«Basic» ou «thriller en treillis de base» : un déluge de feu
Partant d’un drame militaire - une opération en pleine jungle tournant à l’aigre – qui s’annonce aussi schématique que sa résolution, John Mc Tiernan se lance dans un jeu de stratégie baigné dans une ironie narquoise et une mise en
LE MATIN
03 Juin 2003
À 18:50
C’est ce qu’apprennent à leurs dépens une série de rangers basés à Panama que le sadique sergent West (Samuel Jackson) emmène en exercice dans la jungle. Un cyclone s’abat, au propre et au figuré : seuls deux soldats reviennent au bercail, dont un sérieusement endommagé. C’est le jeune capitaine Julia Osborne (Connie Nielsen) qui est chargée d’interroger le valide, mais celui-ci ne veut parler qu’à un ranger. L’armée appelle donc à la rescousse un ancien, Tom Hardy (John Travolta), reconverti dans la brigade des stupéfiants et de réputation douteuse. Ils n’ont que quelques heures pour découvrir ce qui s’est passé.
Un lourdeau roublard, alcoolo, ambiguë, flottant sur le simulacre comme dans un bain moussant face à une partenaire terre-à-terre, sûrement plus conventionnelle mais désespérément premier degré : le couple Travolta-Nielsen s’annonce comme un cliché sans perspective. Mais le réalisateur John McTiernan s’amuse à déstabiliser ce stéréotype en le baignant dans la dérision. Le meilleur ressort du scénario étant l’ironie narcoise dont il s’inonde pour mieux noyer l’éternelle question : qui se joue de qui ? Qui ment ?
Mais l’énigme est un prétexte. L’enjeu est plutôt d’ordre formel : John Mc Tiernan se délecte à filmer les différentes versions du drame qui s’est produit pendant l’opération. Soit un abri en plein déluge, plusieurs rangers armés, plusieurs motifs, plusieurs possibilités. Le film d’action classique se transforme en jeu de stratégie : quelle est l’explication la plus solide ? Bavures… on imagine bien la mouise de Panama : trafics en tous genres et petits soldats qui s’enlisent dans le bourbier des gradés. Du muscle et pas de visibilité : « votre arme, c’est votre cerveau », prônait le tortionnaire avant d’y passer.
Du coup, pendant que le cerveau s’occupe, la caméra soulève des rideaux d’eau pour caresser un hélicopter planant en pleine tempête ou détourne les éclairs pour illuminer subitement les visages et les gestes des tueurs. Une mise en scène élégante qui trempe des images vues et revues dans des bains liquides : pluie, torpeur, alcool, sédatifs, doutes. Ce qui leur donne un aspect troublé et troublant. Cette nuit dans une base (militaire), presque aussi humide que le maquis, s’achèvera sur des rebondissements ricochants jusqu’à l’absurde. Mais c’est dans ses retranchements les plus aberrants que le film acquiert une certaine densité. Parodie ? Sarcasme ? Moins basique qu’il n’y paraît.
Basic, film britannique, américain de John MacTiernan avec John Travolta, Samuel L. Jackson, Connie Nielsens, Giovanni Ribisi.