Sage-femme depuis 48 ans, Hajja Drifa n'a qu'un vœu: réhabiliter le métier
La paciencia, la paciencia, c'est en ces termes prononcés dans un espagnol élégant que Hajja Babel Drifa explique la notoriété qui l'aura auréolée comme étant la doyenne des sages-femmes de Tanger, sinon du Nord tout entier. >Ce métier à vocation h
MAP
05 Mai 2002
À 20:12
Propriétaire d'une maison de maternité, Hajja Drifa, 63 ans, ne divulgue pas de secret en assurant que le capital d'une sage-femme n'est autre que sa patience et sa magnanimité, ainsi que sa disposition à soutenir psychiquement la femme enceinte au moment de l'accouchement. Diplôme en main, suite à une formation assurée par des médecins espagnols, dont elle n'est pas peu fière, la doyenne des accoucheuses de Tanger, qui a entamé sa carrière en 1954, souligne que la fonction de la sage-femme se limite essentiellement à faciliter l'accouchement normal eutocique, mettant en garde contre tout excès de zèle de nature à empiéter sur le terrain des obstétriciens spécialisés. Rappelant que la santé est un secteur qui n'est pas fait pour les aventuristes et les vaniteux, elle indique qu'elle fait souvent face à des cas difficiles où des femmes enceintes, généralement de classe moyenne ou démunies, insistent à ce qu'elles accouchent dans sa maternité et refusent d'être transférées vers une clinique, au moment où ces cas dystociques nécessitent l'intervention de médecins spécialisés. Avec un enthousiasme singulier, elle assure qu'elle a toujours su enjamber ce genre de difficultés, armée en cela par sa patience, ses talents de persuasion et son aptitude à extirper la peur de ses clientes, en les assurant que devant un cas d'accouchement, un médecin se convertit automatiquement en une femme. Tête chenue, yeux étincelants de vitalité, des rides qui disent, chacune, l'histoire de milliers de nouveau-nés, Hajja Drifa promet de continuer à servir, aussi longtemps que le lui permettent ses forces, tout en mettant l'accent sur la nécessité d'une meilleure collaboration entre les sages-femmes et les médecins obstétriciens. Car, explique-t-elle, c'est cette coopération étroite, qui permettra de réhabiliter ce métier et de réduire sensiblement, par ricochet, le nombre des opérations césariennes dans les hôpitaux, ajoutant que, par leurs expériences, les sages-femmes pourraient épargner bien des coups de couteaux hâtifs. Après 48 ans de métier, agrémentes d'une carrière dans la santé publique qu'elle a du quitter en 1980, Hajja Babel Drifa n'a qu'un regret et un vœu: si le fait de ne pas avoir obtenu un diplôme d'obstetricienne lui tient particulièrement à cœur, elle ne rêve que de voir ce métier réhabilité et les sacrifices de ses collègues reconnus. Des statistiques de la délégation de la Santé de Tanger-Asilah indiquent que le nombre des naissances enregistrées dans les hôpitaux publics de la préfecture oscille, annuellement entre 6.700 et 7.000, avec une moyenne de 600 à 700 accouchements par mois, tandis que le nombre des sages-femmes ne dépasse pas 14 personnes (12 à l'hôpital Mohammed V et 2 à l'hôpital d'Asilah), soit un taux de couverture en deçà de 45 %.