Khalid Naciri, directeur de l'ISA, membre dirigeant du PPS : «Je ne suis pas ministre et cela ne m'empêche pas de dormir !»
.
LE MATIN
23 Novembre 2003
À 17:41
Quand aurez-vous des étudiants dans cette Ecole supérieure de l'administration dont vous êtes le directeur ?
Dans deux semaines. Le concours s'est déroulé dans ses phases orale et écrite, le 25 octobre et le 8 novembre. La promotion est déjà constituée et le programme des festivités sera annoncé incessamment. L'Institut est donc mis en place.
C'est donc une revanche que vous prenez sur tous ceux qui disaient que votre école était fantomatique?
Tous ceux qui disaient que l'école était fantomatique ne s'arrêtaient pas là puisqu'ils disaient que le directeur lui-même était fantomatique. Je dirais pour ma part que si tous les fantômes faisaient le travail que j'accomplis, le pays s'en porterait mieux.
A ceux qui voient en vous un néo-makhzénisé, que leur répondez-vous ?
Que, ma foi, l'esprit espiègle fait des siennes dans ce pays ! J'aime l'espièglerie quand elle est de bonne qualité. Dans le cas d'espèce, je pense que ceux qui profèrent de telles insanités ne savent même pas de quoi il s'agit. Je suis sûr que si on leur demandait de définir le makhzen, ils auraient quelques difficultés.
Justement, comment le définissez-vous, vous ? Le makhzen, c'est quoi : on en entend tellement parler ces dernières années
Pour comprendre le makhzen, je me réfère à l'un des travaux les plus remarquables de Germain Ayache qui parlait de la fonction arbitrale du makhzen. Je pense que le makhzen est une institution générée par l'histoire et la sociologie marocaines. Il a historiquement eu à telle ou telle phase de son développement des attitudes autoritaires. Il a eu parallèlement à cela des approches arbitrales. C'est cette réalité complexe que nous vivons aujourd'hui avec une indéniable volonté de modernisation.
Vous êtes directeur d'un Institut supérieur. On vous attendait ministre. Quand le deviendrez-vous? N'êtes-vous pas un peu pincé quand vos camarades le deviennent et vous toujours pas ?
Cela ne m'empêche pas de dormir ! D'ailleurs je ne dors pas lorsqu'il s'agit de travailler. Je n'ai jamais fait de la ministrabilité une fin en soi et ce n'est pas un souci majeur pour moi. Je sers mon pays là où je peux le faire. Je le fais depuis l'Institut supérieur de l'administration. Je le fais également dans ma vie de militant et d'acteur de la société civile. Et je ne m'en porte pas plus mal.
Pensez-vous que vos camarades devenus ministres ont changé ?
Je n'ai absolument pas eu cette impression. Dans l'expérience du PPS, il y a quatre cas, pas plus. Lors des deux ministères qu'il a eus à gérer, Ismaïl Alaoui était resté un homme de grande ouverture et de simplicité. Omar El fassi est toujours égal à lui-même, un homme très affable et d'une grande modestie. Mohamed Saïd Saâdi a continué à avoir son approche de militant et Nabil Benabdallah, communicateur avant et après être ministre.
On vous voit souvent à la télévision. Est-ce parce que vous êtes une coqueluche des médias ou parce que vous êtes télégénique ?
Ni l'un ni l'autre. Il m'arrive parfois d'accepter une invitation pour participer à telle ou telle émission plus par courtoisie que par désir. Il m'arrive bien entendu de répondre favorablement parce que j'estime que j'ai des choses à dire. Il m'arrive parfois d'aller devant la caméra parce que le journaliste a insisté. Il m'arrive enfin de croire qu'on m'a trop vu et que j'ai intérêt à me faire plus discret.
Vous écrivez de moins en moins sur les colonnes d'Al Bayane. C'est parce qu'il a changé de directeur?
(Rires) Bien sûr que non. C'est tout simplement par manque de temps. Je prends parfois ma plume pour écrire ici ou là. J'aurais voulu disposer de plus de temps pour intervenir sur Al Bayane et ailleurs.
Est-ce que vous êtes un ancien communiste repenti ou un ex coco fan de l'émission Capital ?
Je suis un homme qui a fait ses premières armes en politique dans la pensée marxiste et au parti communiste marocain. Ce parti a mué, mûri et s'est développé. Il continue de réfléchir sur la signification du socialisme. Je n'ai rien renié de mes idéaux fondamentaux mais je continue à croire que le socialisme a besoin que sa doctrine soit mieux cernée et mieux mise au service du processus de développement. Je ne suis pas un ex, je suis un militant qui croit en la libération de l'humanité.
Et le capital dans tout ça ?
Le capital ? Eh bien c'est l'ouvrage de Karl Marx qui apporte beaucoup de réponses aux questionnements qu'il induit mais sans avoir épuisé l'intégralité du sujet, lequel est d'une acuité indéniable.
Pour devenir leader, faut-il à votre avis provoquer une scission ou attendre son heure, même pendant une génération ? L'attendez-vous, vous, votre heure?
Je n'ai pas cette approche biologique primaire de la question de la responsabilité. Je considère qu'être leader ne se fait pas par une décision, par décret ou par simple volonté. Etre leader, c'est d'abord une réalité induite par un comportement, un rapport aux militants et, en fin d'analyse, celui qui se fixe pour objectif d'être leader rate souvent le coche. En ce qui me concerne, je ne me sens pas leader et je ne me fixe pas pour objectif d'en être un. Ma démarche est celle d'un militant qui croit à des idéaux et j'essaie de les faire avancer.
Etes-vous un sportif du Ramadan comme on est un sportif du dimanche ?
Hélas non ! Il m'arrive parfois de faire le service minimum et faire du jogging un dimanche matin. Je regrette de ne pas avoir plus de temps pour faire mieux.
Avez-vous une idée du prix d'un ticket de bus ?
Je sais que Giscard D'Estaing a eu de gros problèmes lorsqu'il a été interrogé sur le prix du ticket de métro. Mais comme je n'ai pas l'ambition de Giscard D'Estaing, je peux me tromper sur le prix du bus. A mon avis, il coûte trois dirhams.
Bravo, vous êtes la première personnalité à donner la bonne réponse ! Dernière question Khalid Naciri, comment aimeriez-vous mourir ?
Puisqu'il faut bien mourir un jour, j'aimerais mourir sans souffrir ni faire souffrir mes proches.