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Présidentielles françaises: SOS démocratie

Bien que la première présidentielle française du troisième millénaire ait été boudée par quasiment le tiers des citoyens de la République des libertés et de la tolérance, de nombreux pays y étaient très attentifs.

29 Avril 2002 À 17:38

Cet événement a «concerné» tous les démocrates de la planète, vu le rôle historique de la France dans la promotion des droits humains et dans le processus de démocratisation des nations.
Or, très froide était la douche à laquelle on a eu droit cette soirée du dimanche 21 avril, à cause du caractère extrême des chiffres qui l'avait marquée.
En effet, un Français sur trois ne s'est pas exprimé (abstention, vote blanc et nul). Parmi ceux qui se sont exprimés, un Français sur trois a voté à l'extrême (droite et gauche).
C'est enfin la première fois de l'histoire de la cinquième République, qu'un candidat d'extrême droite accède au second tour.
Qu'un système de gouvernance, cité en exemple par les démocrates du monde entier, ait pu produire un tel résultat est pour les moins déroutant!
Que l'extrême droite remporte des batailles en Autriche, au Danemark, au Portugal ou en Italie passe encore, mais quand il s'agit du pays des droits de l'Homme dont l'histoire récente est le récit de luttes d'un peuple pour son émancipation, cela est tout simplement «imbuvable».
A priori, plusieurs raisons ont pu contribuer à la déliquescence et à l'éclatement de la bulle politique française.
Il s'agit du marque de discernement devant être mis en évidence dans les thèmes de la campagne à travers une ligne politique claire de droite et une autre, bien distincte, de gauche.
La gauche, encore faut-il le souligner, s'est trompée d'élection et le parti socialiste, en la personne de L. Jospin (17%) a sous estimé et utilisé d'une manière machiavélique, tout en les subissant, ses alliés naturels tels que le mouvement de J.P. Chevenement (5%) en le taxant de dissidence, et C. Taubira (2%), l'autonome, qui ont du coup précipité l'éviction du chef du gouvernement, à jamais, de la scène politique française. Incontestablement, efficace durant son mandat, intègre et honnête, et faute de faire valoir tous ses acquis,
L. Jospin avait-il d'autres alternatives que de démissionner?
Le manque d'imagination concernant des thèmes accrocheurs, est aussi une raison d'un tel désastre politique, qui a nourrit le terreau de l'extrémisme et dont la responsabilité est pareillement partagée entre la gauche et la droite.
La droite, paranoïaque, par ailleurs, a nourri son extrémisme en jetant trop la lumière sur le thème obsédant de l'insécurité, médiatisé à outrance, et qui a été en toute évidence, capté par J.M. Le Pen (+17%), les gens préfèrant naturellement l'original à la photocopie.
Le Pen n'a-t-il pas leurré l'ensemble des analystes politiques français autant qu'une large frange de ses concitoyens, grâce à son nouveau look du pépé tranquille et notabilisé; ce qui lui a permis de désarmer tous ceux qui avaient peur de lui et de doper, une fine, efficacement la machine infernale de son parti?
L'évolution des idées en France par plus de tolérance et le mépris général à l'égard de l'extrême droite exacerbée par son émiettement suite à la dissidence de Bruno Megret, n'ont-ils pas contribué activement à son occultation?
Il faut dire, enfin, que la conjoncture de l'après 11 septembre, émaillée par des incidents cinglants en période pré-électorale ont eu leur part dans la montée de l'extrémisme à l'échelle planétaire et en France aussi.
Toutes ces raisons ne peuvent expliquer , qu'en partie, le nihilisme de la population française à l'égard de son système politique, mais a-t-on songé une seule fois, malgré son évidence, que la démocratie est tributaire dans son âme du vox populi?
C'est à ce niveau, d'ailleurs, que Le Pen, en organisant à bras le corps, entre autres, des fêtes d'apparence anodine, a excellé tout en s'impliquant directement dans les milieux des jeunes, populaires et dans les vieilles régions ouvrièresconsidérées, jadis, comme la chasse gardée de certains milieux politiques.
Cette approche Lepéniste, bien que répréhensible sur le fond, de la chose politique n'a-t-elle pas eu le mérite d'être la plus authentique, dans sa forme en tous cas, dans l'exercice de la démocratie ? Ne devrions-nous pas réapprendre, au quotidien, à faire de la politique de terrain ?
Ne devrions-nous pas, par conséquent, revaloriser le tissu vital et collectif dans les quartiers ?
En attendant, la France qui vient de subir une terrifiante défaite dans ce qu'elle a de plus précieux, à savoir , sa démocratie , devra absolument se racheter le 5 mai prochain en diluant l'impact du phénomène Le Pen sur le mental de la population française.
Pour cela, tous les responsables politiques, syndicaux et associatifs se doivent de mobiliser les électeurs, ni en se pinçant le nez, ni la mort dans l'âme, mais ouvertement et dignement en les appelant à voter J. Chirac au second tour ; et ce, beaucoup plus par refus du racisme, de l'extrémisme, de la xénophobie et de la haine, que pour son bilan ou son programme.
Il faut reconnaître, que cinq ans après l'échec de la dissolution, J.Chirac tenace et habile, sera paradoxalement le Président du record des suffrages au deuxième tour en passant par le taux le plus faible au premier tour de l'histoire de la cinquième République. Le seul moyen de faire oublier au monde entier la honte des Français du premier tour, l'objectif d'un score de 85 % au deuxième tour lui est imposé pour se revaloriser aussi bien à l'égard de l'opinion publique nationale qu'internationale.
Mais ce dernier aura-t-il les moyens de gouverner sachant que les primaires de 1997 ont été brouillées par l'extrême droite ? La France ne risque-
t-elle pas, d'emblée, de subir l'artefact d'une nouvelle cohabitation ?
C'est peut être le côté positif du tollé du premier tour de l'élection présidentielle 2002 car, en perspective des législatives, on a le sentiment qu'une forte impulsion est donnée pour la refonte et le reclassement du paysage politique français qui a , d'ores et déjà, amorcé l'émergence de pôles politiques unis et tant revendiqués par l'opinion nationale : union pour la majorité présidentielle pour la droite : et «gauche unie» pour la «gauche plurielle» et ses alliés.
La France possède bel et bien l'énergie requise pour sauver sa démocratie, la prolifération à travers tout l'Hexagone de manifestations anti-Le Pen sont là pour en témoigner.

Nature humaine

Etant donné que l'extrémisme est une partie intégrante de la nature humaine et que la démocratie reste le meilleur système politique actuellement en vigueur, ne serait-il pas plus judicieux de le dédiaboliser et de le décanibaliser, en s'orientant sur les besoins de ses adeptes, en les rassurant, plutôt qu'en leur faisant subir une psychanalyse primaire et sauvage ?
M. Chirac , sous prétexte de ne pas vouloir banaliser l'extrémisme, n'a-t-il pas eu tort de refuser une confrontation publique avec Le Pen comme l'exige la tradition et comme sept français sur dix appellent de leurs vœux ?
Le modèle français constitue depuis longtemps une référence pour les démocrates de nombreux pays , dont le Maroc.
Cet incident, démontre l'ampleur de la fracture sociale et culturelle en France, qui est quasiment une constante au sein de tous les pays dits émergents. Saura-t-on en tirer la leçon, pour s'ancrer , sans retard, dans l'ère du progrès et de la modernité ?
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