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Théatre National Mohammed V : vers l'adoption de cartes d'abonnés aux spectacles à l'année

Principal pôle de la vie culturelle à Rabat, le Théâtre National Mohammed V a accueilli, la dernière saison, plusieurs manifestations embrassant différents aspects, de la scène artistique d'envergure nationale (pièces théâtrales, musique et chant, cinéma

04 Novembre 2002 À 19:56

Dans cette interview que nous a accordée Jamaleddine Dkhissi, directeur du TNM, l'accent est mis sur le bilan des évènements qui ont marqué la dernière saison, les activités que le théâtre envisage d'organiser prochainement de même que les efforts déployés par cette structure pour améliorer ses prestations, son mode de gestion, lui permettant ainsi une vision globale de sa programmation annuelle, de sa vocation nationale et de ses missions artistiques.

Quel est le bilan des activités et manifestations organisées par le Théâtre Mohammed V la saison passée ?
Il faut souligner que nos activités, ces deux dernières années, ont doublé et quelque fois triplé. Nous sommes, en fait, arrivés à une moyenne de 20 et parfois même à 30 spectacles par mois. Ces spectacles ont été très variés pour répondre aux attentes du public de Rabat. Ils comportent les concerts de musique (musique populaire marocaine, chanson moderne marocaine), le ballet, l'opéra, le chant classique, le cinéma, les spectacles destinés au jeune public et les spectacles que nous faisons en partenariat avec les instituts culturels étrangers ou que les instituts eux-même organisent chez nous. Au niveau de notre galerie, les expositions sont également variées partant du patrimoine national et méditerranéen aux orientalistes espagnols en passant par le grand peintre français F.Archiguille, l'artiste russe G.Chichkine et plusieurs expositions collectives de peintres marocains aussi bien confirmés que débutants. Nous avons, en plus, produit les spectacles des troupes régionales qui sont au nombre de six. Pour les activités du foyer "Nadi al Oussra", il y a eu des activités très intéressantes. A part les activités quotidiennes des associations culturelles et littéraires, il y a eu des manifestation à l'échelle nationale, du roman au cinéma qui a été marqué par la présence de Ahmed Taoufik avec "Jarat abi Moussa" et Abderrahmane Tazi, le réalisateur du film. Nous avons organisé aussi une semaine du cinéma marocain concernant la résistance aux yeux des cinéastes marocains, suivis d'un colloque sur la résistance et le cinéma. Il y a eu également des montages poétiques à Nadi al Oussra comme au théâtre, qui consistaient en des travaux communs des peintres et des poètes. C'est le Théâtre Mohammed V qui a choisi les textes sur une mise en scène du chorégraphe Lahcen Zinoun, avec les étudiants de la 3e année de l'Institut Supérieur d'Animation et d'Art Dramatique (ISADAC). Ce spectacle a été une réussite dans la mesure où il a ouvert le festival du théâtre de Meknès. Bien sûr on n'organise pas seulement des spectacles à Rabat mais également dans les villes où l'infrastructure le permet en coordination avec les institutions ou l'initiative privée. On travaille beaucoup avec El Jadida, Meknès, Marrakech et nous essayons d'oeuvrer pour que le Théâtre Mohammed V, parce qu'il est national, ait un rayonnement au niveau national. S'ajoute à cela les activités qui se sont déroulées à l'extérieur de la salle. Nous avons fait, pendant le mois d'août, un programme destiné aux Marocains résidant à l'étranger sur les plages et le Bouregreg où nous avons organisé une balade sur une grande péniche et une vingtaine de barques, avec animation assurée par un orchestre. C'est vous dire qu'il y a des idées originales que nous destinons à un certain public en mettant à sa disposition une panoplie de supports culturels pour qu'il soit conscient de la richesse culturelle de son pays.

Quelle évaluation faites-vous de ce bilan, êtes-vous satisfait ?
Quand on est satisfait, il faut partir. On n'est jamais satisfait car il y a beaucoup de choses qu'il faut améliorer au niveau de la programmation que nous essayons de plus en plus de maîtriser. Nous n'avons pas les budgets adéquats pour faire vraiment une programmation annuelle (le budget d'animation du théâtre ne dépasse pas les 2 millions de dirhams). Animer toute une année, surtout quand vous avez une soirée qui peut coûter jusqu'à 200.000 DH, c'est quand même assez délicat. C'est pourquoi nous avons essayé de trouver, cette année, un partenaire qui est Maroc Telecom qui a financé le théâtre à hauteur d'un million de dirhams. Nous essayons de trouver d'autres partenaires au Maroc et à l'étranger pour améliorer notre programmation et répondre aux attentes du public. Car si on se suffisait du budget du théâtre, on ne pourra jamais arriver à atteindre les 250 activités qu'on a réalisées la dernière saison.
Comme vous l'avez dit, "évaluer" est une bonne chose. Nous évaluons chaque six mois approximativement nos activités et nous essayons de rectifier le tir. Malheureusement, les budgets ne se suivent pas. On aurait aimé accueillir des spectacles de qualité et faire des productions de grande envergure qui peuvent montrer la capacité des artistes marocains et cette même capacité en confrontation artistique avec celle des étrangers.

Qu'en est-il de la prochaine saison ?
La prochaine saison doit être très intéressante dans la mesure où nous allons monter l'opéra de Mascani Cavaleri Losticana avec les solistes du Bolchoï. Nous allons organiser également, en partenariat avec Maroc Telecom, "La semaine du rire " et puis une très grande soirée de musiques régionales. Nous avons aidé, l'année passée, à mettre sur pieds un orchestre marocain que nous avons nommé "La Troupe Marocaine de la Musique . Composée de 52 musiciens elle est en train de préparer un répertoire très varié mais dont les chef-d'œuvres sont de la musique marocaine. Nous avons fait notre première soirée l'année dernière à l'occasion de la Journée Mondiale de la Musique. C'était un travail assez réussi que nous comptons développer aujourd'hui. En effet, l'année passée, cet orchestre a arrangé trois partitions dont l'une de Hammou El Yazid, l'autre de El hajj Belaïd et la troisième tirée de la musique du Maroc oriental. Cette année il va y avoir les arrangements de la musique de 8 régions pour mettre en exergue et montrer la richesse de la culture régionale. Des chef-d'œuvre de la musique marocaine vont être joués en instrumental.

En plus des pièces théâtrales, concerts, ballets…organisés par le théâtre national Mohammed V, on a vu s'ajouter d'autres activités comme le Bazar International de Bienfaisance, les défilés de mode…Est ce que vous croyez que ce genre d'activité est compatible avec la mission qu'un théâtre devrait normalement s'assigner
La mode , c'est de l'art. Pour mettre en exergue le talent de jeunes stylistes, il faut leur donner une chance et leur offrir un espace adéquat pour qu'ils puissent montrer à quel point ils sont talentueux. Je ne vois pas d'incompatibilité parce que les costumes font partie intégrante du théâtre en tant qu'art. S'agissant du bazar diplomatique, comme nous sommes un théâtre national, nous ne pouvons pas ne pas nous inscrire dans cet esprit de solidarité. D'ailleurs, nous aidons aussi plusieurs associations en organisant le "Arribab addahabi " et le "Zeriab". Les recettes des deux manifestations sont versées à une association à but caritatif.

On va aborder maintenant la question de la "qualité " des spectacles organisés par le théâtre national Mohamed V. Est ce que vous avez un comité, par exemple, qui étudie les produits proposés selon des critères qui lui permettraient de refuser ou d'accepter tel ou tel spectacle ?
C'est nous qui maîtrisons notre programmation. Quand on la une demande externe, on l'a soumet à l'étude. Si c'est un spectacle de théâtre on demande la vidéocassette et un dossier technique et artistique pour pouvoir juger de sa qualité. Toujours est-il que la valeur du spectacle est fixée par rapport aux repères nationaux. On ne va pas avoir, quand même les repères des pays très développés pour dire que c'est un bon ou mauvais spectacle. Ce qui est très intéressant au niveau des spectacles de l'art dramatique c'est "la commission du soutien de la création" qui a été créée par le Ministère de la Culture il y a 4 ans. Cette structure nous facilite la tâche parce que les spectacles subventionnés par le Ministère de la Culture et de la Communication sont acceptés automatiquement pour être joué au théâtre dans la mesure où la commission qui a choisi ces projets est composée d'hommes de théâtre, d'universitaires et de techniciens spécialistes.

Quels sont vos projets de restructuration du théâtre national Mohamed V ?
Comme le TNM est, sur le plan culturel et artistique, le pôle le plus important au Maroc, nous sommes en train de travailler pour le restructurer au niveau financier, administratif et gestionnaire. Nous voulons en faire un repère comme il se doit en le dotant d'un centre de documentation, d'un musée, d'un café théâtre et d'un café littéraire. Ça ne peut pas se réaliser du jour au lendemain, il faut quelque trois années pour cela. De même, nous essayons d'offrir aux gens des produits qui les intéressent et nous étudions les prix en prenant en considération le pouvoir d'achat du fonctionnaire (parce que Rabat est une ville de fonctionnaire) qui n'est pas, bien entendu, élevé. C'est pour cela qu'on fixe les prix à 30, 50 ou 60 DH et, si vous l'avez remarqué, on ne dépasse jamais les130 DH même si le spectacle coûte les yeux de la tête. Toujours dans le cadre de la restructuration, nous avons proposé des produits nouveaux comme " la carte prestige " et "la carte découverte", des pass qui ne sont pas très chers par rapport aux 250 spectacles permis par chacun. Nous avons pensé il y a deux ans à les mettre en vente mais c'était difficile dans la mesure où ce n'était pas possible de faire un programme annuel : il faut proposer aux gens au moins 12 spectacles de grande qualité avec tout ce qui gravite autour avant de pouvoir commercialiser ces cartes. Actuellement, elles sont à l'étude. On prévoit la carte "Découverte " pour deux personnes et "Prestige " pour 4.

Comment participez-vous à la formation artistique et technique?
Nous nous intéressons à la formation dans la mesure où nous accueillons des stagiaires. Il y a des troupes qui nous proposent de prendre leurs techniciens en stage. Nous mettons à leur disposition notre savoir et celui de nos techniciens et toute la machinerie disponible au théâtre. Nous le faisons aussi pour les jeunes nouvellement recrutés par le Ministère dans les Maisons de la culture. Enfin, nous allons essayé d'organiser des cycles de formation au niveau technique et artistique pour nos professionnels.
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