Deux Marocains, en l’occurrence Mohamed Bechari, président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) et Fouad Alaoui, secrétaire général de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) ont été désignés à la vice-présid
LE MATIN
14 Avril 2003
À 21:04
Ce «dosage subtil», aux yeux de nombre d’observateurs, était indiqué par le souci «d’assurer l’équilibre» au sein du CFCM. «Aucune mouvance de l’Islam ne doit être écrasée par une autre». Cette exigence était, d’ailleurs, préalablement soulignée par le ministre français de l’Intérieur, grand artisan du projet. Au-delà des conditions qui ont entouré son élaboration ou des tractations serrées qui ont précédé la désignation des membres cooptés au conseil d’administration, les responsables des associations et autres organisations religieuses représentées au CFCM sont unanimes à souligner le bien-fondé de l’initiative du gouvernement français d’organiser le culte musulman. «La communauté musulmane en France est traversée par une multitude de nationalités et de courants différents. Que faire pour préserver les intérêts de tous ? Faut-il une organisation ethnique des musulmans, ou une organisation religieuse ? Ces questions ont été posées et tranchées. Au Conseil français du culte musulman c’est la référence religieuse qui est adoptée. Ce référentiel est nécessaire aux musulmans vivant dans un pays laïque qu’est la France». Les propos sont de Mohamed Bechari. Le président de la FNMF, qui s’exprimait sur nos colonnes le 1er avril 2001, souligne l’intérêt pour les 5 millions de musulmans qui vivent en France d’avoir un interlocuteur capable, par ailleurs, d’exprimer leurs préoccupations. «Ce conseil constituera une sorte d’avocat d’une religion aujourd’hui encore mal connue et dont l’image est tellement déformées par les événements extérieurs», disait avec éloquence M. Bechari. «Le train est mis en marche. Le CFCM est une nouvelle structure avec laquelle il faudra désormais compter en France», affirmait, pour sa part, Dalil Boubakeur, le recteur de la mosquée de Paris qui s’est vu confier le poste de président du Conseil. A l’instar donc des autres religions, l’Islam a désormais sa représentation officielle en France. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a fini d’élire ses structures dimanche aux termes d’une consultation en deux temps. Pour des raisons pratiques, une partie de l’élection s’était déroulée dimanche 6 avril pour se terminer le dimanche suivant. 4042 électeurs, désignés par les lieux de culte (au prorata de la superficie des mosquées) ont été concernés par le scrutin. Ils étaient appelés à élire le conseil d’administration et le bureau des 25 Conseils régionaux (CRCM) mais aussi 157 membres de l’instance nationale. Ce qui est aujourd’hui chose faite. Les résultats définitifs ont été communiqués hier au ministère de l’Intérieur. La mission du CFCM, telle que définie par les statuts, sera de représenter le culte musulman auprès des pouvoirs publics. Dans ce cadre, il devra élaborer des propositions pour toutes les questions concrètes relevant du culte : carrés musulmans dans les cimetières, organisation des fêtes musulmanes, formation et statut des imams, statut des aumôniers. Les Conseils régionaux seront les interlocuteurs locaux pour faire avancer ces dossiers. Ils devront aussi gérer au plus près celui de la construction de mosquées. Le feuilleton de la mosquée d’Ivry, qui avait opposé en 1996 les membres de communautés qui se disputaient la gestion de ce lieu du culte, est là pour souligner la pertinence d’une telle entreprise. Derrière cette gestion des lieux de prière se cache un enjeu économique, celui de l’organisation de l’abattage rituel des animaux de boucherie (viande hallal). La création du CFCM est venue certes répondre à un besoin réel de l’organisation du culte musulman et notamment d’arbitrage entre les trois principales fédérations qui se disputaient la légitimité de la conduite de l’islam de France : l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la Fédération nationale des musulmans de France, et la Mosquée de Paris. Mais le débat reste ouvert sur les prérogatives précises de cette instance. Le CFCM se limitera-t-il à s’occuper du culte, c’est-à-dire des mosquées, des fêtes religieuses, du pèlerinage ? Aura-t-il vocation à se prononcer sur des sujets de société ? Ce Conseil fera-t-il émerger un islam de France loin des dérives fondamentalistes ou communautaristes ? Ces questions de fond sont soulevées. Les promoteurs de ce projet ont tenu à faire représenter les membres de la société civile au sein du CFCM et notamment des femmes. Le débat n’en est pas pour autant clos.