Fête du Trône 2006

La délégation de pouvoirs

De nos jours, tout le monde semble unanime pour reconnaître que la ressource la plus précieuse de toute organisation , qu'elle soit publique ou privée est la somme des personnes et des compétences qui la composent. Aussi, la délégation de pouvoirs demeure

31 Août 2003 À 19:23

La délégation est par définition, l'attribution d'un pouvoir par un responsable, généralement de haut niveau , à un collaborateur pour assumer une responsabilité, accomplir une mission, exécuter une tâche ou réaliser un projet relevant jusqu'alors de ce haut responsable. Cette attribution peut avoir plusieurs modes d'exécution, revêtir différents aspects et se rapporter à de multiples domaines d'activités.

Elle est avant tout un acte de confiance que le dirigeant accorde volontairement à son collaborateur. C'est dire l'importance que revêt la décision de déléguer son pouvoir à autrui sur le plan moral et matériel. Trahir la confiance du déléguant s'avère plus pénible à supporter, beaucoup plus que le risque matériel à encourir. Son exercice obéit à des règles précises d'ordre juridique, organisationnel et psychologique :
Sur le plan juridique, la délégation doit nécessairement se baser sur un fondement législatif ou juridique autorisant le déléguant de pouvoir user à tout moment de ce droit par décisions écrites selon la hiérarchie politique ou administrative qu'il occupe dans l'organisation. Cette délégation doit être impérativement et clairement spécifiée soit dans le contrat d'embauche, en tant qu'attributions techniques ou administratives, soit en vertu de notes de service ou mots d'ordres spécifiques limités ou non dans le temps et dans l'espace. A ce propos, il importe de distinguer entre la délégation de pouvoirs et la délégation de signature :
En matière de délégation de pouvoirs entre les autorités administratives concernées, l’ordre est modifié par transfert des compétences de l’une à l’autre.

Elle dessaisit l’autorité déléguante qui, ainsi, ne peut plus exercer sa compétence sur le domaine délégué aussi longtemps que dure la délégation. Enfin, la délégation de pouvoirs s’attache quant à son bénéficiaire et au titulaire d’un poste donné. Au contraire, la délégation de signature vise seulement à décharger le déléguant d’une partie de sa tâche matérielle en lui permettant de désigner une sorte de fondé de pouvoir qui prendra les décisions au nom du déléguant. Elle ne fait pas perdre à son auteur l’exercice de sa compétence. Elle est personnelle et tombe d’elle- même si un changement se produit soit dans la personne du déléguant soit dans celle du délégataire.

Au niveau organisationnel, la délégation ne peut convenablement s’exercer que dans la mesure où l’organisation dispose d’une structure adéquate qui prévoit une meilleure fluidité des actes quotidiens, sans pour autant se montrer pressante ni contraignante. Facteur vital pour l’organisation, cette structure doit être dynamique et souple, pour qu’elle s’adapte facilement à son environnement. Une bonne structure doit en effet permettre de créer des relations efficaces entre les membres de l’organisation, faisant en sorte qu’ils puissent travailler ensemble avec efficience et respect mutuel. D’où la nécessité d’adopter un organigramme prudemment conçu en vue d’obtenir une coordination optimale et d’atteindre le seuil d’efficacité souhaité, tout en prenant en considération les spécificités de l’organisation.

Sur le plan psychologique, la confiance mutuelle entre déléguant et délégataire est indispensable puisque ce dernier est censé avoir le libre-pouvoir de prendre des décisions importantes que le déléguant ne doit nullement remettre en cause, sauf en cas de problème majeur. Une totale confiance mutuelle doit donc régner entre ces deux acteurs de la délégation, au risque de faire échouer l’opération et engendrer des conflits à l’intérieur de l’organisation comme à l’extérieur. Les règles de la délégation exigent donc des deux acteurs de bien savoir en quoi elle consiste et de prendre conscience de son impact sur la gestion administrative de l’organisation. Sa finalité étant d’améliorer l’efficacité , la délégation doit obligatoirement obéir aux fonctions fondamentales du management : la planification, l’organisation, l’impulsion et le contrôle .

Paradoxalement, la délégation de pouvoirs est beaucoup plus présente dans le secteur public que dans le secteur privé. Est-ce à dire que les commis de l’Etat sont plus convaincus de la nécessité de déléguer que les dirigeants des organisations privées ? Il est certain que les organisations étatiques sont suffisamment structurées, selon une hiérarchie administrative presque sacrée, renforcée par une réglementation administrative basée elle -même sur des textes réglementaires rendant parfois la délégation de pouvoirs presque automatique voire applicable de droit.

Par contre, la pratique de la délégation de pouvoirs et d’attributions dans les organisations privées reste tributaire de la volonté du seul dirigeant, alors que ce processus demeure indéniablement l’une des clefs de la réussite de l’entreprise . C’est en effet, dans le secteur privé que la délégation se heurte le plus à des réticences. Ses antagonistes trouvent facilement une pléthore d’arguments pour se justifier car la délégation n’est pas un acte naturel : elle est processus relationnel qui doit être maîtrisé et suppose une formation adéquate aussi bien du déléguant que du délégataire. Cette réticence peut se manifester par la tendance de tout être humain à vouloir diriger lui-même, de sorte qu’il puisse s’assurer que le travail est fait. Il considère que le meilleur moyen de s’en assurer est de le faire soi-même…La délégation de pouvoirs présente plusieurs avantages :
Dans la mesure où elle est utilisée à bon escient dans le secteur public, la délégation peut efficacement contribuer au développement économique et social du pays. Liée étroitement à la décentralisation et à la déconcentration, elle peut en effet créer de multiples activités socioéconomiques à travers la réalisation des projets d’investissement, dans le cadre de la délégation des crédits déconcentrés.

Grâce aux compétences administratives et techniques dont disposent les services extérieurs des administrations centrales et les autorités locales, la délégation des crédits est la plus mobilisatrice des ressources humaines et financières, tant au niveau des autorités administratives qu’au niveau des élus. Cette forme de délégation permet la réalisation sûre et rapide des opérations d’investissement de tous genres à l’échelon provincial, régional ou local, sachant que l’investissement, tant clamé par les pouvoirs publics et réclamé par les acteurs économiques, demeure incontestablement l’élément moteur de développement économique et social.
Au niveau du secteur privé, la délégation de pouvoirs est un outil par excellence de management moderne qui permet au dirigeant, non seulement de gagner du temps pour s’occuper d’autres questions importantes ou prioritaires par rapports aux tâches et responsabilités déléguées, mais aussi d’élargir les responsabilités de ses collaborateurs, tout en développant leur motivation à l’adhésion aux objectifs de l’entreprise. C’est aussi le meilleur moyen pour réduire le stress quant à sa capacité à assumer à lui seul toutes les responsabilités car, quel que soit le plaisir qu’il peut retirer de son travail, et quelle que soit l’étendue de son savoir-faire, il lui faudra tôt ou tard déléguer certaines de ses responsabilités, sous peine de perdre ce qu’il a de plus précieux dans la vie : la santé.

Par M’hamed Drissi
(directeur de l’administration des œuvres sociales)
Copyright Groupe le Matin © 2025