L'humain au centre de l'action future

" Destin de femmes " de Ali Mounir Alaoui : un cri contre l’obscurantisme

Plus qu’un roman, " Destins de femmes " de Ali Mounir Alaoui est un cri contre l’ignorance, l’obscurantisme, la flagornerie et les bigots.
>

13 Novembre 2003 À 16:53

En revisitant le Maroc des temps jadis, l’auteur nous brosse un tableau des réalités de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Dans ce monde figé, des ombres de femmes se faufilent furtivement: Yakout, une « yachira » glaouie qu'un mariage flatteur avec un descendant de « l’oiseau des montagnes », Moulay Hadi, n'arrache pas totalement à sa condition ancillaire, Fatima Zohra, la seconde épouse, la jeune Khadija qui refuse de se soumettre servilement aux hommes, .... Moulay Hadi sera gratifié de trois rejetons. Lesquels s'opposeront les uns aux autres. Le plus fourbe d’entre eux servira le Pouvoir ; l'incompris périra lors d'une guerre qui n'intéressait personne hormis la puissance coloniale, et celui que tout le monde taxait d'illuminé s'investira dans la lutte pour la liberté et l’émancipation du peuple marocain.

De fait, l’intrigue est beaucoup plus complexe qu’il ne paraît de prime abord. Fatalisme et traditions s’y conjuguent pour nous faire replonger dans un passé à la fois proche et lointain. Un passé dont on retrouve encore trace dans la culture de certaines élites issues du « pays makhzen » et qui semble tellement familier à tous ceux qui ont fréquenté les bancs des écoles qu’il peuple désormais, seul, notre mémoire collective. A travers son style châtié, l’auteur nous y fait prendre d’autant plus goût qu’il maîtrise merveilleusement bien les techniques de la narration. Sont-ce les réminiscences de ses études en journalisme ? Parallèlement à son cursus à l’Institut international des études diplomatiques, Ali Mounir Alaoui a fréquenté assidûment le Centre de formation des journalistes de Paris. Il en est resté quelque chose puisqu’il fit un bref passage dans les médias, à l’aube des années 60 avant de se lancer dans une carrière diplomatique qui le mènera, entre autres, au Cabinet Royal.

Il lui en est également resté un amour immodéré pour l’écrit et la digression qui ne l’a jamais quitté. Il s’en est ouvert à la presse : « Pour moi, le roman est une page d’histoire. Il s’agit avant tout “d’écrire utile” si vous me permettez l’expression. Comme la réalité est souvent plus absurde, moins reluisante que le réel, il m’arrive de tenter un roman pour mettre à nu justement des aspects de cette réalité que monsieur-tout-le-monde méconnaît ». Dans le cas d’espèce, c’est le carcan qui maintenait nos grands-mères et arrières-grands-mères dans la souffrance et la soumission qu’il a tenté d’effeuiller. Résultat : son « Destins de femmes » où une sensibilité à fleur de peau le dispute au charme suranné des siècles passés et à la flagornerie des courtisans et de la valetaille qui vivaient dans les palais des pachas et autres édiles d’antan.

Plus qu'un message d'espoir, « Destins de femmes » est un appel pressant pour une émancipation de la femme marocaine, non seulement au plan juridique, mais aussi et surtout à travers une évolution des mentalités et un meilleur ancrage dans la modernité.
" Destin de femmes " de Ali Mounir Alaoui. France Europe Editions, 174 p.
Copyright Groupe le Matin © 2025