Le costume marocain du 18e siècle
Ecrit en 1768, le livre de Georg Host, le diplomate danois qui a vécu au Maroc en cette date, «Relations sur les Royaumes de Marrakech et Fès», est une référence pour la connaissance du mode de vie au quotidien marocains de l'époque. Host en effet prê
«Les Maures ne changent jamais leur façon de s'habiller et ils ignorent ce qu'est la mode; la coupe est chez tous et chacun la même, les couleurs diffèrent uniquement pour les caftans, et seules la finesse et la propreté permettent aux gens nobles de se distinguer.
Sur la tête, les célibataires n'ont rien d'autre qu'une touffe de cheveux de l'un ou l'autre côté, par laquelle, pensent certains, deux anges qu'ils appellent Mounkir et Nakir les tirent vers le paradis après leur décès - mais les Maures sensés rient de cette fable; même les Princes vont tête nue. Les hommes mariés ont soit un bonnet rouge en laine nommé sesia, qui a chez les Maures la signification particulière suivante :
si un Chrétien ou un juif le coiffe et le garde sur lui alors qu'un Maure l'a déjà porté, on considère qu'il déclare avoir adopté la religion musulmane. Chérif, haj, caïd, raïs ou taleb portent un chef ou «amama»; c'est un tissu à mailles ou un voile blanc fin, qui, enroulé autour du bonnet rouge, l'enserre joliment; il peut coûter de cinq marks à cinq ducats.
Près du corps, ils portent une camisa ou chemise, dont le col ras de cou est généralement brodé de soie jaune et les manches ouvertes, comme celles de nos robes de femmes; chacun d'elles est parfois longue de cinq alen, ce qui permet de les nouer ensemble dans le dos afin de dégager les bras.
Au dessus de la chemise, les Maures ont un caftan ou gilet, parfois avec des manches, certaines courtes, d'autres longues, et parfois sans manches; à l'ordinaire, ils sont de drap rouge, bleu ou vert, mais certains sont un assemblage de ces couleurs et sont ornés de carrés ou de rayures; d'autres sont brodés d'or, bien que ce soit contre les principes de leur religion. Arrivant juste un peu au dessous du genou, le caftan n'est pas aussi long qu'un doliman turc; il ressemble peut-être à la tunique romaine. Des petits boutons sont cousus très près l'un de l'autre.
De petits détails vestimentaires
Par dessus le caftan, ils portent soit un hazem, large ceinture de soie qui se fabrique à Fès et se vend de vingt à cent marks, soit une modhema, ceinture de cuir munie d'une bouche, que les gens de la Cour portent en guise d'ornement, mais qui est plus utile encore à ceux qui ont quelque chose à faire car elle permet de remonter les vêtements pour ne pas être gêné.
Au lieu du caftan, certains portent un keseb, chemise de laine sans manche.
Au dessus, ils portent un haïk, fait d'une grande pièce de laine tissée blanche, le plus souvent longue de sept alen et large de trois, dans lequel ils se drapent tous, du Roi jusqu'au Maure le plus humble, et cela de différentes manières : la plus générale est d'en placer le début sur la tête et d'en rejeter la fin sur l'épaule gauche. Pourtant, en présence du Roi, on l'enlève de la tête et on y fait un nœud, ce qu'on appelle akhat er-roua. C'est un vêtement particulièrement utile aux pauvres car, outre le fait qu'ils n'ont besoin de rien d'autre sur le corps, ils s'en servent aussi comme couverture pour dormir, comme sac quand ils ont quelque chose à porter, comme foulard pour se moucher et se sécher le nez, et comme filet pour prendre le gibier avec lequel, en guise de passe-temps, ils chassent pendant des heures au vu de tous sans pour cela risquer une sanction, mais c'est un vêtement incommode pour ceux qui travaillent car il retombe sur les mains et dérange à chaque instant; c'est pourquoi ils l'enlèvent habituellement en telle occasion, pour qu'il ne les gène pas mais aussi pour ne pas le salir, car sa laine blanche n'est pas facile à nettoyer. Il y a pour cela les curieux moghasel ou laveurs de haïks, qui les enduisent de savon ou d'argile (ghassoul), puis les lavent avec les pieds, les retournant et les remuant ainsi sans difficulté, les arrosant parfois d'eau savonneuse, jusqu'à ce qu'ils deviennent blancs comme la neige; ils recherchent généralement pour ce lavage un endroit au sol garni de grandes pierres et près d'un mur sur lequel ils puissent s'appuyer.
Par dessus le haïk certains portent un solham, de la même étoffe que le haïk, qui comporte une capuche dont on se couvre la tête par mauvais temps; de la capuche pend dans le dos un pompon de soie ou de laine; sur le devant, il peut y avoir, à la manière turque, des galons munis de franges courtes.
Ceux qui en ont les moyens portent des pantalons en toile appelés seroual toujours très larges. Ceux des marins sont souvent en drap.
Personne, pas même le Roi, ne met de bas, sauf pour un long et difficile voyage par mauvais temps; mais aux pieds, tout le monde porte des babouches ou pantoufles en maroquin appelées cherbil, celles des hommes sont jaunes, celles des femmes rouges, et toutes, comme on le sait, sans talon. Les soldats portent un skin ou sabre, qui pend à une large bandoulière passée à l'épaule droite; les lames sont fabriquée dans le pays ou bien importées par des commerçants chrétiens, mais la poignée en corne, la garde en fer et le fourreau sont façonnés par les Marocains eux-mêmes.»