Les artisans de Baghdad veulent préserver le lustre du luth irakien
Ils sont une vingtaine de luthiers. Guerre ou paix, ces artisans ont en commun un seul but: préserver la qualité de fabrication du luth irakien, le meilleur selon eux du monde arabe, et transmettre leur art aux générations futures.
Faïq Mohammad Fadel, 61 ans, est l'un d'eux. Dans son atelier situé dans une cité de l'est de Bagdad, il proclame avec fierté que le luth irakien n'a pas d'égal, ni en Egypte, ni en Syrie, ni ailleurs.
Des photos de son père, Mohammad Fadel, offrant des luths au président Saddam Hussein, ornent les murs de l'atelier qu'il a ouvert au début des années 1930. Son père, décédé, était considéré comme le meilleur fabricant de luths dans le pays.
"Par sa qualité, le luth irakien a acquis une réputation internationale. Nous sommes fiers qu'il n'ait pas été détrôné, et si Dieu le veut il ne le sera jamais", assure-t-il.
"Plusieurs vedettes de la chanson arabe, dont Mohammad Abdel Wahab, Farid al-Atrache, Wadih al-Safi, Mohammad Kassabgui et Mounir Bachir, étaient nos clients", raconte cet artisan. "Mon frère luthier s'est installé en Tunisie. Moi aussi j'ai continué l'oeuvre de mon père en inculquant le métier à mes enfants", ajoute-t-il. Le luth irakien est surtout connu pour la qualité de son bois, importé de l'Inde, et la finesse des décorations.
"Aujourd'hui, nous utilisons du bois de noyer irakien, en raison de la chute de la monnaie irakienne et des difficultés d'importation" liées aux sanctions qui pèsent sur le pays depuis 1990, poursuit M. Fadel.
"Pour les cordes, on les achète sur le marché local. Avant, elles étaient importées d'Europe", dit-il. "Les Affaires se sont ralenties après la guerre du Golfe (1991), mais elles ont aussitôt repris même si les ventes ont chuté en Irak", explique l'artisan, évoquant des aides fournies par le ministère de la Culture. Selon Youssef, un autre artisan, le luth se vend entre 100 et 200 dollars.
Le dollar américain s'échange aujourd'hui à 2.000 dinars. Avant sa dégringolade, le dinar irakien valait plus de 3 dollars.
"Je fabrique quatre à cinq luths par mois. C'est un métier d'artiste où on n'a pas le droit à l'erreur. Sinon, c'est le prestige du produit irakien qui est entamé", assure-t-il, en exprimant la crainte que le métier disparaisse faute de relève parmi la nouvelle génération.
Hussein Kilani, qui fait partie de cette petite corporation, cite avec fierté les noms de Mohammad Abdou, Abbad al-Jouhar et Abdel Majid Abdallah, chanteurs du Golfe qui comptent parmi ses clients.