L'humain au centre de l'action future

Spectacle : «sous la voûte céleste»

Des extraits de L'Ancien Testament s'élevant dans un cabinet de savants du XVIIIe, le décalage surprend. Mais une belle mise en scène et une diction impeccable adoucissent l'aridité du texte.
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01 Février 2003 À 19:00

Une grande roue tourne en fond de scène, projetant sur le mur l'ombre du temps qui passe. Devant elle, trois chercheurs en habits du XVIIIème, emperruqués et bottinés, retournent des récipients en verre. Gestes harmonieux d'une mystérieuse alchimie. Une découverte scientifique ? Un discours philosophique ? Non pas. C'est le texte de l'Ancien Testament qui s'élève. «Le premier jour, Iahvé créa la lumière, le deuxième jour, la voûte céleste...» Sur scène, la voûte est sombre mais la lumière chaleureusement dorée. On se croirait dans un tableau aux couleurs chatoyantes. Les chercheurs ne sont pas des savants fous mais des penseurs en activité.
Naissance de Adam, Eve tirée de sa côte, les fruits du paradis; puis Abel et Caïn, Noé et son arche : la généalogie défile, énumérant les ancêtres jusqu'à Avram (Sidna Ibrahim Al Khalil). Silence. Une étape avec le père des trois religions puis la narration repart : Isaac, Esaü, Jacob, Moïse, Samson et Dalila... jusqu'à la mort de Salomon. La diction est impeccable, jouant des mots comme d'une matière première modelée pour prendre la plus belle forme qui soit, la plus intelligible aussi. On prononce le texte, on l'articule, on le chante : les comédiens n'interprêtent pas, ils disent. Dans Sous la Voûte céleste, l'Ancien Testament est une aventure vocale. Les très beaux chants de Bénédicte Flatet, mezzo-spoprane, en sont le meilleur exemple. Kader Bensekrane, originaire d'Algérie, a également rajouté des petites phrases en arabe. «Il y a une grande communauté musulmane à Blois, la ville d'attache de la compagnie du Hasard, raconte Danièle Marty, adaptatrice et comédienne. Ce spectacle s'adresse à tout le monde : c'est notre histoire commune.» Cette compagnie qui milite pour un théâtre populaire et mobile (elle a joué de Ougadougou à Bogota, de Moscou en Papouasie, de Lima à Dreux) présente ce spectacle pour la première fois hors des frontières françaises.
«Je n'ai pas choisi ces extraits suivant une logique définie poursuit Danièle Marty, mais intuitivement, sentimentalement, pour montrer le beauté des Ecritures et leur acpect atemporel. Il y a quand même deux axes directeurs : les rapports familiaux et l'importance des lois qui taversent le Livre.»
Noms, âges, générations, lieux, les phrases s'enchaînent un peu vite pour qu'on puisse s'en saisir. On retient un fragment au passage, mais le sens s'envole souvent laissant l'écoute bercée par la litanie.
En galipette ou en ronde, face à face ou dos à dos : les comédiens scénographient chaque paragraphe comme pour contrer l'aridité du texte, l'habiller ou la détourner. Mais alors que les bouches récitent les Ecritures, les corps évoquent l'esprit des lumières et la pensée en mouvement. Aucun rapport apparent, alors pourquoi ce rapprochement ? «Le XVIII est une époque où la volonté de connaissance a pris le dessus et les Ecritures ont été mises en cause, explique le metteur en scène Jean-François Calas. En situant le spectacle dans un cabinet de recherche de l'époque, je voulais créer un effet de surprise qui rendrait plus attentif au texte. Et déclencher chez les spectateurs une identification à cette envie de connaître. De façon à ce qu'ils se disent : je fais comme ces savants qui doutent, je veux comprendre. Mais sans remettre en cause le texte même. Car Spinoza écrit : «Ni l'écriture ne doit se plier à la Raison, ni la Raison à l'Ecriture» (Traité Théologico-politique).
«Sous la voûte céleste»
Adaptation de Danièle Marty, mis en scène de Jean-François Calas avec Kader Bensekrane, Bénédicte Flatet et Danièle Marty.
Mardi 4 février salle Bahnini à Rabat à 20h.
Vendredi 7 février salle Ziri Ibn Attia à Oujda à 19h30.
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