Ben Laden reste silencieux !
Près de trois semaines après le début de la guerre menée en Irak par son ennemi juré, les Etats-Unis, Oussama Ben Laden reste étrangement silencieux, un mutisme qui suscite bien des interrogations.
Ben Laden, dont le dernier message daterait de février, attend-il la chute de Saddam Hussein pour prendre l’initiative ? Est-il réduit au silence par l’arrestation de l’un de ses adjoints ? Préfère-t-il se taire pour ne pas accréditer la thèse américaine d’une collusion avec Baghdad?
La chaîne de télévision arabe Al-Jazira a diffusé le 11 février une bande sonore attribuée à Ben Laden, dans laquelle le chef du réseau Al-Qaïda appelait à soutenir le régime irakien, bien que «mécréant», contre l’imminente invasion américaine. «Dans les circonstances actuelles, il n’y a point de mal à ce que les intérêts des Musulmans convergent avec ceux des socialistes dans la lutte contre les Croisés, même si nous croyons et déclarons que les socialistes sont des apostats», avait-il déclaré.
Et le 16 février, dans une nouvelle bande sonore diffusée sur l’Internet, il qualifiait le président américain George W. Bush de «Pharaon du siècle», assurant que les Musulmans avaient «la possibilité de vaincre les Américains».
Le message diffusé sur Al-Jazira prouve que Ben Laden soutient l’Irak, s’était empressé de conclure le département d’Etat américain.
Parmi les explications possibles de ce silence figure l’hypothèse que celui qui a revendiqué les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis n’a plus les moyens de se manifester, depuis l’arrestation du numéro trois d’Al-Qaïda, Khaled Cheikh Mohammed, le 1er mars à Rawalpindi (Pakistan).
«L’étau s’est resserré depuis l’arrestation de Cheikh Mohammed, qui détenait des informations sur Ben Laden, et ce dernier n’a peut-être pas les moyens de se faire entendre», explique l’analyste d’origine algérienne Hasni Abidi. «Cette arrestation a-t-elle beaucoup joué dans ce silence ? A-t-il perdu sa marge de manœuvre ? A-t-il perdu le contact avec ses hommes ?», s’interroge le politologue d’origine libanaise Antoine Basbous.
Les deux chercheurs émettent aussi l’idée que Ben Laden «attend son heure», c’est-à-dire la chute de Saddam Hussein.
«La séquence préférée de Ben Laden, ce n’est pas ce qui se passe actuellement, avec un affrontement entre Américains et Saddam Hussein, dont Ben Laden a critiqué le régime. Son discours aura plus d’audience lorsqu’il pourra montrer que la guerre oppose le peuple irakien et les Forces d’occupation», explique Hasni Abidi.
«Il est possible qu’il attende que Saddam tombe, pour expliquer que ces régimes nationalistes ont échoué et que l’Oumma (communauté des croyants) peut prendre la relève», avance Antoine Basbous, qui dirige à Paris l’Observatoire des pays arabes.«Saddam est son seul et unique concurrent, et il occupe depuis quelques mois tous les écrans», écrivait quant à lui samedi le rédacteur en chef adjoint Ghassan Charbel du journal arabe Al-Hayat. «De sa grotte, Ben Laden observe ce qui se passe. Il ne peut pas être indifférent, car sans les attentats du 11 septembre, l’armée américaine ne serait pas aux portes de Baghdad», ajoute-t-il. «Il se peut que ses hommes préparent des opérations d’envergure à l’arrière des Forces américaines, contre des bases, des porte-avions. Cela prend du temps», suppose pour sa part Antoine Basbous. Hypothèse également soulevée depuis Londres par l’islamiste égyptien Yasser Al-Serri. «Il se pourrait qu’il soit en train de préparer une action qui aurait un effet plus fort que la parole», a déclaré à l’AFP ce militant dont l’Egypte réclame l’extradition.