La rentrée scolaire se prépare : le tablier fait-il la différence ?
Le tablier, tenue scolaire adoptée par l’enseignement public et privé, ne remplit pas sa mission comme il se doit. Il ne parvient pas à cacher les disparités sociales qui se reflètent souvent dans l’habillement. Peut-être faudra-t-il songer à
LE MATIN
25 Août 2003
À 17:54
Nous ne sommes pas encore en septembre, et les préparatifs de la rentrée scolaire vont déjà bon train. Ce sont les commerces de l’habillement qui donnent le ton. Les familles opèrent par priorité, et comme la plupart d’entre elles ne disposent pas encore des longues listes de fournitures scolaires, on prépare déjà la «garde-robe».
Les bambins l’exigent et finissent toujours par obtenir gain de cause : il n’est pas question de revoir ses copains avec les fringues de l’année précédente. Aborder une nouvelle année est synonyme de nouvelles fringues, de nouveaux cartables, de nouveaux copains… et un nouvel avenir qui se profile à l’horizon.
Certains pays optent pour l’uniforme scolaire pour diverses raisons. D’abord par ce qu’il dispense de précieux enseignements aux enfants, dont le sens de l’humilité et ensuite parce que cela permet de maintenir un certain équilibre et d’atténuer les disparités sociales. Les structures publiques d’enseignements nationales recourent au tablier dont la « mission » est de faire tomber les barrières sociales.
Le but est-il atteint ? Peu sûr. Latifa H, enseignante de mathématiques dans une école primaire publique pense que non : «Nous aurions tellement aimé voir les enfants dans des uniformes plutôt que dans des tabliers, car ceux-ci ne parviennent jamais à atteindre l’objectif escompté. C’est-à-dire permettre aux enfants de camoufler leurs vêtements, -peu importe chers ou pas-, afin qu’ils ne restent préoccupés que par leurs obligations et leurs résultats scolaires. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, car il existe bel et bien des tabliers haut de gamme et d’autres pas coûteux du tout. Là aussi la différence se remarque.»
Des voix s’élèvent pour souligner que ce genre de polémique est secondaire, dédaignant le paraître au détriment du contenu. C’est la qualité du cursus scolaire, le niveau des enseignants, la capacité de l’enseignement à s’adapter aux changements conjoncturels qui montrent la vraie valeur de l‘enseignement et non pas l’aspect vestimentaire. Une mère de famille réplique à cette approche, et évoque ses péripéties avec ses enfants concernant le port du tablier. « Quotidiennement, je me livre à une bataille sans merci avec mes enfants. D’abord, ils insistent pour ne pas porter n’importe quel genre de tablier.
Ils commencent par le choisir eux-mêmes. Une fois cette étape dépassée, ce sont les tracasseries des vêtements qui viennent bouleverser nos bourses fragiles. Il n’est pas question pour eux de laisser entrevoir, même à travers le tablier, des vêtements qu’ils n’ont pas choisis.»
En effet, on ne peut nier le fait que socialement, nous accordons une attention particulière à ce que l’on porte, engendrée par une espèce de pression à l’encouragement pour une consommation parfois aveugle et inutile. Seulement, ce sont les enfants qui ne parviennent pas à se maîtriser face à cette ardeur, et les parents sont, cependant, contraints de payer les factures. Slimane, élève en première année de l’enseignement secondaire, raconte ses impressions face à cette concurrence redoutable à laquelle se livrent les enfants dans le milieu scolaire :
«Des fois, je me rends compte que je dépasse le seuil de tolérance, imposant à mes parents un rythme qui ruine leur budget. Mais que puis-je faire alors que mes copains viennent à l’école avec les fringues les plus en vogue ? En dessous de leur petit tablier, ils portent des espadrilles à la dernière mode, des tenues de sports ou des jeans. Je ne peux pas me permettre de rester à la traîne, je dois leur montrer que moi aussi je suis branché.»
Des sentiments de frustration et des manœuvres incommodes à vouloir plaire à tout prix accompagnent le processus d’instruction des enfants, censés se poser des questions uniquement concernant leur vie estudiantine. Le tablier qu’il soit rose, blanc ou bleu ne remplit pas la mission qui lui incombe. Il est important de mettre en place des cellules de réflexions pour valoriser l’uniforme dans le milieu scolaire au Maroc. L’enseignement de la solidarité, de l’équité commence par un geste, par un symbole, et pourquoi pas par une simple étoffe.
Selon les expériences des pays arabes et occidentaux, l’uniforme assure une organisation sociale certaine. Ses répercussions seront positives à la fois pour les établissements scolaires (moins de concurrence vestimentaire et plus d’efficacité scolaire), et pour les parents qui souffriront moins des dépenses inutiles. Sans oublier les enfants qui, tous habillés de la même tenue, baigneront dans un bien-être absolu.