Un riche patrimoine historique et culturel menacé de dégradation
Rares sont ceux, parmi les citoyens marocains, qui connaissent le patrimoine historique et civilisationnel dont la Médina de Taza est dépositaire.
MAP
15 Septembre 2002
À 18:28
Pour beaucoup de Fassis, Taza est la prison de Moulay Idriss en référence probablement au règne des Idrissides, les prisonniers de l'époque sont envoyés à une prison de la ville pour purger leur peine.
Le nom de Taza, dérivé du berbère Tizi, passage, évoque pour beaucoup saboune Taza, la ville ayant abrité une fabrique de savon.
Pourtant, la Médina de Taza, dont la fondation remonte pour certains historiens, à l'époque pré-islamique et pour d'autres tels Ibn Khaldoun, à l'avènement de l'Islam, recèle un patrimoine historique, culturel et architectural digne des grandes villes impériales du pays.
La Médina de Taza, qui mérite un grand intérêt pour sa sauvegarde, a fait l'objet d'une étude architecturale commandée par le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement, de l'Urbanisme et de l'Habitat et réalisée en 2001 par un bureau d'études privé de Rabat.
Valeurs patrimoniales
Cette étude architecturale a dressé le bilan de la situation actuelle de la Médina de Taza en dégageant ses valeurs patrimoniales, ses tendances futures de développement et ses facteurs de marginalisation et de dégradation qui doivent trouver dans un plan d'aménagement (PA) des solutions appropriées pour sa sauvegarde et sa réhabilitation. Ce document d'analyse et de diagnostic met en relief les édifices de valeur dont la médina de Taza est dépositaire et qui ne se différencient pas, au niveau de la linguistique, des édifices qu'on trouve dans d'anciennes médinas musulmanes telles Fès, Meknès, Marrakech ou Tétouan. En effet, la médina de Taza avec son bâti traditionnel est protégée par une enceinte de murailles, longue de quelque 3,5 km, construite en plusieurs étapes sous les Almohades, les Mérinides et les Sâadeens qui ont achevé la construction de ces remparts en édifiant le fameux bastioune.
L'étude souligne qu'à part le tronçon qui longe l'escalier menant de Bab Jamaa Tahtiya (bas) à Bab Jema Foukaniya (haut) et celui contenant Bab Tete, restaurés ces dernières années, l'ensemble des murailles se trouve en état de dégradation. Le projet de restauration du bastioune grâce au ministère de la Culture et de la Communication, qui lui a consacré un budget d'environ 2 millions de dirhams, n'a pas encore démarré.
La forteresse Bastioune, remarquable aussi bien par sa masse que par le site architectural, constitue l'une des grandes œuvres militaires fondées au temps du Sultan Ahmed Al Mansour au XVIème siècle. Une tour sarazine, de forme circulaire, surplombe la vallée de l'oued Taza. Cette tour célèbre mérite d'être restaurée et intégrée dans un projet touristique et de loisir. En plus d'un khandak, fossé creusé par les Mérinides pour renforcer la défense de la ville du côté sud, Taza dispose aussi de sa casbah, caserne située à proximité d'Al Bastioune. Cette casbah dont ne subsistent que des tronçons de muraille, est occupée actuellement par un ensemble d'équipements et d'habitat précaire implantés dans les anciens locaux de la caserne militaire.
La médina de Taza a, également, ses portes, témoignages immuables d'une histoire glorieuse, mais dont certaines ont complètement disparu alors que d'autres se trouvent actuellement dans un état de dégradation et qui méritent restauration. Il s'agit de Bab Casbah, Bab Al Miara, Bab Arrih, Bab Jama Al Foukiya, Bab Jama Tahtiya, Bab Tete, Bab Lqbour, Bab Zitouna, Bab Aharrach, Bab Charia et Bab Sidi Masbah dont la Fondation remonte aux époques des Almohades et des Mérinides. Même si Taza n'a pas eu le statut de capitale impériale, il n'en demeure pas moins qu'elle possède d'anciens Palais Royaux comme Dar Soltane, Dar El Mekhzen, El Machouar et le pavillon des Jardins.
Selon l'étude architecturale, Dar Soltane est le premier palais Royal construit par le sultan Merinide Abou Yaacoub au début du XIVe siècle.
Dar Al Makhzen dont ne subsistent actuellement que certains pans de murs était un complexe administratif construit sous le règne de Moulay Rachid qui fit de Taza sa capitale. Les mosquées de Taza sont nombreuses mais la plus célèbre est la grande mosquée ou Jama Lakbir. Cette mosquée est considérée comme le plus beau monument historique de la ville et l'une des plus belles mosquées en terre d'Islam. Construite à l'époque almohade, cette mosquée a bénéficié de l'intérêt de toutes les dynasties. Elle subit actuellement des travaux de restauration et rénovation grâce à un budget d'environ 5 millions de dirhams alloué par le ministère des Habous et des Affaires islamiques. Cette mosquée est embellie par un grand lustre considÉRÉ comme un chef-d'œuvre de l'artisanat marocain. Ce lustre, qui pèse 32 quintaux, demeure pas ses dimensions et par la qualité de son décor et inscriptions le plus beau lustre en terre d'Islam. La mosquée Al Andalous, connue dans la médina sous le nom de Jamaa Dar Al Makhzen, est la deuxième grande mosquée de Taza.
Tradition locale
Selon l'étude, la tradition locale rattache la construction de cet édifice religieux à une communauté d'Andalousie venue d'Espagne à la fin du règne mérinide.
Les autres mosquées non moins importantes sont les mosquées Sidi Mesbah, Sidi Azzouz, Sidi Ben Atia, Sidi Bel Ftouh, Jama Souk et Jama Lalla Adra.
La médina de Taza est riche aussi de ses zaouias dont l'une des plus anciennes est certainement la Zaouia Al Ghabchi, en référence au personnage d'Ibn Yaghbech Attazi, savant originaire de la tribu Tsoule mort vers 1514 (920 de l'Hégire). Les autres importantes zaouias sont la Zaouia Tijania, la Zaouia Touzania, fondée par Sidi M'hammed Ban Ali Touzani au début du XIXe siècle, la zaouia Al Nanili créée à l'époque mérinide, la zaouia Taibiya et la zaouia Al Qadiriya.
L'étude architecturale cite aussi plusieurs mausolées et tombeaux dont certains tombent en ruine alors que d'autres ont disparu, oubliés à jamais. En plus des marabouts Sidi Ben Attia, Sidi Bel Ftouh, Sidi Mesbah, Sidi Mohammed Bel Yaghbech et Lalla Adra qui seraient inhumés dans les mosquées de mêmes noms. Les mausolées qui méritent d'être cités sont ceux de Sidi Abdellah, Sidi Mohammed Belefdil, Sidi Azzouz, Aidi Ali Derrar, Sidi Bouknadel, Sidi Ali Jiar, Sidi Abdellah Bouderbala, Sidi Oudah, Sidi Abdellah Boumehraz, Sidi Abdellah Draa Allouz, Sidi Larbi Draa Allouz, Sidi Aissa, Sidi Mohammed Belhaj et Sidi Hadj Ali Ibn Barri. Le mausolée de Sidi Hadj Ali Ibn Barri se trouve À proximité du siège de la province et sa fondation remonte à la première moitié du XIVe siècle. Les medersas, mentionnées par l'étude, sont au nombre de deux.
Il s'agit de la medersa de Jamaa Lakbir qui est en état de ruine et qui mérite d'être restaurée et la medersa de Sidi Ali Ben Derrar située à l'entrée de Dar Al Makhzen et qui, après sa restauration, abrite différentes manifestations culturelles. La médina de Taza comptait aussi sept fondouks dont trois ont disparu. Il s'agit des fondouks Rahbat Zraa, Fondouk Al Qaa, Fondouk Sab Al Ma, complètement disparus, Fondouk Al Twat, Fondouk Benkirane, Fondouk Al Haddadine et Fondouk Nejjarine. Ce riche patrimoine historique est menacé de dégradation et de disparition. Il mérite un grand intérêt de la part aussi bien de la population que des responsables et organisations mondiales et nationales pour sa restauration et sa préservation en tant que témoignage d'une civilisation millénaire.