Fête du Trône 2006

L'Entraide nationale et les différentes conceptions du social

L'importance accordée à la question sociale, au lendemain de l'indépendance du Maroc, s'est traduite par la création d'un organisme fort, autonome, doté de la mission de «l'aide et l'assistance sous toutes formes», avec une dénomination bien significative

18 Juin 2003 À 17:13

Sa force et sa notoriété découlaient du patronage de S.M. feu Mohammed V, de sa présidente la Princesse Lalla Aïcha et de la composition de son Conseil supérieur ou siégeaient la plupart des membres du gouvernement, des représentants du Conseil national consultatif, des représentants des associations caritatives et un membre du Conseil de la Couronne.

Sans moyens, l'Etat n'avait d'autre choix que de capitaliser l'euphorie populaire de l'indépendance, de raviver les principes de l'Islam dans le domaine de l'entraide et surtout de profiter du doigté de la société qui a su gérer et contrecarrer les projets du colonisateur pendant «l'absence» de l'Etat.

Ceci représente la trame de fond de la création de l'Entraide nationale en 1957, qui va tant changer durant son parcours en adoptant, au fil des ans, différents statuts, au gré des Dahirs, des décrets et des formations gouvernementales qui se succédaient. Mais le changement le plus important est celui des différentes approches de l'action sociale cumulées sur les tas, que nous allons essayer de déceler à travers trois étapes principales.

L'action sociale comme assistance est une action d'aide limitée dans le temps sans effet sur le statut social de l'assisté, comme distribuer de la nourriture et des vêtements à des personnes pauvres, qui peut engendrer un sentiment de réconfort momentané mais sans impact sur leur statut de gens nécessiteux.

Cette définition reflète bien la nature de la majeure partie de l'action entreprise par l'Entraide nationale, depuis sa création jusqu'à la fin des années soixante. En effet, tout l'effort de cet organisme, en moyens matériels et humains, était destiné à réussir des campagnes annuelles de collectes des dons, à recevoir et stocker des aides en nature, allouées par des organismes internationaux, pour les distribuer ensuite aux familles nécessiteuses ou aux victimes des catastrophes naturelles.

Cette forme d'action sociale était la plus dominante en comparaison avec d'autres formes, comme les aides et les subventions accordées à quelques associations œuvrant dans le domaine social ou le projet «d'assistance par le travail» qui n'était qu'à ses débuts.

L'action sociale comme intégration consiste à aider les personnes à se prendre en charge en leur facilitant le chemin d'accès à une autonomie de subsistance ou en améliorant la qualité de leurs milieux familiaux à travers des cours d'alphabétisation et d'éducation sanitaire ou diététique.

Cette stratégie de concevoir le social a été adoptée dès le début des années 70, avec la création de multiples centres et institutions à travers le Maroc : centres de formation professionnelle, centres d'éducation et de travail, centres de formation pour handicapés, centres d'éducation sociale. En plus d'une participation active dans les campagnes d'alphabétisation et de l'éducation préscolaire.

Ces différentes institutions, implantées pour la pluspart dans les milieux ruraux et péri urbain, orientaient leurs programmes pour cibler les personnes défavorisées qui ne pouvaient accéder à d'autres institutions étatiques, vu leurs niveaux d'instruction ou leurs handicaes physiques. Et pour encourager cette démarche, l'Entraide nationale a opté pour l'utilisation des aides reçues des organismes internationaux comme un moyen efficace pour attirer plus de bénéficiaires des services de ces centres.

Vers la fin des années 90 et le commencement du troisième millénaire, les dirigeants de l’Entraide nationale ont pris conscience que la question sociale est multidimensionnelle et quelle ne peut être traiter que dans un cadre collectif avec un esprit de partenariat. Ce qui explique l’acharnement du directeur actuel de cet établissement d’impliquer différents acteurs et organismes- étatiques ou appartenant à la société civile- dans des projets sociaux à travers des conventions, des réunions et des aides octroyées à différentes associations actives dans le domaine social.

Le même entrain s’est emparé des délégués provinciaux, qui ont été incités par différents moyens à se mobiliser dans le même sens. Et c’est ainsi que des conventions signées s’empilaient, avec comme partenaires : des communes, des établissements publics, des acteurs économiques et des organismes de la société civile.

Le meilleur exemple édifiant de cette politique est le projet social “Najma” qui a été conçu avec des partenaires français et nationaux pour la lutte contre la pauvreté, à travers l’implication des différents acteurs socio-économiques, en plus de la population cible qui devient partie prenante de toutes les solutions à apporter.
La démarche scientifique de ce projet basée sur les études, la proximité et les réponses qui s’imprègnent de la spécificité locale, avec la responsabilisation de la population-cible, jette aux oubliettes les préjugés, les solutions standard et les démarches bureaucratiques.

Dans ces temps marqués par la prééminence du social et de l’entraide, pour remédier aux problèmes de l’inégalité, de la pauvreté et de la marginalisation, aucune mixture magique ne peut devenir salvatrice à un corps alité par le dysfonctionnement intérieur et une conjoncture extérieure ardue, sans la mobilisation générale du pays et sans que l’Etat ne prête plus d’attention et de moyens aux organismes-comme l’Entraide nationale- voués à lutter contre les affres de l’exclusion sociale.

L’ascension entamée par l’Entraide nationale, en restructurant et modernisant ses services, a besoin plus que jamais d’un statut et d’un cadre juridique plus adéquat, et une volonté ferme de régler les aberrances de la situation administrative et financière de ses employés, car, comme disait Jacques Limoge (un spécialiste canadien de la relation d’entraide) : “Quand il n’y a plus ce minimum de pour soi, l’entraidant cesse d’être actif”.
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