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Fin d’un «canular» qui tourne mal : Alouah sommé de s’expliquer devant la justice

L'affaire Alouah n'est pas un canular. Ainsi en a décidé le procureur du Roi près le tribunal de première instance de Rabat en ordonnant l'ouverture d'une enquête et sa présentation devant la justice. Mohamed Alouah a eu son quart d'heure de «gloire». Se

10 Novembre 2003 À 17:25

Flash-back. L'histoire remonte au début du mois d'octobre dernier. Mohamed Alouah, leader solitaire et militant unique du non moins anonyme Parti libéral réformateur (PLM) se fend d'un communiqué. L'homme a habitué le microcosme médiatique à ses communiqués souvent étranges et toujours hilarants. N'avait-il pas scissionné du Parti marocain libéral fondé par Mohamed Ziane avant même qu'il n'existe légalement ? Cette fois, l'annonce est fracassante, quart d'heure de gloire oblige. Alouah annonce deux choses, supposées le faire entrer à jamais dans l'Histoire. D'abord qu'il est désormais à la tête d'un Front de libération de l'Algérie marocaine (FLAM) dont les bans de naissance sont dans la foulée notifiés et ensuite que ledit front a des revendications très précises : la récupération de 38 % du territoire de notre voisin de l'Est.

Le communiqué, même s'il est passé inaperçu sous nos cieux et plus encore dans les rédactions marocaines, est un morceau d'anthologie. On avait à peine connu Alouah le leader, voilà qu'il faut désormais faire avec Alouah le libérateur. «Les gouvernements qui se sont succédé au Maroc ont été incapables de résoudre le problème de nos provinces du sud et de nos territoires actuellement occupés par l'Algérie «, souligne-t-il dans son communiqué daté du 3 octobre dernier.

Et là où les gouvernements successifs du Maroc indépendant ont échoué, Alouah, lui, réussira. Il emploiera les moyens qu'il faut pour que soient «libérés» 90 000 kilomètres de «l'Algérie marocaine». Dès la création de ce Front de Libération de l'Algérie marocaine, le dérapage avait commencé. Il atteindra son paroxysme avec des menaces de marche blanche, voire même d'attaques.

Alouah se sent investi d'une mission, voire même d'un destin national. En attendant, il contribuera à une tension supplémentaire entre Rabat et Alger. Le ministère des Affaires étrangères algérien réagira, et c'est normal, en convoquant l'ambassadeur marocain. «Des explications lui ont été demandées au sujet d'informations faisant état de prétendus droits territoriaux du Maroc», précisera presque laconique l'agence officielle algérienne, APS. L'incident diplomatique est quasiment frôlé tandis que la presse locale s'en donne à cœur joie, développant à l'envi et jusqu'à la corde la thèse de «ce Maroc expansionniste».

L'affaire Alouah tombe mal

Si l'affaire Alouah est présentée par certains journaux marocains comme un canular, elle a l'inconvénient de tomber bien mal. La question du Sahara est au cœur de l'actualité onusienne. Alors que le Maroc en appelle à une solution politique comme seule alternative possible et plus précisément à une solution négociée entre l'Algérie et le Royaume, voilà que le fondateur du fantomatique front de libération de l'Algérie marocaine vient de donner avec une facilité désarmante des arguments à nos voisins de l'Est : “ Le Maroc ne veut plus se contenter du seul Sahara, il revendique maintenant le tiers de notre territoire ! On vous l'avait bien dit !”

Mohamed Alouah n'en attendait pas autant. Crise entre deux pays dont les relations ne sont pas exactement au beau fixe, une agitation personnelle sur le dossier du Sahara aux conséquences imprévisibles et exploitation effrénée de ce dérapage par “ les adversaires du pays ”.

La seule réponse possible ne pouvait venir que de la justice. Etait-il vraiment sérieux et crédible de mettre l'agitation de Mohamed Alouah, leader de parti - sans existence légale, précisera dimanche le ministère de l'Intérieur - sur le compte de l'expression d'une opinion qui n'engage que lui ou même du canular ? Le procureur du Roi près le tribunal de première instance de Rabat vient de trancher en rendant public un communiqué. Une enquête sera ouverte et la présentation de Mohamed Alouah devant la justice a été ordonnée. La justice marocaine est loin de vouloir minimiser le contenu du communiqué émanant d'une organisation illégale.

Le procureur le qualifie de «grave» et estime que «la diffusion de telles allégations tendancieuses [des attaques sur le territoire algérien] pourrait semer la confusion et le trouble dans différents milieux et constituer un préjudice qui ne sert que les adversaires de notre pays».

Ce canular qui tourne mal a au moins un avantage : celui de rappeler l'urgence de l'adoption de la loi sur les partis politiques. Peut-on s'improviser leader d'un parti sans militants ? Quelle définition donner à une formation politique ? Où commencent et s'arrêtent ses prérogatives ? Autant de questions qui, si elles avaient trouvé réponse dans une loi, auraient évité un scandale nommé Alouah et à Alouah lui-même les désagréments d'une convocation…
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