Centre de rééducation Basma : aider les enfants qui ont des difficultés de langage
C’est au cœur du quartier de l’Aviation que l’AMSDEL (Association marocaine de Soutien aux Enfants en Difficulté de langage) a choisi d’implanter son centre névralgique. En effet, c’est là où se dresse le centre Basma (s
LE MATIN
19 Mai 2003
À 19:32
Depuis sa création en 1988, l’AMSDEL s’est voulue un cadre agréable où les enfants handicapés trouvent les moyens nécessaires à leur réhabilitation psychomotrice et orthophonique.
Et les ingrédients pour leur épanouissement socio-culturel. C’est de là qu’a émergé l’idée du Centre Basma. L’espace se propose par le biais de son équipe pluridisciplinaire, de prendre en charge ces enfants de manière à maîtriser les troubles générés par leur infirmité : «les enfants atteints d’une IMC souffrent, dans la majorité des cas, d’un retard psychomoteur, d’un retard de langage et de troubles neurologiques. Notre action s’efforce donc d’associer trois disciplines à la fois en assurant le suivi kinésithérapeutique, orthophonique et psychosocial» souligne l’assistant social du Centre. Le Centre Basma comprend une salle de kinésithérapie (équipée en boudins, mousses, ballons de psychomotricité, plans inclinés, barres parallèles, électro-stimulateur…), un hall, quatre salles de cours, un jardin d’enfants, une cuisine et une cantine. Elle propose aux enfants handicapés deux modes de prises en charge. Le premier, une prise en charge à plein temps, permet à l’enfant de venir du lundi au vendredi et de bénéficier d’un suivi sur le plan kinésithérape utique, orthophonique, psychologique et éducatif. Et le deuxième, une prise en charge partielle, dispense aux enfants des séances de rééducation selon les besoins de chacun : «notre structure d’accueil ne nous permet pas de recevoir à plein temps tous les malades qui se présentent au Centre. C’est pour cette raison qu’on avait pensé à ce 2ème volet de prise en charge qui nous permet de faire bénéficier un plus grand nombre d’enfants» explique Latifa Majdali, directrice du Centre Basma. L’action de Basma s’articule autour de plusieurs axes. D’abord l’accueil des familles. Les responsables se chargent de leur présenter le centre, leur donner une idée sur le cadre de travail qu’il préconise, les aider à accepter l’handicap de leur enfant et partant les impliquer dans sa prise en charge. Suite à quoi des examens sont effectués par les différents intervenants pour déterminer les capacités mentales et psychomotrices de l’enfant en difficulté et constater la présence ou non de troubles associés. A partir des éléments réunis, un plan de suivi est élaboré pour développer ses potentialités tout en tenant compte des limites imposées par son handicap. Il est à signaler à cet égard que les prestations en kinésithérapie, en orthophonie, en psychomotricité et en stimulation précoces sont dispensées selon l’âge de l’enfant et les besoins qu’il exprime. Ainsi, la prise en charge peut-elle être individualisée, spécifique ou collective. Aussi, un intérêt particulier est-il accordé à la création d’un matériel de rééducation simple qui puisse être abordable par les familles. En effet, l’implication de celles-ci dans les activités de rééducation est un principe fortement défendu par l’AMSDEL qui sensibilise parents et tuteurs à l’apport très positif que pourrait avoir la continuité du travail à domicile à l’état de leurs enfants : «on tient à faire comprendre aux parents que leur enfant ne peut pas faire des progrès considérables sans leur collaboration. La rééducation est un travail qui demande de la patience mais surtout de la continuité et de la persévérance pour donner des fruits. Dans ce sens, on tient à ce que le matériel utilisé soit simple pour ne pas encombrer les parents. Ceux-ci pourraient confectionner par exemple, une mousse et faire des exercices de rééducation à la maison. On leur montre, quant à nous, comment installer l’enfant, l’aider à se redresser, jouer avec lui, travailler son équilibre…» explique Yahya Lqaiti, spécialiste en rééducation neuro-pédiatrique au Centre Basma. L’Association se réunit au moins deux fois par an pour évaluer le progrès de chaque enfant et sanctionner, le cas échéant, les nouvelles complications afin d’élaborer un plan de travail pour l’étape suivante. L’AMSDEL accueille les enfants à partir des premiers mois après la naissance jusqu’à l’âge de 14 ans. Quand l’enfant atteint l’âge de 15 ans, il est dirigé vers le centre socio-professionnel Hadaf. L’intégration sociale dans le domaine professionnel est l’une des vocations de l’Association. Celle-ci a conclu un accord avec le centre de formation de l’Entraide Nationale où les jeunes filles prises en charge par le Centre viennent s’initier aux techniques de la broderie, du tricotage et de la couture. Et bénéficient, par la même occasion, de cours d’alphabétisation. Un exemple révélateur de l’intégration professionnelle est le cas de Hassan, le concierge du Centre Basma . Celui-ci était seulement mal-entendant. Sa famille l’a placé dans un centre pour retardés mentaux de la capitale et il a fini à force de cotôyer des arrièrés par développer un retard mental. Il a été recruté par l’AMSDEL qui lui confie de petites responsabilités. «je prends soin des enfants quand ils viennent jouer au jardin. Je ne laisse aucun d’entre eux sortir que lorsque quelqu’un de sa famille vient le récupérer. Je ne laisse aucun étranger s’approcher des jouets» explique Hassan, confiant.
«Intégration scolaire»
Dans le but de projeter les enfants handicapés dans une vie normale, l’Association a crée une salle intégrée à l’école du quartier administratif, à quelques pas du Centre Basma: «les enfants éprouvent un plaisir immense en venant à l’école et en côtoyant les autres enfants de leur âge. Ils n’ont plus cette impression démoralisante d’être cantonnés dans le centre de rééducation». La classe compte pour le moment 14 enfants et l’enseignement y est assuré par un éducateur embauché par l’AMSDEL. «Notre souci ne se limite pas à l’intégration scolaire de l’enfant. Notre action va aussi dans le sens de le socialiser. On a conçu, en effet, plusieurs activités parallèles pour favoriser l’épanouissement de ces enfants : sports, musique, chant…Mais il faut dire que les parents ne nous aident pas assez dans l’accomplissement de notre tâche. Ils désespèrent souvent que leur enfant fasse du progrès, le considèrent, comme un fardeau. Et voient dans le Centre un moyen pour s’en débarrasser. Nous n’arrêterons jamais de dire que quelques soient les efforts de l’éducateur, son action ne peut pas aboutir dans l’indifférence des parents» affirme avec force Bouchaïb Elyssemni, éducateur à l’AMSDEL.
Depuis janvier 2003, le centre s’est doté, grâce à un don fait par une ONG espagnole, d’un véhicule pour assurer le transport des enfants habitant les quartiers périphériques de la capitale. Et par là-même organiser des sorties et des visites d’autres centres intervenant dans le même créneau.
Pour ce qui est de ses fonds de roulement, le Centre Basma reçoit une aide régulière du département chargé des handicapés, des dons de bienfaiteurs et demande aux parents de verser des cotisations selon leurs moyens. L’AMSDEL se plaint toutefois de l’insuffisance et de l’irrégularité de ses ressources et de certaines charges qui «grèvent» considérablement son budget : «on n’a pas un budget de fonctionnement stable.
A part l’aide octroyée par le Ministère aucune ressource n’est régulière. En fait, si le Ministère arrête de nous verser de l’argent, nous serons acculés à la fermeture de ce centre. Plus encore, le loyer seul nous coûte 5000 DH par mois sans parler des salaires du personnel. Ce qui constitue un véritable handicap pour nous. Nous voulons réaliser tant de projets, comme par exemple la confection de coques pour IMC dans le centre, mais on est très limités» explique L.Majdali. «Les parents de la plupart des enfants sont issus de milieux défavorisés et ne bénéficient d’aucune couverture sociale.
Ce qui fait que leurs cotisations restent dérisoires par rapport à la qualité et au nombre des prestations offertes. Il y a des parents qui nous donnent 200 DH par mois alors qu’un enfant coûte à l’Association entre 1000 et 1500 DH pour la même période» continue un membre de l’AMSDEL. Toutefois malgré ces problèmes, le personnel du Centre ne baisse pas les bras. Et les résultats sont, dans la majorité des cas, satisfaisants : «l’année dernière trois enfants qui ont été suivis dans le centre ont pu intégrer des jardins d’enfants normaux», conclut L.Majdali.