L'humain au centre de l'action future

Edmond Amran El Maleh titille les organisateurs

La littérature a t-elle sa place dans une réflexion générale portant sur l'écriture de l'histoire ? Et si l'on choisit la mémoire comme thème, pourquoi ne pas avoir consacré une table ronde spéciale à Tanger ? Premier temps fort du Salon du livre : l'inte

24 Janvier 2003 À 20:08

«Ecrire l'avenir à la lumière de l'histoire», un thème large et complexe pour un salon, qui, en osant le soumettre à des intervenants de toutes provenances, s'exposait inévitablement à des réserves, constructives.
Plein de verve et d'humour, l'écrivain Edmond Amran El Maleh fut le premier à avancer les siennes : «Que les organisateurs m'excusent, mais en invitant un écrivain à débattre sur un tel sujet, ils sont tombés dans un travers : utiliser l'écriture pour agiter des idées. Il y a ici une contradiction manifeste : la littérature est un genre spécifique avec une fonction spécifique. On ne peut sortir de la littérature sans la trahir. Je vais essayer pour ma part de rester dans le cadre littéraire ».
Il a pourtant joué le jeu. Partant de la question, littéraire, de la langue, il a profité de la présence de Leila Chahid, déléguée générale de la Palestine en France, pour aborder un sujet immédiatement politique. « En tant que juif marocain, je voudrais dire qu'on ne peut se reconnaître aujourd'hui dans Israël, Sharon et cet Etat qui est en train de commettre les pires crimes. » Et lorsque Leila Chahid lui a demandé comment il se positionnait par rapport à la mémoire et la culture marocaine, il a affirmé sans détours : « Nous vivons une époque tragique : la communauté juive a été complètement détruite au Maroc. Il en reste quelques éléments symboliques et je ne sais pas si mon œuvre va suffire à conserver quelque chose. Les juifs ont joué un rôle important dans la constitution de la nation marocaine. C'est une chose reconnue mais les plus jeunes n'en ont plus aucune idée. La tragédie israélienne a entraîné un antisémitisme au Maroc qui, par miracle, n'a pas créé de violences. Mais il est devenu difficile d'être juif aujourd'hui dans ce pays. ».
Retour à la littérature via la mémoire. « C'est un problème qui a beaucoup occupé mon travail littéraire. Il y a un rapport créateur entre l'écriture et la mémoire. » L'occasion, pour l'écrivain, d'une seconde remarque : « Il est regrettable que le salon n'ait pas consacré une partie de ses activités à Tanger. Cette ville qui est, depuis des siècles, un lieu de création artistique (peinture, littérature), le symbole d'une communauté multiethnique et surtout, un point de départ pour de nombreux clandestins qui meurent chaque jour. Il aurait fallu accentuer ces points pour mettre les pays face à leurs responsabilités. »
Comme quoi, un écrivain ne peut dégager la question de la langue de celle de ses origines et, partant, du contexte dans lequel il écrit. De quoi rassurer Nicole de Pontcharra, la commissaire du Salon, qui avait objecté : « La littérature traverse l'histoire. Nous pensions explorer le grand champ de la mémoire en faisant se rencontrer différentes expériences ».
En définitive, la littérature ne fut pas en reste. Après une présentation de Mohammed Berrada, la comédienne française Chris Deis a lu, avec brio, deux extraits de l'œuvre de Edmon Amran El Maleh. L'un tiré de son premier roman, Parcours Immobile (Maspéro), le deuxième choisi dans Aïlen ou la nuit du récit (La Découverte).

Concert :le Mad NoMad Quartet en tournée


« Tanger est une ville que nous adorons » lance Thierry Beaucoup, le saxophoniste du Mad NoMad quartet, en ouverture du concert qu'il donnait à l'hôtel El Minzah, mercredi, pour la première soirée musicale du Salon du livre de Tanger. Une manifestation que les quatre musiciens accompagnent d'une prestation quotidienne : jeudi à Tétouan, vendredi à Chefchaouen, Samedi à Larache. Avant d'en profiter pour faire un petit saut à Kenitra le 29 janvier et Marrakech le 30.
Mad NoMad quartet, ou l'aventure de quatre lyonnais en mal de soleil. Thierry Beaucoup au saxophone, Sylvain Lacombe à la contrebasse, Stéphane Grosjean à la batterie et Frédéric Louvet à la guitare revendiquent une musique «suggestive », imprégnée des «images, senteurs et ambiances» maghrébines. Après deux participations au festival Tan'jazz et des amitiés nouées à Tanger, le quartet revient avec des compositions en hommage au Maroc : « La force du Maâlem », « Kasbah à Rabat », «Mohamed et les quarante chameaux»… A chaque morceau son histoire.
Electro, souvent planant mais swing un peu timide : dans ce programme, l'Afrique est plus présente dans les esprits que dans les notes. C'est un peu le problème de cet «ethno-jazz». Il jouit du grand avantage d'ouvrir ses frontières musicales à d'autres expériences pour pousser l'audace des improvisations au-delà des standards. Les sources s'y dissolvent un peu parfois. Mais au final qu'importe. Si le Maroc les inspire, tant mieux. «Quand on est musicien de jazz, on ne peut oublier l'Afrique ». D'où « Jazz child of Africa », un joli nom qui résume bien la tendance.
Nouveau Tan'jazz en mai pour le Mad NoMad quartet. En attendant la sortie, cet automne, d'un troisième disque qui devrait accueillir David Lynx en guest star, un autre habitué du festival.
www.madnomadquartet.fr.st


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