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Fathia Bennis, directeur général de l'ONMT : «Les femmes conductrices de tracteur m'épatent !»

11 Novembre 2003 À 17:42

Faut-il vous appeler Madame le Directeur ou Madame la Directrice ?

Je pense que le masculin est requis en la matière, compte tenu qu'on ne parle de directrice générale que lorsqu'il s'agit d'une école. Pour une fois, je ne suis pas sexiste

Vous êtes venue du dur monde de la Bourse pour diriger un office, celui du Tourisme en l'occurrence. Est-ce que vous êtes une femme en or ou une femme de fer ?

Ni l'une ni l'autre, ou peut-être les deux ! C'est un cursus que les circonstances ont dictées. Je n'ai pas choisi. La finance était une expérience très intéressante et très enrichissante. La Bourse était une naissance et j'y ai appris énormément de choses. Mon passage à Bank Al Maghrib a été pour quelque chose aussi. J'allais changer de compartiment, passer du monétaire au financier.

Le tourisme est un autre secteur, totalement différent. C'est beaucoup plus convivial. J'allais dire plus facile. Après tout, le rôle d'une femme, si elle se cantonne à son rôle traditionnel, est de recevoir. Le souci que nous avons est que les touristes viennent, qu'ils soient contents, qu'ils repartent et qu'ils reviennent. C'est un peu notre préoccupation quand on reçoit des invités à la maison… Mon passage par le système financier m'aide beaucoup.

Faut-il regarder en vous la femme devenue directeur ou le directeur qui se trouve être une femme? La féminité, est-ce quelque chose que vous gardez en vous ?

Je revendique ma différence. Je pense qu'on est complémentaire, que nous avons tous des rôles à jouer. Je ne suis pas pour la discrimination dans l'autre sens. Cela devrait être une question de compétences, point barre ! Ce n'est pas une question de sexe, il n'y a pas à être plus complaisant avec la femme qu'on ne l'est avec un homme. Mais il faut aussi donner aux femmes toutes leurs chances.

Il ne s'agit pas de faire semblant de donner. Ce qui a été fait par Sa Majesté en ce qui concerne la Moudaouana est une révolution. Cela nous donne plus confiance et nous permet de mieux nous accrocher. J'aimerais qu'il y ait un peu moins de paternalisme de la part de ces Messieurs et un peu moins de sexisme et de tolérance. Les femmes sont aujourd'hui tolérées, elles ne sont pas encore totalement acceptées. Il ne faut pas se faire d'illusions.

Vos modèles de femmes dans la vie ? Vos héroïnes préférées ?

Ce sont toujours des femmes qui ont vécu des choses. Pas des héroïnes de roman. Simone Veil m'a beaucoup marquée. Trouver la Fançaise Alliot-Marie à la tête du ministère de la Défense, c'est formidable. J'aurais bien vu une femme gouverneur d'une banque centrale par exemple. Ces femmes sont toujours des pionnières dans leur domaine et qui n'en finissent pas de m'épater.

Je suis épatée devant les femmes policier ou celles qui conduisent des tracteurs. Cela signifie que ce n'est plus la force physique qui fait le distinguo. Tous les terrains que nous pouvons conquérir avec les hommes, pas sans eux, c'est quelque chose de très important.
Le directeur général de l'Office du tourisme doit se retrouver sur une île déserte.

Qu'est-ce que vous emporteriez avec vous ? Une crème écran total, un livre ou une brochure du « Maroc plus beau pays du monde » ?

Une brochure sur le plus beau pays du monde ! J'assume complètement la responsabilité de ce slogan. J'emporterais aussi un roman.

Qu'êtes-vous en train de lire en ce moment ?

« La face cachée du monde ».

Où avez-vous passé vos dernières vacances ?

J'ai passé mes dernières vacances à Tanger. Cela me vexait à la limite quand j'entendais dire des amis qu'ils étaient partis en Espagne. J'estime que dans les circonstances actuelles il faut voyager dans son pays. Il faut consommer marocain et cela en vaut la peine.

Quand je peux prendre des vacances, je suis aussi bien à Marrakech que dans le nord. Je ne cherche pas le dépaysement ailleurs puisque nous l'avons chez nous.
Ce sont des vraies vacances. J'ai dit - et je n'étais pas seule puisque nous étions une commission nationale, ce que beaucoup feignent d'oublier - que le Maroc était le plus beau pays du monde. Et je le revendique.

Cet été on vous a vu à Imilchil à l'occasion du Moussem des fiançailles. Qu'est-ce que vous avez préféré, l'auberge avec douche commune ou le coucher du soleil sur le lac ?

J'ai beaucoup aimé le coucher de soleil sur le lac. Le voyage à Imilchil était fabuleux. On pénètre une culture que nous n'avons pas. Je suis revenue avec une valeur ajoutée. Dommage qu'on n'ait pas eu plutôt l'idée de nous ouvrir vers ces contrées de notre pays que nous ne connaissons pas. En amazigh, je ne connais que deux mots que m'a appris mon épicier : «Aouid'n ikariden », c'est-à-dire « Donne l'argent ». C'est une culture magnifique, une langue pleine de poésie qui gagnerait à être connue.

Jouez-vous toujours au golf ? Cela ne fait pas bourgeois officiel, ça ?

Non, cela ne fait pas bourgeois officiel. C'est un sport ouvert à beaucoup de gens maintenant. Le coût de la cotisation n'est pas excessif, tout étant relatif par ailleurs. Cela fait bien cinq ans que je n'ai pas joué au golf. Je n'ai plus le temps depuis la Bourse. Je me dis qu'une fois à la retraite je vais me rattraper. Le golf est un sport qui se joue de 7 à 77 ans. Avec la petite balle, on oublie tout en plus.

Votre dernier coup de gueule ?

Un coup de gueule professionnel. Une grosse colère. Je n'en pique pas souvent mais quand je la pique, c'est plutôt sérieux !

Dernier coup de cœur ?

Mon petit-fils, qui vient tout juste de naître, m'a fait complètement craquer. Et ça, c'est plus qu'un coup de cœur, c'est permanent !

Pour ou contre la peine de mort ?

Je suis plutôt contre. J'estime que c'est Dieu qui nous donne la vie et c'est à Lui Seul de nous l'enlever. Si on commet une faute à l'égard de la société on doit être puni. Il y a des sanctions suffisamment fortes pour ne pas aller jusqu'à donner la mort à un être humain.

Comment aimeriez-vous mourir ?

Dans mon lit, ce serait merveilleux. De vieillesse, ce serait bien. Mais en bonne santé. La souffrance me taraude. Mourir, c'est rencontrer Dieu. J'ai déjà vécu avec l'idée de la mort puisque j'ai perdu mon mari. J'ai démystifié la mort. Victor Hugo a dit que lorsqu'une tombe se referme sur un mort, c'est le firmament qui s'ouvre.
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