Présentation du livre “Aïcha, pleure tes chroniques égarées”, à Sapress
Jeudi 7 mars 2002, après 10 ans, la salle de conférences de Sapress était au rendez-vous d'une cérémonie, confraternelle et familiale pour un hommage posthume à une grande dame de la presse, Aïcha El Mekki, disparue dans des conditions tragiques le 13 mai
LE MATIN
08 Mars 2002
À 19:26
Précurseur du fait divers dans son sens humain, mémoire du peuple, comme certains l'ont qualifiée, Aïcha El Mekki a inspiré Abdeljalil Lahjomri qui lui dédie son ouvrage "Aïcha, pleure tes chroniqus égarées”.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l'auteur n'a jamais lu les chroniques de Aïcha El Mekki, ces fameux billets "Au ban de la société” qui paraissaient dans le quotidien "L'Opinion”.
Curieux de connaître cette journaliste, après sa mort, Abdeljalil Lahjomri ira aux sources pour se procurer les chroniques de Aïcha El Mekki.
En tout, il réussira à collecter 800 articles sur lesquels il planchera. Et c'est à travers ces écrits que l'auteur a commencé à découvrir la personnalité de Aïcha, son sens de l'investigation pour aller au fonds des choses et non pas se limiter à la narration d'événements dramatiques. Pas question pour elle de verser dans le sensationnel pour attirer l'attention ou pour briser l'intimité d'une personne. Comprendre le geste fatal dans sa globalité, tel était l'approche de Aïcha El Meki dont les écrits restaient ancrés dans le tissu social, dans sa diversité et sa complexité.
Lors de nombreux procès que j'ai suivis, aux côtés de Aïcha El Mekki, je remarquais souvent qu'elle fixait longuement les prévenus, cherchant probablement à mieux cerner leurs regards, leurs gestes, leurs paroles pour mieux appréhender leur psychologie. Afin de mieux comprendre le personnage qu'elle "dévisageait”, elle n'hésitait pas à se rapprocher des membres de sa famille pour recueillir d'autres informations : sa date et lieu de naissance, sa scolarité, ses débuts dans la vie active, ses relations familiales, de voisinage, ses penchants, ses aspirations et ses problèmes.
A la fin de ses investigations, elle se faisait une idée plus précise sur les circonstances ayant conduit le prévenu à la barre.
Une vie repliée
Aïcha El Mekki, de son vrai nom Rkia Fatha, est née en 1950, à Taza, a commencé sa collaboration avec "L'Opinion” en 1969, puis avec la section française de la RTM (1971-1973) avant de reprendre du service avec le quotidien de Rabat.
Outre ses fameux "bans” qu'elle se plaisait à appeler ainsi, Aïcha El Mekki, toujours à l'écoute des phénomènes sociaux, a réalisé plusieurs enquêtes sur les "Chouafate”, "Nagafate”, "les enfants martyrisés”.
En 1990, elle a lancé une page hebdomadaire "Société et justice”.
Des problèmes financiers dus à son très modeste revenu et l'absence de couverture sociale ont démoralisé la combattante, engagée aux côtés des petites gens qu'elle tentait de comprendre et de défendre.
Lasse, elle finit par "déposer les armes” et se retira discrètement dans son appartement du quartier La Villette, là où elle coupa l'écoute avec le monde extérieur qui l'avait fortement traumatisée.Et elle est partie dans l'au-delà, modeste et discrète comme elle l'a toujours été, laissant derrière elle ces chroniques qui étaient tout son bonheur.
M. Abdallah Stouki qui animait la soirée d'hommage rendu à Aïcha, avait vu se succéder des témoignages qui n'ont pas révélé, à notre avis, la vraie personnalité de Aïcha El Mekki.
L'énigme demeure…