Escales : Smara, la ville au passé glorieux
A 240 km à l’est de Laâyoune se dresse Smara. Ville historique, culturelle et religieuse du Sahara, elle a été construite par le Cheikh Ma el-Aïnine. Capitale de province, Smara est une étape sur l’axe routier transsaharien. Une Zaouïa, une Ka
Smara, cité historique et Relais, située à 240 km à l’Est de Laâyoune et à 225 km au Sud de Tan-Tan a été construite e 1887 par le grand résistant marocain Cheikh Maâlainine sur ordre du Sultan Moulay Abdelaziz. La ville reste une traduction concrète de l’intérêt constant porté par les Souverains Alaouites aux provinces sahariennes du Maroc. Maîtres, artisans et matériaux de construction furent, alors, acheminés des grands centres urbains du Royaume sur place. Une magnifique ville émergea alors d’un désert de pierres noires dans la vallée alluviale de la Seguiat el Hamra.
Etape caravanière dans le passé, Smara renoue aujourd’hui avec son histoire, en devenant l’un des relais principaux de l’axe transsaharien, et en ouvrant les régions sud orientales au Nord du pays et à l’Atlantique.
Le développement de la ville de Smara, autour de la Zaouia de Ma El Aïnin dans la partie basse la plus ancienne, tend à en faire la principale cité du désert. La ville historique déploie les vestiges de la Kasbah aux remparts percés de cinq portes monumentales, et, de la Grande Mosquée, qui abritait autrefois une importante Médersa (université).
Le siège de la confrérie, créée en 1887 par le Cheikh Ma El Aïnin (père d’El-Hiba), fut attaqué par les Français en 1913 et occupé pendant un jour, par les Espagnols. La mosquée rappelle toujours le souvenir de celui qui s’opposa pendant longtemps à la pénétration française dans le Sud marocain. Les murs retentissent encore des combats livrés par les tribus du Sahara contre les envahisseurs, de Moulay Abderrahmane à Moulay Hassan Ier, et de Moulay Abdelaziz à Moulay Hafid.
C’est pourquoi cette kasbah est devenue au Sahara Marocain, «la Citadelle de la liberté» et le symbole du glorieux passé de cette région.
Indescriptible spectacle, que celui de la ville de Smara, qui surgit soudain du désert dominant le grand Oued asséché, affluent de la Saguia El Hamra, lorsque l’on arrive de Laâyoune par une route convenablement goudronnée.
Au coucher du soleil, les murs et les coupoles de la Kasbah de Ma El Aïnin semblent scintiller de mille paillettes d’or. Ces édifices sont faits d’étranges blocs noirs, taillés dans la pierre de la région. Dans le creux de l’oued, une seule tache verte, celle des palmiers.
Les maisonnettes carrées, teintées de rouge, aux coupoles blanches pareilles à des coquilles d’œufs renversées sont très typiques. Toutes les rues sont à angle droit et mènent à la grande place rectangulaire où se trouve l’ancienne mosquée, elle aussi en pierres brunes, rendues luisantes par le polissage ininterrompu du vent du désert et du sable.
Dans cet espace de désolation récupéré, après la réunification du Royaume, s’est élevée une cité plantée d’arbres, une mosquée, marchés, stations de télécommunications et quartiers résidentiels. Un vaste programme de développement social et économique a été réalisé: hôpital, maison de jeunes, quartier administratif, centre artisanal, centre commercial, place publique, etc...
Aujourd’hui, Smara se prépare à sa nouvelle vocation touristique et culturelle.
__________________________________
Smara, ville de nos illusions...
Pour le voyageur, Smara est toujours aussi mystérieuse qu’au début des années 30 lorsqu’un jeune français, Michel Vieuchange, réussit à la visiter. Ses carnets de route d’un fou de déser, réédités en 1990 aux éditions Phébus racontent son voyage à travers un territoire interdit aux étrangers : il dut même se déguiser en femme, s’entourer d’une « famille berbère et progresser caché dans un souffin. Il ne vit Smara que quelques heures et mourut d’épuisement avant d’arriver à Agadir. Voilà ce qu’il écrivait sur cette ville : «J’ai vu tes deux kasbahs et ta mosquée en ruines. Je t’ai vue tout entière posée sur ton socle, face au désert, déserte, dans le silence, sous l’ardent soleil. J’ai vu tes palmiers à présent à demi desséchés.
Tu es bien l’œuvre d’un homme, de Ma el Aïnin au sommet de sa puissance... Comme s’il eût voulu étonner les nomades comme par une chose miraculeuse, il t’établit sur un piédestal face au couchant, comptant sur cela pour leur donner une idée de ta grandeur: lui seul dans des pierres, fort entre les murs de solide appareil de tes kasbas, sus sujets tout autour sous la toile des guitounes.
Il donna une mosquée à ces hommes qui errant dans le Sahara n’avaient jusqu’à ce jour prié que dans le vent du matin et du soir, se prosternant au hasard de leur route, sur le roc ou sur le sable.
Et ces hommes n’ayant jamais vu de ville durent voir s’élever avec ébahissement ces murs, ces kasbas, ces coupoles»
«Nous marchons vers toi comme des ravisseurs. / Nous marchons vers toi aussi comme des pénitents. / Et nous dirons à l’ami ou à celle qui nous interpellera sur le chemin : Je ne vous connais pas. / Nous marchons vers ce qui jusqu’au bords / Remplira l’aube, / Qui la rendra si purifiée. / Toutes les sources ensuite seront belles. / Et il nous sera permis de boire. / Et le bruit des sources ouvertes germera dans le silence. / Les chairs, les cœurs malades, retrouveront le jour suave. / Nous sortirons armés / Comme ceux qui ne craignent pas le mépris ni le sourire / Vers les lieux où lutte l’homme, pour l’accomplissement de notre tâche»
Extraits des carnets d’un fou du désert de Michel Vieuchange