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«Les Adieux à la reine» de Chantal Thomas peint Marie-Antoinette et son double

Les Adieux à la reine est un roman d'histoire qui expose le sort de Marie-Antoinette durant les premiers jours de la révolution. Chantal Thomas a focalisé sur trois jours qui suivent la prise de la Bastille. Elle souligne des sentiments de peur et d'appré

02 Janvier 2003 À 17:29

Née en 1945, Chantal Thomas est philosophe de formation et spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle. Elle a publié de nombreux essais notamment sur Sade, Casanova, Don Juan et Marie-Antoinette et un recueil de nouvelles. Son roman, « les Adieux à la reine » a été le choix 2002 du jury Femina. Les deux autres auteurs primés avaient été Keith Ridgway, prix du roman étranger pour « Mauvaise pente », et Elvire Brissac, prix de l'essai pour « O dix-neuvième ».
Dans « les adieux à la reine », Chantal Thomas a choisi de présenter un point de vue d'une femme : Mme Laborde, ancienne lectrice de la reine Marie-Antoinette. La scène se déroule au XVIIIe siècle, en 1789 au château de Versailles. C'est un témoignage d'une rescapée de la révolution. Elle se souvient de ses derniers jours passés à la cour, les 14, 15 et 16 juillet 1789. Cette femme était le témoin de tous les événements burlesques ou tragiques qui avaient fait la trame de ces jours décisifs. C'est un regard personnel d'une femme qui avait eu un univers très resserré et qui ne connaissait que peu de gens malgré sa proximité de la reine. Sa position ne lui permettait que d'observer sans faire partie du cercle autorisé. Elle errait, en toute liberté, dans château et découvrit, ainsi, des secrets. L'auteur a choisi Marie-Antoinette comme personnage central. Elle la présente comme une personne mystérieuse, loin de toutes les rumeurs qui circulaient autour d'elle, loin de la saga de l'imaginaire. La narratrice avait pour la reine une dévotion illimitée, presque aveugle. Elle la présente telle qu'elle était. Il y avait deux personnes en elle : la reine frivole et dépensière et la reine courageuse qui faisait front aux obstacles et qui avait tout perdu même ses enfants. On détestait la première et l'on ignorait l'existence de la seconde. L'auteur veut, justement, démontrer que ce que l'on connaît sur Marie-Antoinette est assez confus voire extravagant. La reine était certes dépensière et n'achetait que des futilités, mais les finances de l'Etat ont été fort endommagées, en premier lieu, par la guerre d'indépendance américaine. Marie-Antoinette était un être exceptionnel, un vrai phénomène de vie. L'auteur veut souligner une notion très pertinente : quand est ce qu'on devient ce qu'on est réellement ? Cette interrogation hantait, sans cesse, la narratrice. Selon elle, la reine au moment où elle avait tout perdu, elle était devenue vraiment une reine.
On décèle son comportement et sa personnalité à travers les évènements décisifs qui s'étaient déroulés en trois jours seulement. La nouvelle de la prise de la Bastille provoqua des désarrois. « La nouvelle se répandit dès l'aube, fracassante, et qui me laissa abasourdie : le roi avait été réveillé en pleine nuit. Comment était-ce possible ? Le roi était inaccessible la nuit. Les grilles étaient fermées et les entrées et les principaux escaliers surveillés. ». Le cérémonial du château changea. Les domestiques ne répondaient plus aux ordres. La peur tiraillait les courtisans. Marie-Antoinette se trouvait indécise, bouleversée. L'inquiétude la torturait. Que va-t-elle faire ? Partir ? Rester ? Elle demanda à ses dames de compagnie de rassembler ses bijoux et de préparer les malles. « La reine s'était fait apporter ce qu'elle appelait sa table de voyage. C'était une table en marquetrie, très délicate, et dont le dessus, mobile, s'ouvrait à deux battants. Elle était creusée d'un tiroir profond qui contenait sa cassette à bijoux. Pas tous ses bijoux, mais ceux qu'elle portait régulièrement… ». Ce sont des scènes particulières que conte Mme Laborde. Elle présente le vacillement du château de Versailles avec un regard méticuleux, attentif au moindre détail. Le style simple et fluide captive le lecteur.
L'auteur insiste, aussi, sur des images éloquentes du peuple. Elle focalise sur des pauvres, des mendiants dans la ville et des revendeurs qui font vivre l'économie souterraine de Versailles. C'est la marginalisation de ces personnes et leur misère qui ont coûté au couple royal leur majestueuse vie. Leur univers plein de cruauté ne pouvait qu'échoir.
« Les Adieux à la reine » est un roman de l'histoire par excellence. Chantal Thomas a su avec brio reconstituer l'histoire d'une période qui a marqué profondément la France. Des détails et des évènements sont racontés avec finesse et minutie.
Les adieux à la reine», Editions Le Seuil, pages 253
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