Après avoir eu un gouverneur corrompu : Najaf a désormais un total inconnu
Bien que sa photo figure sur les murs de la mairie de Najaf, le nouveau gouverneur de la ville sacrée chiite n'est pas plus aimé de la population que son prédécesseur mis sous les verrous pour une multitude de crimes et délits. >La photo de Haïdar Mahd
Tombe de l'Imam Ali, à Najaf en Irak.
06 Juillet 2003
À 14:12
Les habitants qui passent devant la porte expriment un signe de consternation. «Ils ont été obligés d'accorcher sa photo et son nom pour que nous sachions qui est notre gouverneur», affirme Ali Hussein, un enseignant au chômage. «Cela reflète parfaitement la situation dans le pays. Comme son prédécesseur qui a été écroué, Mayali a été nommé par les Américains, nous ne l'avons pas élu», explique-t-il.
Les forces de la coalition ont été contraintes de chasser lundi de son poste et de mettre à l'ombre Abou Haïdar Abdel Moneïm soupçonné «d'enlèvements, prises d'otages, harcèlement de fonctionnaires pour commettre des délits financiers, attaque d'un responsable d'une banque et vols». Il a été remplacé par Al-Mayali, qui était le vice-gouverneur. La sergente américaine Holly Malueg, qui officie aux affaires civiles, indique qu'Abdel Moneim «a été inculpé et sera jugé en Irak selon la loi irakienne». «Près d'une centaine d'autres ont été mis derrière les verrous. S'ils sont reconnus innocents, ils seront libérés. Mayali a été installé à son poste temporairement jusqu'à ce que se tiennent de vraies élections», dit-elle. Interrogé sur l'embarras qu'a causée son arrestation à l'administration américaine, Malueg répond: «Il nous a aidés quand personne n'était prêt à le faire. Incontestablement la coalition ne connaissait pas tout à son sujet».
A la mi-juin, après plus d'un mois de campagne effectuée par 19 candidats pour ce poste, M. Bremer avait brusquement annulé le scrutin, prévu pour le 21 juin, et confirmé M. Abdel Moneïm dans ses attributions. L'administrateur américain avait expliqué qu'il était trop tôt pour organiser des élections pour ce poste au motif qu'il n'y avait «pas de loi électorale, pas de recensement, pas d'urnes, ni aucune procédure en place». Le capitaine Tom Lachance explique qu'une fois «avoir appris des éléments sur lui, l'enquête a commencé et nous avons arrêté Abdel Moneim. Il y a toutefois un côté positif: les Irakiens peuvent voir qu'il n'y a pas d'impunité et nous gagnons en crédibilité», a-t-il dit. Mais les habitants de Najaf se montrent sceptiques et même mécontents de ne pas être consultés. Abdel Moneim était détesté de la population à cause de son passé douteux et parce qu'il était sunnite, comme la plupart des cadres de l'ancien régime, dans la ville la plus sacrée des chiites. Al-Mayali est chiite mais totalement inconnu des habitants.
L'imam Mouqtada Al-Sadr, une des personnalités les plus en vue de la communauté chiite en Irak, résume ainsi le sentiment des habitants de Najaf: «L'Amérique a retiré une personne pour en mettre une autre à la place. Mais les deux sont identiques. Les Irakiens doivent choisir», leur constitution, leur gouvernement, leurs représentants, a-t-il dit à l'AFP. Mais à l'entrée de l'administration civile américaine, des dizaines d'Irakiens attendent en file pour s'adresser aux responsable américains par le biais de traducteurs. Ils cherchent tous à travailler. «Maintenant que les Américains sont ici, j'espère que je trouverai du travail», a affirmé Mohamad Abdel Ali qui a été chassé de son poste en 1987 après que son père eut été exécuté par le régime de Saddam Hussein. «Mon père a disparu un jour et le lendemain j'ai reçu ceci», dit-il en montrant un avis du ministère de la Santé annonçant son exécution, sans mentionner la raison.