La wilaya dans le mariage selon les interprétations du Fiqh : le projet de Code de la famille accorde à la femme tous ses droits
La wilaya dans le mariage a été traitée exhaustivement dans les ouvrages d'exégèse et du fiqh, sur la base des interprétations qui divergent selon les écoles, étant donné qu'il n'existe pas de texte catégorique dans ce domaine.
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MAP
28 Octobre 2003
À 15:09
L'érudit Ibn Rochd qui appartient à l'école malékite a longtemps exposé l'argumentation des uns et des autres, en relevant que l'Imam Malik et l'Imam Chafeî ont considéré l'accord du wali ou de celui qui en tient lieu, comme une condition de validité de l'acte de mariage, bien que l'on attribue à un autre alem malékite, Ibn Al Qacem, que le wali n'est pas obligatoire mais relève du simple respect de la Sunna.
C'est l'avis aussi de l'lmam Abou Hanifa et de plusieurs autres érudits qui ont tous établi qu'en l'absence d'une prescription claire dans le Livre Saint ou la Sunna, la femme n'est pas obligée de présenter un wali et qu'elle peut disposer librement de sa personne pour la conclusion du mariage, sans distinction entre la jeune fille et la divorcée.
En l'absence d'un texte précis, les ouléma ont fait preuve d'ijtihad, les uns et les autres, selon qu'ils conditionnent l'acte de mariage à la présence ou non du wali, ont recouru à l'interprétation de versets du Saint Coran ou de hadiths pour corroborer leur avis autorisé.
L'érudit Ibn Rochd cite le verset suivant: «Ne les empêchez pas de se (re)marier avec leurs (nouveaux) époux, s'ils se sont mis d'accord conformément à l'usage» (Coran), pour soutenir que la femme n'a pas besoin de l'autorisation du wali pour contracter mariage, alors que les ouléma d'avis opposé font remarquer que le verset concerne la femme divorcée, dont le désir de se remarier ne doit pas être contrarié par le premier époux qui rechigne à consommer la séparation.
Pour d'autres comme Ibn Hajar Al Askalani, la présence du wali est une «condition de perfection» et non «une condition de validité». Il considère aussi qu'il est défendu au wali de marier la fille mineure, jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de la majorité et qu'elle puisse donner son consentement, répondant à ceux qui invoquent le mariage du Prophète Sidna Mohammed, prière et paix soient sur Lui, avec Oum Al Mouminine Aîcha, qu'il s'agit là de l'une des particularités inhérentes à sa qualité de Prophète et qui ne peut être retenue comme règle générale.
Un autre auteur, Chams Al Haq cite un fait rapporté par Ibn Abbas, selon lequel une femme s'est plainte au Prophète d'avoir été mariée par son tuteur contre son gré. Elle s'est vu confirmer dans son droit de disposer librement de sa personne.
En s'y basant, il conclut que la contrainte en la matière est prohibée de façon catégorique et qu'il n'y a pas lieu d'invoquer l'autorisation du wali, puisque le Prophète a reconnu à cette femme la liberté de disposer de son destin, sans différencier entre le fait si elle se marie pour la première fois ou si elle est divorcée. Selon Ibn Qodama Al Hanbali, la fille vierge (bikr) qui atteint l'âge de la majorité ne peut être mariée sans son consentement et son choix, établissant ainsi un parallèle entre sa responsabilité en matière financière et de mariage.
Ali Ben Souleiman Al Merdaoui rapporte de son côté qu'un groupe d'ouléma hanbalites ont autorisé la femme à contracter, elle-même, mariage, ce qui va à contre-courant de l'avis communément admis par ce rite, qui fait du wali l'une des conditions de la légalité du mariage.
Dans le commentaire d'Al Bajirmi, il est indiqué que dans le le Fiqh chafiîte, la présence du wali n'est qu'une condition destinée à consolider les intérêts de la femme, et son absence ne donne lieu à aucune mesure pénalisante pour les contractants.
Pour Cheikh Abdallah Al Ansari, adepte du même rite, le wali, même s'il est le père, doit recueillir le consentement de la vierge et ne peut en aucun cas user de contrainte à son égard. Le Fiqh des chiites, pourtant le plus exigeant dans le domaine de la wilaya, dans son acception large, écarte la contrainte de la femme, même mineure, en matière de mariage. Mohamed Yahia El Bakkouch, dans son livre «Fiqh Al Imam Zaïd», ne permet pas le mariage des mineures. Mohamed Jawad Maghniya, dans son livre sur le Fiqh de l'Imam Jaâfar As Sadeq (Imam chiîte), rapporte des divergences au sujet du mariage, selon trois avis différents. L'un conditionne la validité du mariage à la présence du wali, le deuxième attribue le pouvoir de décision autant à la femme majeure qu'à son tuteur et le troisième confère à la femme majeure l'entière capacité de disposer d'elle-même.
Abderrahmane Al Jaziri a résumé la position des quatre grandes écoles du Fiqh. Chez les malékites, les hanbalites et les chafiîtes, explique-t-il, la femme ne peut prendre l'initiative exclusive de disposer de son destin en matière de mariage et le wali ne peut non plus imposer le mariage à la femme sous sa tutelle, jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge requis et qu'elle puisse donner son consentement. Les hanafites, eux, exigent la présence du wali pour la fille en bas âge, et pour celle souffrant de démence, quel que soit son âge, alors que la femme majeure, vierge ou non, peut contracter mariage de son propre chef. Il apparait de ce qui précède que les conditions de la présence du wali relèvent d'interprétations ne reposant sur aucune indication claire et expresse du Livre Saint ou de la Sounna.
En prenant aussi en considération le statut des femmes en tant que partenaires des hommes et les conditions prévalant dans les sociétés contemporaines, il s'avère que les finalités de la Chariâ commandent d'accorder à la femme tous les droits qui n'entrent pas en conflit avec un texte explicite du Livre Saint et la tradition du Prophète.