentons confusément, mais que nous n'arrivons pas à formuler clairement.
Françoise Sagan dans «Aimez-vous Brahms» ? nous présente une femme d'âge mûr avec ses soucis, ses angoisses, sa peur de la vieillesse et de la solitude.
Bien des femmes peuvent se retrouver dans ce personnage et le fait que l'auteur évoque avec précision les sentiments, le caractère, les angoisses de son héroïsme, peut amener à les faire réfléchir sur elles-mêmes ou découvrir une partie de leur être qui était juste là restée dans l'ombre.
Le roman semble avoir une fonction de «miroir» c'est-à-dire qu'il nous renvoie une image de nous, mais plus précise et plus approfondie que celle que nous avons en nous-mêmes.
En posant des questions, un écrivain nous fait réfléchir , fait appel à notre intelligence et à notre sensibilité. Chaque romancier a eu quelque sorte un «message» à nous transmettre et il ne dépend que de nous que ce message soit compris ou non.
Parmi les états provoqués chez le lecteur par les œuvres littéraires, l'un des plus curieux est le phénomène de l'envoûtement romanesque. Alors qu'une période d'éloquence peut disposer à l'action, qu'une poésie lyrique peut nous amener à rêver sur notre vie, la lecture du «roman à l'état pur» isole du monde réel ou plus exactement suscite en nous des sentiments d'une singulière violence dans un univers qui n'est ni faux, ni vrai, dans un univers à part où l'on peut se perdre.
Certains se demandent s'il faut se restreindre à quelques grands auteurs du passé dont l'œuvre consacrée sera inlassablement méditée pour en puiser toutes les ressources durables.
Nourris de romantisme, nous avons toujours tendance à considérer le chef-d'œuvre plutôt dans son élan historique que dans sa valeur éternelle, à mêler l'efficacité actuelle à la valeur littéraire.
Et pourtant, quiconque veut profiter en lisant, ne veut-il pas en lui comme un profond besoin de valeurs indépendantes des circonstances et du sol glissant de l'histoire.
Au-delà de l'équilibre des gens , au-delà de la richesse et de la psychologie, les grandes œuvres répondent aussi à notre besoin d'éternité en nous offrant des types de problèmes, d'inquiétudes, d'angoisses éternelles.
Même si l'angoisse de tel écrivain n'est pas tout à fait la nôtre, là encore elle est une référence à laquelle nous nous accrochons.
Reconnaissance d'équilibre
La lecture , avant d'être une frénétique poursuite de l'actualité est la reconnaissance de quelques points d'équilibre, de quelques références humaines par rapport auxquels nous nous ordonnons.
Un cinéaste contemporain faisant récemment ce plaidoyer pour les livres : «Tout grand quel qu'il soit, aide toujours au bonheur. Même un livre qui parle de la mort, s'il en parle admirablement , rend un tout petit peu plus heureux «.
Quant à Jean-Paul Sartre, il a dit : «Je n'ai jamais gratté la terre, ni quêté les nids, je n'ai pas herborisé, ni lancé des pierres aux oiseaux.
Mais mes livres ont été mes oiseaux et mes nids , mes bêtes domestiques, mon étable et ma campagne».
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