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A la suite de la disparition de l'écrivain Mohamed Choukri : des intellectuels égyptiens se déclarent profondément affligés

Des écrivains et intellectuels égyptiens ont exprimé leur profond regret, à la suite du décès de l'écrivain marocain autodidacte Mohamed Choukri, soulignant qu'il s'agit d'une grande perte pour la scène littéraire arabe.

19 Novembre 2003 À 15:27

Un hommage appuyé a été rendu à l'auteur du best seller «Le pain nu», pour son œuvre remarquable et son écriture singulière qui ont fait de lui une figure de la scène culturelle marocaine, arabe et internationale comme elles veulent pour preuve les traductions de ses livres en plusieurs langues.

Pour Youssef Al Qaiid, la disparition de Mohamed Choukri «constitue une énorme perte pour la famille littéraire arabe». Choukri, qui a "passé une grande partie de sa vie à Tanger, est indiscutablement une grande figure de l'écriture romancière, non seulement au Maghreb mais également dans le monde arabe", a indiqué l'auteur.
Rappelant l'amitié qui liait Mohamed Choukri à des écrivains étrangers installés à Tanger, Youssef Al Qaiid a souligné le riche apport de l'auteur à la littérature marocaine et arabe, à la faveur d'un vocabulaire singulier puisé de son vécu et de son expérience propre.

Pour le romancier Brahim Aslan, l'annonce du décès de Mohamed Choukri a été un énorme choc pour tous les écrivains égyptiens et arabes, et en particulier pour ceux qui l'ont côtoyé. Le défunt était «un écrivain exceptionnel» au parcours original et un être d'une grande humanité, poursuit-il, relevant que Choukri était l'auteur arabe le plus apprécié par les jeunes écrivains. Mohamed Choukri consacre «la vérité éclatante qu'est: la vie ne nous enseigne pas uniquement ce qu'on veut écrire, mais nous apprend essentiellement comment écrire», relève le romancier égyptien pour qui Choukri ne peut de ce fait appartenir à une quelconque école. Son écriture, avance B. Aslan, est le fruit d'une «vie à la fois riche et très profonde».

L'écrivain Edward Kharrat s'est arrêté sur «la sincérité, l'audace et le sens de l'aventure» qui marquent les écrits de Choukri. «Au délà de la vulgarité et de la permissivité dont elle a été taxée», l'œuvre de l'écrivain marocain «véhicule avant tout des valeurs humaines», a dit E. Kharrat, ajoutant par ailleurs qu'on ne peut oublier son engouement pour Tanger présente dans ses écrits comme «une ville pleine de vie et de réalisme».

Sonaa Allah Ibrahim a considéré que le décès de Mohamed Choukri constitue une énorme perte pour la littérature arabe, soulignant que le défunt est un «grand écrivain» qui comptait parmi les premiers auteurs à évoquer «des sujets tabous concernant la vie de gens marginalisés». «Eternels», les écrits de Mohamed Choukri donnent la mesure d'une grande sensiblité et d'une volonté de contribuer à la promotion de la société, ajoute-t-il.

Bahae Taher a indiqué que la scène littéraire arabe et mondiale a perdu l'un des grands auteurs qui ont contribué à l'instauration des bases du roman moderne arabe.
Pour Salah Fadl, Mohamed Choukri , «l'un des grands artisans de la langue et du style» demeurera «toujours présent dans la mémoire des créateurs». Ses oeuvres feront toujours l'objet de «réflexion et de recherche», poursuit-il.

Jamal Al Ghitani a relevé que Choukri, un écrivain inclassable, a su transmuer les conditions difficiles en une littérature d'une grande qualité, estimant que son livre «Le Pain nu», traduit en 39 langues, est un chef d'oeuvre de la littérature arabe.

Né en 1935 à Beni Chiker (Rif), Mohamed Choukri débarque à Tanger avec ses parents à l'âge de 7 ans. Après une adolescence de vagabond où il vit de petits métiers, il apprend à lire et à écrire à l'âge de 21 ans. Il sera ensuite instituteur après avoir été élève de l'Ecole Normale.
A partir de 1966, il commence à publier dans des revues littéraires arabes, américaines et anglaises. Cet autodidacte «phénoménal» et conteur hors pair ne cessera de relater les fragments de sa vie dans tous les livres, articles et interventions qu'il va signer en tant qu'auteur.

Des témoignages qui seront également portés à l'écran. Mohamed Choukri, décédé samedi dernier à Rabat des suites d'une longue maladie, a également signé d'autres livres témoignages, tels que «Jean Genet et Tenesssee Williams à Tanger», «Le fou des roses», «le temps des erreurs», «Zoco chico» et «Paul Bowles, le reclus de Tanger». Son dernier ouvrage «Hiwar» (Dialogue) paru ce mois-ci est un long entretien, avec les écrivains Yahyia Ben Oualid et Zoubair Benboauchta, paru sous forme d'épisodes dans le journal londonien «Al Qods Al Arabi».
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