Saveur des aliments : la route des épices
La Reine de Saba, Sindbad le marin, les Califes de Baghdad, Marco Polo… autant de figures légendaires évoquant les mystères de l’Orient, mais aussi les épices.
Tandis que les Arabes sillonnent l’océan Indien, le Portugais Vasco de Gama découvre, au XVIe siècle, la route maritime des Indes, la fameuse route des épices. S’engage alors une farouche compétition, où disparaissent tour à tour les monopoles de Gènes, de Venise, du Portugal et finalement des Pays-Bas. C’est à un aventurier français, Pierre Poivre, au nom prédestiné, que revient le mérite d’avoir cassé le monopole hollandais ouvrant le marché des épices au commerce international.
L’été est enfin arrivé, le barbecue est installé depuis quelques semaines déjà, et se mélangent ici et là toutes sortes d’odeurs exquises, telles la coriandre, le cumin, le clou de girofle, le safran, le gingembre, le curcuma, l’anis, etc.
En période estivale, on a souvent l’impression que notre assiette est plus colorée, que nos salades sont plus goûteuses, que la vie est tellement plus agréable … Cet engouement et cette hâte de voir les chauds rayons du soleil arriver se reflètent plus souvent qu’autrement dans notre bonne humeur , voire même dans notre assiette.
Il y a longtemps que les épices existent et agrémentent nos talents culinaires. Cependant, le but ultime de trouver la route des épices, principalement le sel et le poivre, était destiné à la préservation des aliments vers la fin du Moyen-Age et davantage au début de la Renaissance (grandes explorations). Il n’existait à l’époque aucun agent de conservation; la moiteur et l’insalubrité du Moyen-Age avaient pour résultat, entre autres, la pourriture rapide des aliments, principalement la viande.
C’est Marco Polo qui, âgé de 17 ans en 1271, fut le premier à parcourir la Chine et les Indes et ainsi ramener toutes sortes de victuailles, dont des pâtes alimentaires, du sel et du poivre. A cette époque de la fin du Moyen-Age, on vivait dans une période sombre et les invasions barbares récentes avaient laissé les gens brimés, aigris et las. C’était la vie à la terre, on retrouvait un taux de mortalité très élevé (peste, scorbut) et aucun vent de fraîcheur ne semblait exister.
La morosité du Moyen-Age a donc fait renaître le goût de la création et de l’intelligence. L’époque de la Renaissance signifie donc «naître à nouveau», période qui a duré de 1453 à 1700. C’est le départ en mer de Christophe Colomb en 1492, par le Traité d’Espagne de Tordesillas, qui marqua un point important dans l’histoire du tourisme, ainsi que dans l’histoire des grandes découvertes. Colomb partit donc avec le «Livre des merveilles» de Marco Polo, premier récit de voyage écrit dans l’histoire de l’humanité.
On cherchait la route des Indes pour trouver trois denrées très rares: l’or, les épices et les tissus fins. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui la plupart des épices que l’on retrouve dans notre assiette viennent de cette route «indo-asiatique», un départ nécessaire pour trouver ces denrées rares.
Peu à peu, de nombreux explorateurs suivirent les premiers balbutiements de Colomb. Les globes terrestres et les cartes géographiques étant mal conçus à l’époque; le globe terrestre reliait l’Europe à l’Inde et on croyait que la terre était en forme de disque plat, on s’éparpilla donc un peu partout et c’est ainsi que l’on fit une découverte extraordinaire, tout comme les différentes épices trouvées et les différentes nations rencontrées: la terre est dorénavant ronde!
Que ce soient les Hollandais, les Portugais, les Espagnols, les Français ou les Anglais, chaque peuple qui partait explorer le monde découvrait et rapportait chez lui différentes saveurs qui leur donnèrent envie de savourer le goût du monde. Les Anglais apprécièrent le thé, les Français la canne à sucre, les Espagnols le clou de girofle.
Le sel et le poivre furent les premières denrées les plus précieuses à rapporter et vendues aussi chèrement que l’or, de manière à préserver les aliments à la température de la pièce, le principe de congélation n’existant pas encore à cette époque.
Aujourd’hui, l’île où regorge le plus d’épices, de par son histoire, est Grenade, située dans les Antilles et surnommée d’ailleurs «l’île aux épices». Un peu comme la Martinique et la Guadeloupe, cette île possède un sol très fertile en végétation, due à son origine volcanique. Grenade est donc l’île où l’on retrouve le plus d’épices au monde: clou de girofle, gingembre, curcuma, citronnelle, muscade, etc.
Enfin, les nombreuses tentatives en mer des explorateurs, au fil des ans, diversifièrent et augmentèrent les sortes d’épices, si bien qu’aujourd’hui, nous en possédons un large éventail dans nos assiettes.
Mais, au-delà de l’histoire et des légendes qui entourent les épices, Jean-Marie Pelt va dans un ouvrage sur la question qu’il a fait paraître récemment aux éditions Fayard, diagnostiquer leurs caractéristiques botaniques, pharmacologiques et, naturellement, culinaires. Ainsi, apprendra-t-on qu’il n’y a pas moins de six variétés de poivre, que la vanille n’est pas une gousse et toutes les façons d’utiliser nos herbes de Provence.
Bien inspiré, le fin cordon bleu qui saura harmoniser les épices et créer entre elles de subtiles synergies de nature à emballer notre palais, voire à l’embraser. Art dans lequel excelle le restaurateur qui va nous livrer, en prime, une vingtaine de ses recettes, délicatement épicées... Jean-Marie Pelt est professeur émérite de biologie végétale à l’Université de Metz, et président de l’Institut européen d’écologie. Il a notamment publié chez le même éditeur : «Drogues et plantes magiques», «Les langages secrets de la nature», «Le tour du monde d’un écologiste», «Des légumes», «Des fruits», «Le jardin de l’âme», «La Cannelle et le panda», «La terre en héritage» et «Les nouveaux remèdes naturels».