Sahara marocain: les logomachies algériennes
« Alger regrette la réaction de Rabat au rapport de l'ONU sur le Sahara». C'est ainsi que les agences de presse se sont employées à décrire le sentiment qui prévaut officiellement dans la capitale algérienne suite aux derniers développements sur ce dossie
LE MATIN
26 Février 2002
À 22:51
Voilà qui ne laisse nullement de surprendre. Et qui appelle plusieurs remarques. Comment concevoir une autre réaction du Maroc, n'en déplaise à nos amis algériens, qui irait dans le sens contraire de ses intérêts et de sa souveraineté ? Comment ensuite l'accuser avec impudeur de tromper l'opinion mondiale sur les données véritables du conflit du Sahara occidental ? On tombe à la renverse au regard d'une aussi flagrante duplicité. On rappellera que le Sahara, lorsque l'Espagne l'avait occupé suite au partage franco-espagnol qui a suivi la conférence d'Algésiras en... 1905, n'était pas un territoire vide, terra nullius comme l'on dit. L'histoire, les témoignages, les archives internes et externes, européennes notamment, en témoignent. Et le jugement de la Cour de la Haye sur cette affaire, rendu le 14 octobre 1975, précisait bel et bien qu'il «existait des liens juridiques et d'allégeance entre le Roi du Maroc et les populations du Sahara». Il n'est pas jusqu'au dictionnaire Larousse de la première moitié du siècle dernier qui ne témoignât de cette vérité, ne fût-ce que parce qu'en présentant la carte du Royaume chérifien du Maroc, il incluait de facto les provinces du Sahara... Faut-il rappeler que la monnaie de l'époque, depuis des siècles, était frappée à l'effigie du Sultan du Maroc, que les prières dans les mosquées de Smara, Dakhla et Lâayoune étaient faites au nom du même Sultan ? Comment aussi ne pas souligner l'exceptionnelle chaleur avec laquelle le Roi Hassan 1er - dont le «cheval constituait le trône» - avait été accueilli au Sahara, et la symbiose avec les tribus et le saint Mâa al-Aïnine ? Bien sûr, les idéologues et les imposteurs ne peuvent comprendre que l'Histoire du Maroc pût être autre chose que ce mouvement rectiligne, qu'elle fût à ce point diffractée parce que riche et plurielle et que le Sahara eût servi à la fois de point de départ et de téléologie. Mourabitine , Mouwahidine entre autres ne viennent-ils pas du sud ? Le Maroc ne procède-t-il pas du Sahara et vice-versa... Dans la foulée des indépendances africaines et arabes des années soixante, plus près de nous donc, la France ne démordait nullement de sa volonté de conserver le Sahara algérien pour ses expériences nucléaires.
Le Maroc apporta naturellement son soutien ferme aux combattants algériens contre la France, refusant de transiger sur le volet de l'intégrité territoriale algérienne. Il espérait, en revanche, que l'Algérie en fasse autant sinon plus lorsque le problème de notre intégrité territoriale se poserait. En 1955 le gouvernement marocain déclara préférer que l'Algérie fût devenue indépendante pour négocier avec elle l'épineux problème des frontières et des territoires, plutôt que d'accepter le montage que l'administration française lui proposait sous forme d'une offre alléchante. Solidarité exigeait, certes. Or, c'était sans compter sur la rhédibitoire ambivalence algérienne dont, au demeurant, notre pays payera plus tard le prix fort.
A la création de l'OUA, le Maroc qui en était le cofondateur, signera bien sûr la charte de l'Organisation panafricaine à Addis Abéba, avec cette réserve cependant sur la clause de « l'intangibilité des frontières héritées du colonialisme», qu'il a expressément soulignée. Parce qu'il a sans cesse contesté le partage et le morcellement colonial arbitraire de son territoire, le Maroc n'entendait guère entériner une caricature de libération sur la base de ce même contexte léonin. Les archives internationales, notamment de l'ONU et de l'Espagne, ont enregistré la revendication marocaine sur le Sahara dès 1956 et l'ancien secrétaire général du parti communiste espagnol Santiago Carillo, emprisonné longtemps par le Caudillo, n'avait jamais raté une occasion pour affirmer que le « Sahara est marocain et qu'il fallait le restituer à son ayant-droit «. Paradoxalement, ce sera un ministre espagnol, baron franquiste de son état, Lopez Bravo, le général Viguri du sinistre tercio et des officiers qui mirent sur pied , avec quelques uns de leurs homologues algériens, le scénario du frente polisario....
Ce fut d'autant plus ahurissant qu'en janvier 1969, feu S.M. Hassan II et feu Houari Boumedienne avaient paraphé solennellement à Ifrane un accord historique qui mettait quasiment un terme au contentieux frontalier. Un peu plus d'un an plus tard, la même entente était scellée à Nouadhibou en présence de l'ancien président mauritanien Mokhtar Ould Daddah que Houari Boumedienne mettra en demeure presque violemment en 1975, le sommant de choisir entre le Maroc et l'Algérie...Là aussi, les contempteurs algériens du Maroc peuvent en vérifier la teneur, et s'ils le veulent bien se résoudre à cette réalité que le Maroc ne trompe personne.
On a assez dit, mais on le répétera par pédagogie, que le conflit du Sahara n'a jamais été qu'un conflit idéologique, vestige de la guerre froide, expression non pas d'un nationalisme opposé à un autre, comme une certaine presse parisienne a cru le décrire, mais d'une rivalité de deux États régionaux. La géopolitique traditionnelle en ferait volontiers ses choux gras. L'Algérie, avec ses richesses pétrolières croyait s'élever sur le panthéon du tiers-mondisme voire du marxisme tropical avec cette propension à combattre au nom de la révolution tous les Etats qui ne se réclamaient pas du social-stalinisme, dont le Royaume du Maroc. La mystification est bel et bien là et l'Algérie, fourvoyant l'opinion internationale, a caché la réalité du conflit, ne serait-ce que parce qu'elle a sans cesse affirmé qu'elle n'était pas partie prenante au conflit - alors qu'elle ne cesse de parler au nom du « peuple sahraoui « - et qu'elle était simplement intéressée par une solution au problème. La vérité, et c'est justice rendue, est que l'Algérie joue l'ambiguïté, ni plus ni moins, usant de la sémantique des mots.