« La politique étrangère sous le règne de Hassan II » de Rachid El Houdaïgui : acteurs et enjeux de la diplomatie marocaine
Après 38 ans de règne, S.M. Hassan II s’est éteint le 23 juillet 1999.
>Durant pratiquement quatre décades, le Maroc a connu une stabilité et une continuité incomparables dans le monde arabe ; ce qui lui a permis de jouer un rôle important sur l&
LE MATIN
04 Septembre 2003
À 17:57
Il ne s’agit pas d’un livre de circonstance. «La politique étrangère sous le règne de Hassan II» est, en fait, la version abrégée d’une thèse de doctorat en sciences politiques soutenue en 1999 à l’université des sciences sociales de Toulouse par Rachid El Houdaïgui, actuellement professeur-assistant à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Tanger.
Des travaux universitaires, l’ouvrage en question a donc toutes les qualités et défauts. Particulièrement au niveau de la rigueur du raisonnement et de la rugosité du style.
Ecrit dans un langage simple qui frise souvent l’ennui, il n’est pourtant pas d’un abord facile. La profondeur et la pertinence des thèses qui y sont développées auraient mérité plus de circonlocutions et davantage d’enjouement pour se mettre au diapason du lecteur moyen. L’éditeur, en l’occurrence, L’Harmattan, ne recherchait, peut-être pas à atteindre pareille cible. Créée en 1985, sa collection « Histoire et perspectives méditerranéennes » ne s’est fixée qu’un seul objectif : publier les ouvrages concernant le pourtour de la Mare Nostrum des origines à nos jours. Dans ce sens, elle a eu le mérite d’avoir mis ou remis en circuit d’importants travaux sur le Maroc. A son actif figurent «La guerre du Rif» (de Germain Ayache), «Maroc : les élites du Royaume » (d’Ali Ben Haddou), « Structures politiques du Maroc colonial» (de Abdellah Ben Mlih), «Négritudes du Maroc et du Maghreb» (de Bouazza Benachir), «Syndicalisme et politique au Maroc» (de Fouad Benseddik), « Migrations marocaines en Europe ou le paradoxe des itinéraires» (de Zoubir Chattou) et «Ceuta aux époques almohade et mérénide» (de Mohamed Chérif). Eclectiques, les choix opérés sont donc aussi divers que le sont les préoccupations des spécialistes. L’enrichissement de cette collection par un travail qui touche non seulement au passé proche, mais aussi au présent du Maroc est donc d’importance. Qu’importent ses faiblesses, l’essentiel est que le thème est d’autant plus original que très peu de travaux scientifiques lui ont été consacrés.
Aucun d’entre eux n’est, néanmoins, de sa dimension ou de sa qualité. En fait, c’est le seul travail qui s’est essayé à analyser, à comprendre et à conceptualiser un processus en permanente construction où l’art de cultiver le secret tient lieu du sacerdoce. Pour réussir à en démonter les rouages et à les mettre en lumière, El Houdaïgui a dû faire preuve d’ingéniosité et d’érudition. Son postulat de base est fort simple. Il consiste à «démontrer pratiquement que lorsqu’une initiative diplomatique est prise par le sommet de l’Etat, elle est le produit d’une interaction politique complexe. Cette interaction trouve parfaitement son sens dans l’existence d’une compétition politique permanente entre deux acteurs historiques, S.M. le Roi Hassan II et les partis politiques du mouvement national, autour d’un enjeu politique majeur, à savoir la définition de la forme de l’Etat. L’intensité des rapports entre ces deux acteurs de 1961 à 1999 sera le facteur déterminant du fonctionnement du système politique et, par contrecoup, de la production de la politique publique». La politique étrangère est à cet égard une illustration parfaite de cette jonction.
Pour le démontrer, l’auteur a dû analyser le système décisionnel national en matière de politique étrangère avant de conclure que le Trône constitue la clé de voûte de notre diplomatie, puisque le Roi est « le seul habilité à élaborer la doctrine marocaine en matière de politique étrangère et à prendre des positions sur les questions internationales ». Le contenu de cette doctrine reflète les véritables préoccupations du Souverain ; voir le Royaume «occuper un statut de puissance relationnelle jouant un rôle de médiateur-stabilisateur, ancré dans sa tradition diplomatique ». In fine, il s’interroge sur l’avenir de ce système décisionnel en rappelant cette déclaration faite par S.M. Hassan II à TF1 au début des années 90. A une question de l’un des interviewers à propos du Prince Héritier, Ie regretté Souverain avait répondu : « Je ne lui souhaite pas que ce soit facile. Parce que si c’est facile, c’est qu’on n’a pas besoin de lui. Je souhaite que ça soit difficile, car ça prouvera qu’on aura toujours besoin de cette monarchie pour être le premier ouvrier du Royaume ». Ce qui confirme le caractère itératif de l’édification de toute politique étrangère nationale efficiente et incite à la lecture de cet ouvrage qui en analyse les enjeux, les processus décisionnels et les interactions.
«La politique étrangère sous le règne de Hassan II », Rachid El Houdaïgui, 301 pages, L’Harmattan, février 2003.