Fès-Saiss rend hommage à l’un de ses fondadeurs : Moulay Ahmed Alaoui, le chantre de la Monarchie
L’association «Fès-Saïss» a organisé, vendredi, au palais des congrès de Fès, une cérémonie commémorative en hommage posthume à Moulay Ahmed Alaoui, l’un de ses fondateurs et militant de la ville.
>
LE MATIN
02 Mars 2003
À 16:45
Placée sous le Haut patronage de S.M. le Roi Mohammed VI, cette cérémonie a enregistré la présence de plusieurs personnalités du monde de la politique, de la diplomatie, de la culture, des affaires et de la société civile, du wali et gouverneurs des préfectures de la région Fès-Boulemane, des élus , des amis et alliés du défunt et des membres de sa famille dont sa veuve Assia Bensalah Zemrani, son fils Moulay Abdelmalek et sa fille Lalla Nezha.
Après une visite à une exposition de photographies historiques retraçant les actions de Moulay Ahmed Alaoui en tant que militant, homme de communication et fidèle serviteur de la nation et de la monarchie, les personnalités présentes ont écouté religieusement des versets du Coran psalmodiés à la mémoire de l’illustre disparu.
M Mohammed Kabbaj, conseiller de S.M. le Roi et président de l’association «Fès - Saïss» a ouvert la cérémonie en rappelant que Moulay Ahmed était connu pour son patriotisme sincère, son dynamisme débordant et son humour de bon aloi ainsi que par sa fidélité indéfectible à son pays, au Trône et aux Souverains alaouites. Ses contacts aisés et bienveillants avec les différentes couches de la population et les formations politiques lui ont toujours permis, témoigne-t-il, de sonder le pouls de la société et d’en informer le Roi et les ministres lors des conseils de gouvernement ou des ministres.
« En organisant cette cérémonie commémorative, dit-il, l’association «Fès-Saïss» veut contribuer à rendre un hommage digne de ce grand serviteur du pays et à perpétuer sa mémoire pour servir de modèle aux générations montantes».
Le ministre de la Justice, M. Mohammed Bouzoubaâ a exalté les qualités de Moulay Ahmed en tant que militant pour l’indépendance du pays, en tant qu’homme d’Etat et de terrain et en tant qu’ami de tous. Il a rappelé que Moulay Ahmed comptait parmi les militants de la première heure qui ont étudié et adhéré à la lutte pour la libération et qui ont servi la nation après le protectorat en assumant plusieurs missions auprès des Souverains S.M. Mohammed V et S.M. Hassan II en tant que responsable du service de presse au Cabinet Royal, journaliste, homme d’Etat contribuant à la nationalisation de la presse MAS avec la création du groupe «Maroc-Soir» , à la promotion du tourisme, de l’artisanat, des beaux arts et des studios du cinéma à Ouarzazate. Ses tendances partisanes ne l’ont nullement empêché de préserver ses amitiés avec les responsables des autres partis politiques, a témoigné M. Bouzoubaâ, chose qui lui a permis d’intervenir pour rapprocher les points de vue entre les antagonistes.
Un homme de conciliation
De ce fait, le défunt était un homme de conciliation, de modération, de tolérance et de dialogue, a-t-il dit ajoutant que le disparu avait des idées lumineuses et une philosophie pertinente sur la marche du pouvoir et la gestion des affaires locales des citoyens. Il était aussi connu pour sa franchise, son courage et sa transparence a ajouté M. Bouzoubaâ affirmant que l’organisation d’une cérémonie commémorative en hommage à Moulay Ahmed n’est que «reconnaissance envers ce serviteur infatigable du pays qu’il était».
M. Mohammed Allal Sinaceur a entamé son témoignage par un poème à la mémoire du disparu avant de rappeler le rôle de Moulay Ahmed Alaoui dans la construction de son pays et de la société et de son expérience dans plusieurs domaines. Il a fait état notamment de la disponibilité sans limites dont Moulay Ahmed Alaoui avait fait preuve lors de la visite de l’ancien directeur de l’UNESCO, M. Mokhtar M’Bow pour lancer en avril 1981 son appel international à la communauté internationale pour la sauvegarde, la restauration et la réanimation de la ville de Fès.
M. Sinaceur a évoqué aussi le parcours du militant qu’était Moulay Ahmed Alaoui qui a adhéré dans les premières cellules nationalistes alors qu’il poursuivait ses études au prestigieux collège de Moulay Driss à Fès. En France, où il étudiait la médecine, Moulay Ahmed militait , rappelle-t-il, parmi les étudiants maghrébins, les partis socialistes et la presse française pour la libération du Maroc et des pays du Maghreb du joug du colonialisme. Après l’indépendance , il a servi loyalement et inlassablement feu S.M. Mohammed V puis feu S.M. Hassan II en tant qu’homme des médias et homme d’Etat qui travaillait telle «une machine active et créative».
Sagesse et intelligence
Le président de la Communauté urbaine de Fès, M. Abderrahim Filali Baba a rappelé le combat mené par Moulay Ahmed Alaoui pour le recouvrement de la souveraineté nationale tant à Fès qu’à Paris soulignant son rôle dans la fondation d’un groupe de presse, acquis à la cause du pays et de la Monarchie et ses éditoriaux qui reflétaient la grande intelligence et la profonde sagesse de l’homme.
M. Filali Baba a rappelé que Moulay Ahmed, l’un des fils prodiges de Fès, a fait beaucoup pour le développement de la cité idrisside et sa région citant entre autres projets soutenus par le défunt, l’aéroport de Fès-Saïss, qui a contribué au développement du tourisme, les stations de Sidi Hrazem et Moulay Yaâcoub et l’hôtel «les Mérinides». M. Filali a annoncé que la communauté urbaine a décidé de donner le nom de Moulay Ahmed Alaoui à une avenue de la ville en reconnaissance à tout ce qu’il a fait pour Fès qu’il a aimée et défendue avec « chauvinisme».
Le président du RNI, M. Ahmed Osman a exalté l’action de Moulay Ahmed Alaoui , le militant, l’homme de média, d’Etat, de culture, de tolérance, de bonté, le fondateur du parti RNI et de l’association «Fès-Saïss» et qui a déployé de gros efforts pour le développement et le rayonnement culturel et patrimonial de Fès, sa ville natale.
M. Osman a témoigné de l’action fournie par Moulay Ahmed Alaoui en France lors du retour de feu S.M. Mohammed V et la Famille Royale de l’exil de Madagascar et au Maroc, avec l’avènement de l’indépendance soulignant les multiples missions confiées au défunt par les Souverains disparus et le rôle accompli avec dynamisme en tant que journaliste et de ministre pour la vulgarisation de la civilisation, de l’authenticité et de l’identité culturelle de la nation marocaine.
Le secrétaire général du MNP, M. Mahjoubi Aherdane a dit, avec son franc-parler, que Moulay Ahmed Alaoui a construit sa propre personnalité grâce à son travail et à sa fidélité à sa patrie et à la monarchie soulignant qu’il était un marocain atypique connu pour sa sociabilité, sa franchise, son humour et des anecdotes empreints parfois de railleries acerbes et pénétrantes telles des cartouches.
Il a indiqué que la génération de Moulay Ahmed a grandi dans le militantisme, la peine et la douleur, exhortant la famille du défunt à préserver sa mémoire et appelant les citoyens à la mobilisation pour assurer le progrès et la prospérité du pays.
Pour l’actuel secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie et ex-président du Sénégal, Abdou Diouf, feu Moulay Ahmed , avec sa disparition «nous laisse le souvenir d’un homme de passions et de cœur, de foi et d’intelligence, de fidélité et de générosité».
Un message d’Abdou Diouf
Dans un message lu en son nom par M. Amal Jellal, ex-wali de Fès, Abdou Diouf soulignait «la passion (de Moulay Ahmed) pour les causes les plus justes et les plus généreuses. Passion pour les humbles. Passion pour son journal «Le Matin du Sahara» à la disposition duquel il avait mis tout « son talent faisant preuve d’une grande liberté de pensée et d’expression».
M. Diouf a rappelé aussi que le défunt «croyait en Dieu d’abord et avant tout. Il croyait au pouvoir royal, à sa légitimité, à sa capacité de maîtriser les responsabilités nécessaires pour gouverner. Il avait confiance en son pays et en son peuple auxquels il était dévoué corps et âme. Il avait ses convictions qu’il défendait avec courage».
Moulay Ahmed, ajoute M. Diouf avait «une fidélité inébranlable à son Roi : il lui permettait d’user avec Lui d’une liberté de parole qui faisait de lui un conseiller écouté. Fidélité aux siens : membres de la famille Royale, il avait le sens des responsabilités, ce qui dénotait un esprit lucide qui ne freinait pas son enthousiasme naturel».
«Moulay Ahmed n’est plus, mais on se souviendra de l’ami sincère et fidèle qui, dans une solidarité sans faille, participa à tous nos combats, depuis ceux de nos jeunes années, jusqu’à ceux du développement et du bien-être pour l’Afrique» a dit M. Diouf qui a souligné «l’estime et l’affection que lui portait le Président Léopold Sédar Senghor pour lequel il avait lui-même une grande admiration».
M. Amal Jellal a ensuite rappelé que c’est Moulay Ahmed Alaoui qui a proposé de baptiser l’association au nom de «Fès-Saïss» au lieu du nom «Al Inbiât» précédemment choisi, soulignant que le défunt considérait la «renaissance de l’association et de la ville de Fès dans son ouverture sur l’arrière pays, la plaine du Saïss». Il a évoqué aussi le rôle capital joué par le défunt dans la création, notamment, de la faculté de médecine et pharmacie à Fès.
M. Kacem Zhiri, l’un des signataires du Manifeste de l’Indépendance en 1944, a rappelé, quant à lui, le militantisme de Moulay Ahmed alors étudiant de médecine en France soulignant qu’il avait rempli la mission de correspondant du journal «El Maghrib» dirigé pas Saïd Hajji avant son interdiction par le protectorat puis correspondant du journal «Al Alam» et pilier du parti de l’Istiqlal à Paris où le défunt a tissé des relations avec les milieux politiques, des lettres et des médias pour expliquer la juste cause du pays.
M. Kacem Zhiri a notamment rappelé que Feu S.M. Hassan II discutant en 1986 avec d’autres personnalités sur le monde des médias au Maroc a qualifié Moulay Ahmed Alaoui de «chantre de la Monarchie» , qualificatif dont le défunt tirait un motif de fierté et d’orgueil.
La parlementaire Mme Zahia Dadi Essakali Dadi, a souligné, dan son témoignage que Moulay Ahmed Alaoui incarnait pour elle-même et pour tous ceux qui l’ont connu et aimé «le patriote incontestable d’une part, et l’homme incontesté du tourisme marocain, d’autre part».
Ancienne collaboratrice de Moulay Ahmed, au temps où il était ministre du tourisme, Mme Zahia Essakalli a rappelé que le défunt «une véritable force de la nature, était toujours en train de faire des suggestions, de prendre des initiatives, souvent inattendues, et devant lesquelles nous, ses collaborateurs, et ses amis, restions sceptiques, jusqu’au moment où le temps lui donnait raison».
«Sa capacité exceptionnelle à générer en permanence des idées originales, n’avait d’égal que son patriotisme et son amour de la vie, qui étaient la source de son génie, de son engagement et de sa ténacité sans faille» a dit Mme Essakalli qui a ajouté plus loin que Moulay Ahmed était «un meneur d’hommes, avec un style particulier (…), un travailleur acharné, infatigable, à la fois conservateur et moderniste, réaliste et idéaliste, au tempérament méditerranéen, au caractère sentimental et passionné».
Mme Essakalli a témoigné que Moulay Ahmed s’évertuait à présenter « le tourisme dans sa complexité de phénomènes à la fois sociologique, social, culturel, économique et politique» et «si aujourd’hui le tourisme occupe une place de choix dans tous les programmes économiques de notre pays, le vrai mérite en revient à celui qui a inauguré dans les années soixante, le grand débat sur le développement touristique du Maroc».
Elle a parlé aussi du rôle de Moulay Ahmed dans le développement de la formation professionnelle en matière de tourisme, de sa proposition de l’enseignement de la langue amazighe dans les écoles hôtelières et de l’ouverture des établissements de formation aux étudiants des pays frères arabes et africains dans le cadre de la coopération sud-sud rappelant aussi que c’est le défunt qui a su attirer le club Méditerranée vers le Maroc et l’homme du Festival des arts populaires, des stations de Sidi Hrazem et Moulay Yacoub, du choix de l’option «tourisme» lors de la reconstruction de la ville d’Agadir et de l’essor du tourisme sportif (rallies autos et motos).
Quant à M. Anas Bensalah Zemrani, beau frère de Moulay Ahmed, il a rappelé que le défunt «serviteur inlassable de l’Etat et fidèle inconditionnel du Trône, était de ceux qui dénoncent les injustices sous toutes leurs formes avec force et conviction».
Un patriote audacieux
Moulay Ahmed était, dit-il, «un homme hors du commun, car il alliait en même temps une incommensurable simplicité, une humilité sans pareille, mais aussi et surtout était un marocain de caractère et de culture (…) qui criait très fort la vérité et quoi qu’il en coûte, il disait vrai, il parlait vrai».
Patriote audacieux, nationaliste de la première heure, Moulay Ahmed a produit un manifeste en 1936 qu’il avait brandi à la face de la puissance tutélaire, rappelle-t-il ajoutant que déjà en 1930, il s’était révolté et avait dénoncé le Dahir Berbère qui remettait en cause l’unité de la communauté nationale.
Moulay Ahmed a participé au journal «L’Action» de feu Hassan Ouazzani et était, à ce titre, l’un des organisateurs du mouvement des étudiants de l’Afrique du Nord, alors que son âge ne dépassait guère 17 ans. A travers ce parcours de militant-combattant, Moulay Ahmed n’a guère cessé ni par la plume, ni par les actions, ni par les sentiments d’être «le mousquetaire du Trône», a dit M. Zemrani rappelant que le défunt, qui a occupé plusieurs postes ministériels, a marqué le développement de plusieurs secteurs dont le plan sucrier qu’il a lancé en 1967, le tourisme, l’artisanat, les arts populaires, l’industrie, le commerce etc…
Le premier conseiller de l’ambassade du Mali à Rabat a lu un message de l’ambassadeur M. Sy qui a loué la vision panafricaine de Moulay Ahmed Alaoui, son intégrité morale et son amour ardent pour le travail ajoutant que «son humilité, sa probité intellectuelle et son sens aigu du devoir ont forcé l’admiration de tous».
L’ambassadeur a encore dit dans son message: « Nous n’oublierons jamais sa passion pour notre pays, le Mali, et l’Afrique et son combat inlassable pour l’unité africaine, son engagement constant auprès des peuples du Tiers-Monde, sa lutte pour la paix dans le monde».
Il a rappelé «qu’en 1963, Moulay Ahmed Alaoui était à Bamako, auprès de feu S.M. Hassan II, dans le cadre de la recherche d’une solution au conflit qui opposait le Maroc et l’Algérie où, grâce à la médiation malienne, un accord de paix a été signé. Ce n’était pas sa première visite dans un pays qu’il a tant aimé, il s’en est suivi d’autres encore au Mali. En retour, les plus hautes autorités du Mali ont toujours gardé une grande estime pour ce pionnier de la paix et de la justice qui est mort à la tâche».
M. Sydney Assor, représentant de la communauté juive de Grande-Bretagne a rappelé que depuis sa première rencontre avec Moulay Ahmed Alaoui au début des années 80 il s’est résolu à «œuvrer avec davantage de vigueur pour le bien-être de mon pays d’origine» et qu’il a «pris conscience de ce que ce pays (le Maroc) a donné à mes parents, à mes ancêtres et à mes autres coreligionnaires».
Il a indiqué que grâce à Dieu et au message de Moulay Ahmed «Les Juifs marocains résidant en Grande-Bretagne ont constitué leur association qui a toujours bénéficié de la haute bienveillance, du soutien du gouvernement de S.M. le Roi» soulignant que «cela nous a permis de forger l’unité efficace, homogène et harmonieuse entre les Juifs et les Musulmans marocains de Grande-Bretagne (…) et d’être à l’avant-garde de la vie sociale, religieuse, et politique afin de promouvoir les divers aspects du Maroc en G.B.»
D’autres témoignages de M. Abderrahim Lahjouji, président des «Forces Citoyennes» et de M. Abdelouhab Tazi Saoud, ex-recteur de l’université Karaouyine et de M. Mokhtar Ould Bah ont rappelé le parcours de Moulay Ahmed Alaoui, une personnalité hors du commun qui a marqué le XXe siècle de son empreinte particulière et un patriote sincère, jaloux de l’histoire et de l’identité culturelle du Maroc profond.
Cette cérémonie commémorative s’est achevée par un dîner et une veillée religieuse en présence de plusieurs personnalités et des membres de la famille du défunt, veillée clôturée par l’élévation des prières vers Allah pour avoir l’âme de feu S.M. Mohammed V et feu S.M. Hassan II en Sa Sainte Miséricorde, pour accorder gloire et prospérité à S.M. le Roi Mohammed VI et à la Famille Royale et pour le repos de l’âme de feu Moulay Ahmed Alaoui.