L'humain au centre de l'action future

Thriller «Les sentiers de la perdition de Sam Mendès» : Jolie route mais temps froid

Dans les années trente près de Chicago, un mafieux se retourne contre son clan avec son petit garçon. Dangeureuse situation qui leur donne l'occasion de se découvrir mutuellement. Mélodramatique et peu profond, ce film est essentiellement un beau spectacl

10 Décembre 2002 À 17:19

«Il fait quoi Papa comme métier ?» demande Peter à Michael. Michael est plongé sur un livre de justiciers.
Il hésite. «Ben il est envoyé en mission, il a un pistolet, il travaille pour Monsieur Rooney...» «Oui, répond Peter, tenace, mais il fait quoi vraiment ?» Michael avec ses douze ans est l'aîné. A lui de savoir... Il se cache donc dans la grosse automobile noire un soir d'hiver où il pleut des cordes raides... Couché dans une flaque pour guetter sous une porte, il surprend son père en train de mitrailler d'autres gars, également en pardessus noirs...

Comme un père

Dur de réaliser que son paternel est un tueur à la solde d'un des plus gros parrains de la mafia. «Et Maman, elle est au courant ?» demande t-il simplement après s'est fait coincer. «Ta mère sait que Monsieur Rooney m'a élevé, que nous le devons tout». Comme un père... Alors pas question de se retourner contre lui, on ne mord pas la main qui nourrit. Surtout dans ce métier où les règles sont bien rigides : on exécute ou on est exécuté. En général on est protégé par son gang. Mais il arrive que celui-ci décide de se passer d'un de ses membres...

Seul issue : fuir

Comme le père de Michael justement. Seul issue : fuir. Ils commencent donc par aller chercher protection auprès de la pègre de Chicago.
Puis ils s'échappent vers un patelin du nom de Perdition. Qui, comme son nom l'indique (jeu de mots sur le titre) ne laisse présager rien de bon. Sur le trajet, les deux fuyards apprennent à se connaître.
Ce qu'ils avaient tardé à faire. Et la cavale se fait initiatique et sentimentale. Derrière le film de gangsters, un drame familial noué sur la relation père-fils : ressembler à son père ou être différent de lui, quelles conséquences cela peut-il avoir sur les choix d'un enfant ? Deux cas de figure : Michael et son père d'un côté, le Parrain et son fils de l'autre. La problématique est limpide, l'illustration adaptée, malheureusement le propos reste en surface: questions posées du bout des lèvres, réponses elliptiques...
Ca lui fait quoi à ce gamin de voir son père abattre des gens ? Et le père, ça ne l'intéresse pas de savoir ce qu'il ressent le môme ? On ne rentre pas dans la psychologie des personnages, on contemple l'enfant hésitant sur les traces de son père (dans tous les sens du terme). Une scène se démarque, plus consistante, plus fine : sur une terrasse en rase campagne une paysanne pleine de bon sens fait subitement prendre conscience au père du regard de son fils.
Tom Hanks avec tête de gentil essayant d'avoir l'air féroce, n'est pas vraiment crédible. L'enfant conserve un peu trop la même expression attentive : peu de peur, de rares larmes.

Vraie caricature

Par contre, Jude Law est très bien dans le rôle du photographe de cadavres. Une vraie caricature de bande dessinée. Mélodramatique et assez convenu, le film manque de rythme et de suspens.
Dans Les Sentiers de la Perdition, le plaisir est essentiellement visuel.
On sent que le film est inspiré d'un roman graphique. Le réalisateur Sam Mendès s'est merveilleusement appliqué à redessiner tout le décorum des années trente : Chicago, ses grosses automobiles, ses mafieux avec leur carabine dépassant du manteau et la pluie qui n'en finit plus de dégouliner des chapeaux...
C'est un beau spectacle mais trop appliqué, tendance « exercice de style».
Du réalisateur de American Beauty , on pouvait attendre davantage de profondeur.
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