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Première Pâques à Mossoul : les Chrétiens prient pour les victimes de la guerre

Pour leur première Pâques post-Saddam, les chrétiens de Mossoul ont célébré en demi-teinte la «libération» de l’Irak, disant leur crainte d’être assimilés aux Américains et de faire l’objet de représailles dans cette ville où l’hos

20 Avril 2003 À 21:14

Couvent des soeurs dominicaines, messe de dimanche midi: le père Philippe Khoshaba évoque le chemin des disciples d’Emmaus, prie pour les soldats irakiens tombés à la guerre et pour toutes les victimes des bombardements.
Son message aux fidèles est un message de paix et de construction d’un monde nouveau, ensemble, malgré les différences.
Mais, concède-t-il, «aujourd’hui, la grande peur, c’est d’être assimilés aux Américains. Il n’y a aucune autorité, pas de dialogue avec les musulmans. La seule chose qui existe, ce sont les rapports quotidiens de voisinage, mais les esprits restent chargés».
La région de Mossoul compte 300.000 chrétiens, sur un total d’environ 600.000 en Irak. Depuis la chute de cette ville traditionnellement loyale à Saddam Hussein, la population ne cache pas son hostilité aux Américains, exacerbée depuis que, la semaine dernière, des Marines visés ont tiré contre la foule.
A la sortie de la messe, les fidèles se disent contents d’être «libérés» du régime autoritaire de Saddam Hussein, mais ils rappellent vite que le raïs les protégeaient contre les extrémistes islamistes.
«Saddam Hussein aimait les chrétiens. Maintenant, les gens -les ignorants- pourraient faire la confusion entre chrétiens et Américains et nous attaquer», dit Jawdat Barsoom, retraité de 65 ans.
Pendant la guerre, rappelle le père supérieur des dominicains en Irak, Nageeb Mekhaïl, «les imams des mosquées de Mossoul nous appelaient les “gens de Bush”».
Les chrétiens de la région de Mossoul avaient une relation ambiguë avec Saddam Hussein qui a contribué à créer les tensions entre musulmans et chrétiens.
«Au milieu des années 70, le parti Baas, laïque, a voulu mélanger les races, les religions. Il a mené une politique à long terme d’arabisation des villages chrétiens, faisant construire des mosquées là où il n’y avait pas de musulmans, nationalisant des dizaines d’écoles privées. Cela a créé des troubles entre les deux communautés. Ici, les chrétiens vivent à l’européenne, ce qui n’est pas accepté» par le reste de la société, dit le père Khoshaba.
«Après la guerre du Golfe en 1991, quand Saddam Hussein a perdu le soutien des Occidentaux, il a encouragé le mouvement islamiste pour avoir une bonne assise en Irak», poursuit le prêtre.«Il a donné plus de liberté aux musulmans qui ont exprimé leur agressivité contre les chrétiens. 80% de la population étaient au chômage, les gens se sont tournés vers la religion, les chrétiens sont devenus des bouc-émissaires», souligne-t-il.
C’est cependant Saddam Hussein qui a promulgué une loi punissant les actes antichrétiens en 1995.
«Les wahhabites voulaient convertir les chrétiens. Dans la région de Mossoul, des églises ont été attaquées, à Bagdad, une sœur égorgée. Saddam Hussein est intervenu pour nous protéger», souligne le père Mekhaïl.
Mais si Saddam Hussein a toujours protégé les chrétiens, c’est pour pouvoir s’appuyer sur cette minorité dont il n’avait pas peur.
«Il nous faisait confiance parce que nous sommes pacifiques et que nous n’avons jamais représenté un danger pour aucun gouvernement», assure Anwar Farag, professeur de 54 ans. Tarek Aziz, un chrétien, était jusqu’à la fin du régime vice-Premier ministre de Saddam Hussein.
Au sortir de la messe, une religieuse s’interroge sous couvert de l’anonymat sur l’avenir de sa communauté: «il n’y a pas d’autorité, nous ne savons rien. D’autres espèrent que les Américains ne sèmeront pas la zizanie entre chrétiens et musulmans, comme les Britanniques l’avaient fait dans les années 30».
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