L'Hôpital Ar-razi de Salé (HAS) fait partie des dix établissements hospitaliers du CHU de Rabat-Salé. >Outre le fait qu'il assure le traitement et la prise en charge des malades mentaux, il joue un rôle primordial dans la formation médicale et dans la r
LE MATIN
17 Février 2003
À 18:39
Sa vocation- méconnue de la plupart- dans le domaine du traitement, de prévention et de lutte contre la toxicomanie en fait un centre pionnier au niveau du Maroc voire du Maghreb. Ces dernières années des efforts méritoires ont été consentis pour humaniser cette institution et améliorer la qualité des soins qui y sont dispensés. Beaucoup de gens ignorentque cet établissement dispense des soins à titre ambulatoire, (c'est à dire que le malade souffrant d'un problème psychiatrique vient se faire soigner et repart chez lui) ou qu'il dispense des cures de désintoxication pour les toxicomanes ou les alcooliques. Beaucoup en gardent toujours à l'esprit une conception aussi simpliste qu'erronée, celle de l'asile psychiatrique : un lieu d'exclusion et d'internement. Or, la réalité est tout autre. Le professeur Mehdi Paes, directeur de l'hôpital estime que nombres d'idées reçues n'ont pas lieu d'être : «notre hôpital se veut un lieu de soins, comme n'importe quel établissement hospitalier. L'hôpital psychiatrique ne doit plus constituer le pilier des soins psychiatriques, car la psychiatrie est basée de nos jours sur le traitement ambulatoire. Et c'est le choix qu'on a fait ici. Il s'agit de ne pas couper le malade de la cité ». Pour combattre ces préjugés, L'Hôpital Ar-razi a entrepris un certain nombre de réformes voire une refonte de quelques unes de ses structures, le but étant d'humaniser et de rendre plus agréables l'accueil et le séjour des malades. Mais c'est aussi pour répondre à des besoins nouveaux et à certains phénomènes qui ont fait leur apparition dans la société : alcoolisme, crise d'adolescence. C'est cet esprit qui a présidé à l'ouverture d'un service des urgences à part entière en 1999, d'un Centre National de prévention de recherches en Toxicomanie en 1992 et du Centre médico-psychologique de l'Agdal dès 1972. «Depuis la fin des années soixante, le Maroc s'est aligné sur les orientation internationales en matière de soins de santé mentale. Il n'y a pas de différence fondamentales en ce qui concerne la nature des soins. Bien sûr les conditions d'hébergement ne sont pas les mêmes, mais de grands efforts sont fournis dans ce sens pour rendre le séjour du malade agréable», explique le professeur Paes. La mise en place de ces trois structures illustre on ne peut mieux l'orientation et la nouvelle conception que l'on se fait dans cet hôpital de la prise en charge et du traitement des malades ayant besoin de soins psychiatriques ou d'un soutien psychologique. Ouvert en 1999, le service des urgences est venue mettre fin à un «dysfonctionnement grave et chronique» qui nuisait en premier lieu au patient et perturbait la tranquillité de son séjour hospitalier. Mais pour appréhender l'étendue de cette avancée, il est utile de rappeler qu'avant, le service des urgences et celui des hospitalisations n'étaient pas séparés. De ce fait les patients dont l'état nécessitait une intervention en urgence et ceux qui séjournaient dans l'hôpital occupent le même espace. Le placement de malades dans un état d'agitation extrême à côté de malades calmes portait préjudice à ces derniers et ne facilitait guère leur prise en charge. L'ouverture d'un service des urgences à part entière constitue à cet égard un réel progrès et un grand pas franchi dans le sens de l'humanisation des prestations fournies. Les cas urgents sont ainsi mieux pris en charge et la qualité de vie et de soin au niveau des autres services «s'est améliorée sensiblement». Par ailleurs et afin de pouvoir gérer le flux des cas urgents et être constamment en mesure d'accueillir les nouveaux cas, ce service essaie de moduler le flux des admissions. Car au bout de quelques jours, les malades qui ont été admis en urgence, doivent être soit transférés à d'autres services de l'hôpital, soit sortir ou être suivis en ambulatoire. Durant l'exercice 2001, les consultations en urgence ont dépassé 7054, soit une moyenne de 588 par mois. Quelque 71 % des hommes admis au service des urgences ont été transférés aux autres services contre 29 % qui sont sortis directement après avoir bénéficié d'une intervention psychiatrique rapide. Dans le même ordre d'idée, 64% des femmes admises en urgences ont été transférées aux autres services alors que 36% sont sorties directement après avoir bénéficié d'une prise en charge en urgence. Autre établissement représentatif de la vocation nouvelle de l'hôpital Ar-razi, le Centre National de Prévention et de Recherche en Toxicomanie. Première structure du genre au Maghreb, son ouverture était prévue dans le plan d'action de lutte contre la drogue élaboré et adopté par la commission d'administration du CHU de Rabat-Salé. Mais il n'est devenu opérationnel qu'en 2000. Les principales missions qui lui ont été assignées consistent à dispenser des soins résidentiels et ambulatoires de désintoxication, offrir un programme de post cure et de réhabilitation socioprofessionnelle et mettre en place un centre d'information et de documentation en toxicomanie. Le CNPRT accueille des toxicomanes surtout à la cocaïne et aux psychotropes selon des critères basés essentiellement sur le degré de motivation du malade. Une évaluation initiale vise à mesurer le degré de sévérité de l'abus de drogue ou l'existence d'une morbidité psychiatrique parallèle en se basant sur des normes internationales et grâce à des échelles standardisées. Le toxicomane est ensuite intégré soit dans un programme de désintoxication ambulatoire (le patient n'est pas hospitalisé), soit résidentiel. Le programme de désintoxication résidentiel dure entre 5 et 10 jours et exige un bilan toxicologique et biologique, un traitement médical de confort contre le sevrage en fonction du produit (drogue) en cause. Le résidentiel est, par la suite, orienté après une deuxième évaluation vers un programme de post cure où il bénéficie d'une thérapie occupationnelle (activité sportive, jardinage).
Indice de rotation
Durant l'exercice 2001, on a décompté 73 hospitalisations et quelque 1270 journées d'hospitalisation. Le taux d'occupation moyenne ne dépassait pas 35,6 %, ce qui veut dire que seul un lit sur trois était occupé. La durée moyenne de séjour avoisinait 20%, ce qui signifie qu'un malade reste en moyenne 20 jours. Mais cette durée tend à rétrécir du fait de la demande de plus en plus grande. Autre indicateur, l'indice de rotation. Il est de l'ordre de 32,7 %. En termes concrets cela veut dire qu'un lit reste inoccupé pendant 32 jours avant de recevoir un autre malade. Le Centre Médico-Psychologique de l'Agdal illustre également l'alignement de l'hôpital Ar-razi sur les orientations internationales en matière de psychiatrie. Ayant ouvert ses portes en 1992, ce centre était destiné au départ à prévenir et à soigner la dépendance toxicomaniaque chez les jeunes et son action entrait dans le cadre du programme national de lutte contre l'abus des drogues. Deux ans plus tard, changement de cap : la vocation du centre est appelée à changer et son champ d'action à s'élargir. S'étant rendu compte de la diversité de la demande et la multiplicité des souffrances et des malaises psychologiques qui marquent la période de l'adolescence, les responsables ont assigné de nouvelles missions au CMPA. «C'est un centre dont la vocation principale est d'aider les adolescents en difficultés psychologiques. L'objectif est de les accueillir ou d'accueillir les personnes qui ont un rapport avec eux et qui ont besoin de conseils ou d'orientation: parents, enseignants. C'est un centre de conseil, de consultation et d'animation et non d'hospitalisation», précise le professeur Paes L'expérience de l'accueil des adolescents du CMPA est pionnière au Maroc. De l'avis des responsables, cette expérience a été avant-gardiste et ces dernières années la demande se fait de plus en plus importante. Mais il faut dire qu'au départ cette demande était latente car elle ne pouvait pas s'exprimer dans les structures hospitalières ordinaires parce que inadéquates à l'écoute des adolescents en crise. De plus, les parents ont du mal à accepter que leur enfant soit en difficulté psychologique et réagissent souvent par le déni. Le trouble psychologique était vécu honteusement dans la société. Mais selon les responsables de L'HAS les choses sont en train d'évoluer. En dépit de la rareté des moyens, le centre a pu s'imposer en tant qu'établissement de soutien psychologique des adolescents, d'orientation et de conseil de leurs parents. Durant l'année 2001, le nombre des consultations a dépassé 1440. De même le centre a accueilli en 2001, 298 nouveaux consultants dont 139 de sexe féminin et 159 de sexe masculin. 64 d'entre eux ont moins de 15 ans, 109 ont de 16 à 20 ans, 65 ont de 21 à 25 ans, 13 ont 26 à 30 ans et 45 ont plus de 70 ans.