Spécial Marche verte

Les enfants entre le réel et l'imaginaire

«C'est pas moi, c'est lui !» Alors qu'on vient de le voir faire une bêtise, notre petit dernier peut nous affirmer avec le plus bel aplomb qu'il n'a rien fait. Ces mensonges qui nous exaspèrent n'en sont pas toujours. Jusqu'à environ 4 ans, les enfants fa

27 Octobre 2002 À 16:24

Loin d'inquiéter, le mensonge des enfants devrait plutôt rassurer les parents, affirme le célèbre pédiatre Terry B. Brazelton, car il est le signe d'une bonne santé émotionnelle. L'enfant de 4,5 et même 6 ans vit dans un monde magique où rien n'est impossible. Il ou elle est tour à tour pompier, princesse ou astronaute. Quand ils s'amusent avec une poupée, une figurine ou une petite voiture, les enfants sont totalement dans l'invention de leur personnage. Si votre petit garçon vous affirme qu'il est un Pokémon, vous pouvez entrer dans le jeu mais en lui disant que vous préférez quand même qu'il soit votre petit garçon. On peut donc aller dans le sens du jeu des enfants à la condition toutefois de revenir régulièrement au réel. Sinon, l'enfant risque d'être convaincu que tout ce qu'il raconte est crédible pour les adultes puisque ses parents ne le contredisent pas. «Ça marche», pensera-t-il, d'abord un peu étonné puis très vite, il comprendra que le mensonge peut lui servir à éviter de multiples désagréments.
D'ailleurs, vers 5-6 ans, quand on les écoute jouer, ils emploient volontiers le conditionnel : «Je serais le chef, tu serais le méchant… » D'eux-mêmes, ils disent «C'est pour de faux», ce qui signifie qu'ils intègrent petit à petit la différence entre le vrai et l'imaginaire. Ce n'est guère avant 7 ou 8 ans que le distinguo est bien établi entre les deux notions. A partir de cet âge l'enfant sait parfaitement quand il ment et la plupart du temps, il le fait pour éviter d'être réprimandé. Il peut avoir peur de certains châtiments disproportionnés et plus il craindra la réaction de ses parents ou de son instituteur(rice), plus il risque d'utiliser le mensonge pour y échapper.

D'abord, rassurer

Le mensonge peut aussi être le signe d'un manque de confiance en soi : l'enfant est sous la pression constante de l'attente de ses parents qui se disent facilement déçus quand quelque chose cloche. Evidemment, Ça ne fait jamais plaisir de réaliser que son enfant raconte des «bobards». Mais pour l'aider à ne pas s'enfermer dans cet échappatoire, il est parfois plus important de discuter avec lui du «pourquoi» du mensonge plutôt que de réagir en le punissant.
punir et gronder un enfant «menteur» peut avoir comme conséquence en effet de provoquer chez lui une surenchère de mensonges. Il a en fait besoin de votre aide pour l'aider à démêler ce qui se passe quand il invente des histoires ou nie avoir fait une bêtise. N'oubliez jamais que beaucoup d'enfants mentent de peur de décevoir leurs parents et de perdre leur amour. C'est pourquoi, quoi qu'il ait fait, il faut d'abord le rassurer, lui dire que vous l'aimerez toujours et lui expliquer pourquoi le mensonge n'est pas, la plupart du temps, une bonne solution.
Les mensonges ont toujours une signification : l'enfant cherche à épater ses copains, à se faire remarquer ou tout simplement à se faire aimer. L'enfant qui se vante de réussites ou d'exploits extraordinaires est moins un menteur qu'un enfant en quête de reconnaissance. Pour les parents, cela doit être interprété comme un besoin d'être rassuré sur ses qualités. N'hésitez pas à le féliciter pour une bonne note à l'école ou encore de son aide à porter un paquet bien lourd. Dites-lui à quel point vous êtes fiers d'avoir un enfant comme lui et petit, son sentiment d'insécurité s'estompera en même temps que sa tendance à s'inventer des actions d'éclat.
Evitez plus que tout d'humilier votre enfant. S'il vous découvrez par exemple au fond de son cartable un jouet qui n'est pas à lui, ne le traitez pas d'emblée de menteur et de voleur devant tout le monde. Dans le calme, seule avec l'enfant, constatez avec lui que ce jouet ne lui appartient pas et demandez-lui de le rendre à son propriétaire. Vous lui permettez ainsi de se «rattraper» et de ne pas se retrouver étiqueté une fois pour toute de «méchant». Expliquez-lui que beaucoup de personnes ont peur de dire la vérité, mais qu'il peut avoir toute confiance en vous et que toujours vous l'aimerez.
Ne culpabilisez pas votre enfant en l'écrasant sous des discours sur les saintes vertus de la vérité et de l'horreur que vous inspire le mensonge. Le but est de l'inciter au fil des années à ce qu'il ait le courage de ses actes. Et puis, rappelez-vous que l'enfant imite avant tout ses parents. Que le premier qui n'ait jamais menti devant ses enfants lui fasse le premier reproche.
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