Villa Karl Ficke: la ville de Casablanca veut rentrer dans son bien
Suite à la publication, dimanche 10 février 2002, d'un article annonçant le projet de création d'un musée au sein de la « villa Karl Ficke » sise au collège Khnata Bent Bekkar, nous avons reçu – et fait paraître – en date du 9 mars courant, une mise au po
LE MATIN
19 Mars 2002
À 21:18
Considérant cette demeure comme faisant partie de son patrimoine immobilier, le ministère nous a annoncé qu'il « ignore tout d'un quelconque changement de destination de la villa » et a considéré notre information «comme totalement infondée».
Suite à quoi, nous lui avions demandé de préciser un certain nombre d'assertions contenues dans sa mise au point. Nous souhaitions qu'il nous précise s'il est réellement propriétaire de cette villa.
Ne nous ayant répondu ni par l'affirmative, ni par la négative, nous sommes dans l'obligation d'apporter de nouveaux éléments d'information qui corroborent nos affirmations. Et, surtout, de rappeler que la construction de la « villa Karl Ficke » est antérieure à la création du ministère de l'Education nationale, du collège Khnata Bent Bekkar et de la délégation El Fida-Derb Sultan du MEN.
Cette demeure, précise-t-on, porte le nom d'un commerçant allemand dont la société avait, en décembre 1911, implanté un « foundouk » sur l'axe de la route de Médiouna (actuelle avenue Mohammed VI).
En 1913, M. Ficke a construit cette « villa de grand style dominant la ville depuis la colline de Mers Sultan », dont le ministère de l'Education nationale veut s'arroger la propriété.
Joseph Goulven a vanté « les dépendances qui comprennent un garage avec chambre, une écurie, des boxes et d'autres locaux » de cette villa qui n'a pas porté chance à son premier propriétaire.
A l'issue de la première Guerre mondiale, les colons français ont, comme enseigné dans les livres d'histoire, décidé de se venger de leurs concurrents allemands.
Accusé de « complot », et « d'espionnage », Karl Ficke a été passé par les armes et sa maison confisquée pour servir, dans un premier temps, de lieu d'internement de ses compatriotes dont tous les biens, précise-t-on, ont été confisqués puis mis en vente en 1924. Et ce à l'instar des deux fleurons de son propre patrimoine; à savoir « son foundouk, implanté avec son tennis et son jardin sur le tracé de l'avenue du IVe Zouave, et sa villa de Mers Sultan ; ce morceau de résistance, ce monument de la superbe de l'Allemagne qui, du haut de la colline, semble vouloir écraser Casablanca sous ses pieds » (Joseph Goulven, in « Les biens austro- allemands à Casablanca).
Acquise par la municipalité, la « villa Karl Ficke » a été occupée par l'Orphelinat Pauline Kergomard conformément à une décision publiée au Bulletin municipal officiel le 15 mars 1926.
Portant le n° 27394, le titre foncier de cette belle demeure en fixe la superficie à 18.193 mètres carrés et indique qu'elle est propriété de la ville de Casablanca depuis 1941.
Pourquoi le ministère de l'Education nationale nous a-t-il affirmé le contraire dans sa mise au point ? Pour que l'un de ses fonctionnaires puisse continuer à occuper ce si prestigieux lieu de mémoire ? Pour priver les cinq millions de Casablancais d'en fouler le sol le jour où il abritera un musée ?
Contactés par nos soins, des sources proches de la wilaya nous ont affirmé que « la ville tient à récupérer son bien » et que son occupation par des tiers constitue « un autre exemple d'occupation illégale du patrimoine de la cité », aggravé par le fait qu'il est « flagrant » et qu'il « émane d'un établissement voué à l'éducation qui devrait, en réalité, applaudir la création du musée et non s'y opposer sans droit ».
Celui-ci étant du côté de la ville, que fera-t-elle pour rentrer dans son bien ?
Nous y reviendrons.