Martine Aubry, ex-ministre française de l'emploi: portrait au vitriol de « la dame des 35 heures »
C'est un livre-polémique qui a fait le pari de faire l'anti-portrait de Martine Aubry, star des socialistes et des sondages. L'ancienne ministre de l'emploi, actuellement maire de Lille, y est croquée sans complaisance. Une sorte de contre-biographie où l
LE MATIN
30 Mai 2002
À 17:17
Le soir du premier tour des présidentielles françaises qui a vu l'échec de Lionel Jospin et la sélection au deuxième tour du leader de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, elle a fait le tour des plateaux des principales chaînes de télévision, le visage grave, la colère à peine contenue, le verbe cinglant. Tout Martine Aubry, puisque c'est elle dont il s'agit, est dans cette image. Une femme de fer, héroïne des médias, diva des socialistes français, porte-drapeau des féministes, grande prêtresse des clubs de réflexion économico-sociologiques, madone des sondages d'opinion, est une icône dans le microcosme politique de l'Hexagone. L'icône sera écornée avec la parution d'un ouvrage qui fait l'anti-portrait du maire de Lille. «La dame des 35 heures», le livre que signent deux journalistes, Philippe Alexandre et Béatrix de l'Aulnoit, est une enquête sur l'itinéraire d'une enfant gâtée de la politique et choisit de prendre le contre-pied de l'image jusque-là parfaite d'une femme politique. L'enquête fourmille d'informations recueillies sur la base de témoignages, de rencontres et d'interviews. Martine Aubry apparaît sous un autre jour à l'opposé du portrait construit grâce à une communication soignée. La fille de Jacques Delors, ex-ministre et ancien président de la commission européenne est une énarque, « née avec la cuillère du pouvoir dans la bouche ». Elle baigne depuis sa tendre enfance dans le bain politique, sauf qu'à la différence de son père, fervent adepte des rapprochements partisans, elle est, en politique, manichéenne. Pour les auteurs de cette anti-biographie écrite au vitriol, Martine Aubry semble puiser son énergie «dans un affrontement gauche-droite».
Un pavé dans la mare du consensus
«La dame des 35 heures » décrit sans complaisance l'ascension de la ministre du Travail, «celle qui fait tout pour que l'on parle d'elle dans les médias». Très tôt, elle découvre les créneaux porteurs, les banlieues, l'insertion par l'économique, la lutte contre l'exclusion. Un comportement que commentent cyniquement les deux journalistes-biographes : «toute sa vie, la madone montrera un véritable talent pour s'approprier les concepts des autres, les promouvoir, les embellir, les exploiter pour s'en auréoler ». Son ascension politique est décrite dans ses moindres détails, histoire de mettre fin à une légende patiemment forgée. Martine Aubry, celle-là même qui « n'a pas grandi dans le parti, distribué de tracts ni meurtri ses mains dans les grosses poignes du peuple de gauche » est parachutée à la mairie de Lille pour succéder à Pierre Mauroy.
Et au fil des pages et des lignes, le tempérament de cette femme de gauche dont le cœur bat à droite, transparaît : ses amitiés avec le patronat français, ses répliques cinglantes, ses lois Aubry avec lesquelles « elle réussit un exploit inédit : faire contre elle l'union des partenaires sociaux ».
« Elle est truculente, elle fait rire. Mais elle a la dent dure et personne au monde n'est épargnée. Nul est son épithète favorite, son mot-fétiche», rapportent en effet les auteurs.
A sa parution en février dernier, « la dame des 35 heures » a fait grand bruit. Classé actuellement parmi les meilleures ventes, le livre auquel l'anti-héroïne concernée a choisi de répondre par le mépris perd de son acuité tant les deux journalistes ont pris le parti de forcer le trait au point d'aboutir à la caricature d'une femme de fer aux pieds d'argile. Les auteurs annonçaient une enquête, donc des faits et surtout de l'objectivité.
Philippe Alexandre et Béatrix de l'Aulnoit auront tout même réussi un ouvrage-polémique, jeté comme un pavé dans la mare politique envahie par le consensus et le politiquement correct.
« La dame des 35 heures » Philippe Alexandre et Béatrix de L'Aulnoit Ed-Robert Laffont- 192 pages