Crise irakienne: impasse au Conseil de sécurité
Les six pays membres non permanents du Conseil de sécurité de l’ONU indécis dans la crise irakienne travaillent à l’élaboration d’une proposition, alors qu’à 72 heures de l’utimatum américain contre Bagdad les consultations s
«Les six travaillent à un projet et nous sommes prêts à l’examiner, peut-être demain» (vendredi), a indiqué jeudi l’ambassadeur de France à l’Onu, Jean-Marc de la Sablière. Le vote de ces six pays -Chili, Pakistan, Guinée, Cameroun, Angola, Mexique- est décisif pour qu’un projet de résolution sur l’Irak puisse recevoir la majorité nécessaire au Conseil. Parmi ces six pays, le Chili a laissé entendre qu’il rejetterait le projet de résolution présenté par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne si le vote intervenait vendredi aux Nations unies, selon la ministre chilienne des Affaires étrangères Soledad Alvear. Pour leur part, Washington et Londres avaient annoncé jeudi qu’ils ne demanderaient pas de vote vendredi sur le projet de résolution ouvrant la voie à une guerre en Irak. Aucune date pour de nouvelles consultations du Conseil sur l’Irak n’a été annoncée et Etats-Unis comme Grande-Bretagne paraissaient de plus en plus résignés à se lancer dans une guerre contre l’Irak sans l’aval des Nations unies. Dans le camp de la paix, les Présidents français et russe, Jacques Chirac et Vladimir Poutine, ont manifesté leur volonté de tout faire pour trouver un règlement diplomatique et pacifique de la crise irakienne, lors d’un entretien téléphonique jeudi, selon le Kremlin. De son côté, le Président américain George W. Bush a poursuivi jeudi sa diplomati les dirigeants polonais, norvégien et salvadorien, britannique, sud-coréen et bulgare.
Une deuxième résolution moins probable
La Maison Blanche a admis à demi-mots qu’elle peinait à arracher les 9 voix minimum nécessaires pour faire adopter son projet de deuxième résolution par les quinze membres du Conseil de sécurité. Le secrétaire d’Etat Colin Powell est allé jusqu’à admettre devant une sous-commission parlementaire que les Etats-Unis pourraient ne pas demander le vote de leur résolution. «Les options restent ouvertes: aller au vote et voir ce que les pays membres disent, ou ne pas aller au vote», a-t-il déclaré. «Toutes les options sont devant nous. Nous allons les examiner aujourd’hui, demain et au cours du week-end», a-t-il ajouté. Dans la matinée à Londres, le Premier ministre britannique Tony Blair avait confié au chef de l’opposition conservatrice Iain Duncan Smith qu’une deuxième résolution sur l’Irak lui paraissait «maintenant moins probable que jamais», tous ses efforts à la recherche d’un texte de compromis ayant échoué.
Levée de boucliers
Confronté à une levée de boucliers au sein même du parti travailliste, M. Blair avait proposé mercredi aux membres du Conseil de sécurité d’adjoindre au projet de résolution déposé le mois dernier par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne une liste de six conditions auxquelles l’Irak devrait satisfaire pour éviter une guerre. Ce compromis avait été rejeté d’emblée par la France, qu s une logique d’automaticité du recours à la force, par l’Irak, qui l’a jugée «contraire aux dispositions» de la résolution 1441 du Conseil de sécurité, ainsi que par l’Allemagne qui y a vu un «feu vert pour la guerre». La Russie et la Chine sont sur la même longueur d’onde que Paris. Signe d’une tension croissante, la Reine Elizabeth II d’Angleterre a reporté sine die une visite en Belgique prévue la semaine prochaine de même le ministre britannique de la Défense Geoff Hoon a renoncé à se rendre à un conseil informel des ministres de la Défense de l’Union européenne près d’Athènes vendredi. Le renforcement des troupes américaines dans la région du Golfe s’est d’ailleurs poursuivi. Un responsable américain de la défense aérienne a révélé que des bombardiers furtifs B-2 avaient été déployés pour la première fois hors des Etats-Unis dans la nuit de mercredi à jeudi. Le lieu de pré-positionnement de ces appareils n’a pas été précisé.
Le Pentagone a par ailleurs annoncé envisager de déplacer de la Méditerranée vers la mer Rouge des navires et sous-marins lanceurs de missiles de croisière.
Schroeder : le travail des inspecteurs «doit se poursuivre»
Le travail des inspecteurs en désarmement de l’ONU en Irak «doit se poursuivre», a déclaré le chancelier allemand Gerhard Schroeder vendredi lors d’une déclaration de politique générale devant la chambre basse du parlement allemand, le Bundestag. «Ensemble avec nos amis français, avec la Russie, la Chine et la majorité du Conseil de sécurité de l’ONU, nous sommes plus que jamais convaincus que le désarmement de l’Irak peut et doit se poursuivre avec des moyens pacifiques», a affirmé le chancelier, se prononçant en faveur d’une «extension des inspections».
Les Présidents français et russe, Jacques Chirac et Vladimir Poutine, ont annoncé qu’ils opposeraient leur veto à une résolution légitimant une guerre en Irak. L’Allemagne, membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, martèle depuis le début de la crise irakienne son opposition à une guerre en Irak, avec ou sans mandat de l’ONU, sans pour autant révéler si elle votera non ou s’abstiendra en cas de nouvelle résolution.
«Les rapports des inspecteurs en désarmement montrent que l’Irak coopère entre-temps mieux et plus activement sous la pression de la communauté internationale», a jugé le chancelier social-démocrate. Et d’arguer que «la destruction des missiles Al-Samoud sont un signe visible d’un désarmement effectif. Cela prouve que les inspections sont un instrument efficace auquel nous n’avons pas le droit de mettre fin». «L’Irak doit désarmer sous contrôle international, de manière complète et probante, aussi afin que les sanctions économiques, dont souffre avant tout le peuple irakien, soient allégées et finalement levées. Telles sont les conditions pour parvenir à la paix et à la liberté», a-t-il déclaré. Par ailleurs, le chancelier a considéré que l’Allemagne «ne pourrait affirmer sa responsabilité et le rôle qui en incombe dans un ordre mondial multipolaire axé sur la paix et le droit seulement si nous le faisons sur la base d’une Europe forte et unie». Ce qui est en jeu, «c’est le rôle de l’Europe dans la politique internationale. Mais il s’agit aussi de l’indépendance de notre décision dans le monde de demain», a-t-il relevé.