Le mot moussem a le pouvoir de faire naître dans nos mémoires des images de chevauchées et d’agapes sous la tente, de danses folkloriques et de foules multicolores. Grand rassemblement qui se tient à une époque fixe pour commémorer les vertus d̵
11 Mai 2003
À 21:30
Le moussem comble aussi les aspirations de ceux qui viennent rompre la monotonie des jours et leur procure un moment de détente après avoir durement œuvré pendant presque une année, leur permettant d’une part des rencontres avec des notables d’autres tribus avoisinantes ou éloignées du lieu du culte du moussem et d’autre part, des échanges d’idées culturelles, économiques et sociales. Chaque moussem a son originalité, son charme et ses caractéristiques socio-économiques, ce qui montre l’importance du culte du saint et une fois par an une manifestation religieuse est organisée à sa mémoire. Le moussem de Moulay Bouazza est parmi les plus grands moussems du Royaume. Il se tient annuellement durant la période allant de la fin du mois de mars à la mi-juin au centre de la localité portant le même nom et se trouvant à 80 kms du chef-lieu de la province de Khénifra. De son vrai nom Abou Yaaza, ce saint vénéré qui possédait une foi ferme et impressionnante n’a pour connaissances intellectuelles que le minimum que tout musulman croyant doit avoir. D’après les écrits sur la sainteté au Maroc, Abou Yaaza est originaire de la tribu de Haskoura dans la région de Ouarzazate, ayant vécu au XIIe siècle, du temps d’Ibn Rochd et d’Ibn Tofeil. Abou Yaaza a joué les premiers rôles quant à la protection de la nature et des animaux domestiques et sauvages, il se soucie de leur nourriture et de leur santé, son sanctuaire actuel était sa maison et il y fut enterré. Il comprend une mosquée dont l’édification remonte au temps du règne du Sultan Moulay Rachid et dont la coupole fut construite sur ordre du Sultan Moulay Ismaïl. Tout en blanc, le sanctuaire est situé sur une grande et large falaise panoramique dominant le village tout entier qui porte son nom et dont la «kouba» blanche bordée d’ocre, minutieusement soignée et bien entretenue. L’entrée du sanctuaire, siège du culte, est précédée de petites marches d’escaliers en dur faisant accéder à une plate-forme maçonnée correctement à l’aide de pierres spécialement façonnées à cet effet. Dès la dernière semaine du mois de mars, des commerçants de différents produits alimentaires et de bonneterie commencent à installer leurs marchandises sous des tentes à travers les grandes places et ruelles du village. Des articles artisanaux fabriqués traditionnellement par des artisans locaux sont également exposés pour d’éventuelles acquisitions par les visiteurs à titre de souvenirs (Barok) du moussem et qui se conservent la plupart du temps par leurs acquéreurs comme «porte bonheur» ou protégeant du «mauvais œil». Pour accomplir leurs dévotions annuelles, plusieurs groupes de pèlerins représentant des tribus des régions de la Chaouia, des Doukkala, des Smaala et du Souss commencent à affluer sur la localité de Moulay Bouazza. La tradition du moussem veut qu’une journée ou deux soient réservées au groupe représentant une ou deux tribus d’une région déterminée. Après s’être installée soit sous tente, soit en louant des maisons réservées à cet effet, la tribu visiteuse forme aussitôt un grand cortège précédé de confréries religieuses issues de la même tribu, emprunte la principale artère du village sous les vibrations rapides des fanfares, de trompettes et de tambourins avant de regagner le sanctuaire où ils sont accueillis par un «mokadem» du sanctuaire entouré des chorfas bouazzaouinnes. Le groupe procède par la suite à l’immolation d’un taureau offert pour la circonstance au sanctuaire par la tribu visiteuse en plus des sommes d’argent que les notables de la même tribu versent dans un coffre réservé à cet effet et fermé par des cadenas qui ne s’ouvrent qu’à l’approche de l’ouverture du moussem, en signe d’aide pour l’entretien du sanctuaire et pour subvenir aux besoins des familles nécessiteuses. Après avoir pris un thé offert par le «mokadem» du sanctuaire et quelques amandes, les membres de la tribu clôturent leur visite dite «Zyara» par la lecture de versets du Coran et des Hadiths du Prophète. La partie religieuse de la fête est achevée ; le reste de la journée se passe en réjouissances à travers le village en faisant le tour des «halka» tenues par des conteurs de récits légendaires, des démonstrations des confréries Hmadcha, AïSsaoua, Darkaoua e Gnaoua dont les traditions sont pieusement conservées à travers les générations ou tout simplement assister à des danses folkloriques de la région.