Abdelhak El Merini à cœur ouvert : entretien avec le Directeur du Protocole Royal et de la Chancellerie, poète, écrivain et intellectuel engagé dans les combats de modernité et de promotion des spécificités culturelles
M. Abdelhak El Merini est Directeur du Protocole Royal et de la Chancellerie, une personnalité familière aux Marocains mais dont la discrétion et la pudeur n’a d’égale que son immense conscience du devoir accompli et bien fait. Celui qui veill
LE MATIN
24 Octobre 2004
À 15:48
Son rôle, à ce titre, dans les débats qui alimentent la scène intellectuelle du Maroc moderne est d’autant plus exceptionnel qu’il se joue en un lieu où se prennent, certes, les décisions mais surtout, où toute parole compte, parce que cette parole a valeur de symbole. La réflexion, ce cogito cartésien est chez lui une seconde nature, parce qu’elle est là l’autre dimension d’un destin entièrement voué à l’élévation et à la perfection.
D’un bout à l’autre de son parcours où la règle de labeur et de travail ne fut jamais déviée, c’est le même credo : la rigueur intellectuelle. Ses travaux qui embrassent des champs aussi divers que la poésie du jihad, la réflexion discursive sur l’histoire militaire ou la place de la femme dans la société, en portent la marque. Derrière le trait dur et exigeant, il y a le poète sensible et ému devant les créativités artistiques, explorateur de la mémoire ancestrale, sondeur aussi des enfouissements culturels, il se refuse à la facilité et fait sienne cette interpellation : «ne laissons pas nos moyens de vivre corrompre nos raisons d’exister !».
Une image et une seule, saisissante et significative : sur la corniche vide d’Agadir un certain hiver, au milieu d’une brume matinale à couper au couteau, emmitouflé d’un survêtement de sport, Abdelhak Merini court tout au long de la promenade littorale. Il ne s’arrête que pour répondre aux appels de son téléphone portable et reprend aussitôt sa course. Il est l’homme «pressé» à sa manière, mais serein dans sa diversité, dans les temporalités et les espaces qu’il gère chaque jour. Il est l’intellectuel «organique» pour reprendre l’expression d’un Antonio Gramsci.
M. Abdelhak El Merini, vous êtes directeur du protocole Royal et de la Chancellerie, une personnalité publique mais discrète. Cependant, vous êtes aussi un homme de culture et de réflexion, un libre esprit qui échappe à toute appartenance partisane. En dehors de votre activité officielle, comment s’articulent vos différentes préoccupations ?
J’ai grandi et j’ai été formé dès mon jeune âge à la recherche du savoir et de la connaissance, à tel point que je n’ai pas tant joué ni me suis amusé comme les enfants de mon âge. Dans mes moments libres, mon père m’obligeait à feuilleter une revue, un livre ou à réviser mes leçons.
Ainsi, j’ai grandi avec la curiosité, l’amour d’apprendre, l’exercice à la rédaction et à l’écriture sur des sujets qui me préoccupaient, même si je n’avais pas encore atteint le niveau de connaissances et de culture requis pour cela. Cette discipline m’a accompagné durant mon enfance et ma jeunesse, et jusqu’à ce jour malgré mes responsabilités dans l’enseignement, l’administration et le protocole Royal.
J’ai préparé mes diplômes supérieurs, j’ai écrit mes articles et mes recherches, mes contributions aux colloques et conférences culturelles durant mon temps libre, et ce aux dépens de mes vacances et de mon repos. Je trouvais et je trouve toujours en cela une certaine délectation et un plaisir parce que je m’y suis habitué depuis mon jeune âge.
La lecture et le puisement dans la source intarissable du savoir sont mon passe-temps favori et j’y trouve ma sérénité intellectuelle et morale. Ils me détournent des préoccupations du monde matériel et des choses sans importance. Je ne peux en outre me passer de faire du sport chaque fois que l’occasion s’y prête, et comme dit le proverbe arabe et comme on dit : “ L’habitude est une seconde nature ”.
Car à chacun son mode de vie, sa politique et sa conception de la vie. L’important, c’est de savoir comment s’organiser au quotidien, comment assumer ses resposnabilités sans y faillir et comment passer le restant de sa journée à s’occuper de ses affaires personnelles, culturelles, familiales ou matérielles ; Et comme a dit le poète arabe :
Aie la volonté d’assumer tes idées L’hésitation engendre leur altération.
Vous êtes également l’un des très rares spécialistes de l’histoire militaire, discipline très développée aux Etats-Unis, en Europe et en Chine, mais qui n’a pas encore trouvé ses marques dans le monde arabo-islamique. A votre avis, comment s’est illusrée l’évolution de l’armée marocaine tout au long du XXe siècle ? Quels ont été les changements conceptuels et philosophiques depuis la tradition Lamhalla, ensuite depuis la création et l’organisation des FAR en 1956 ?
Il faudrait vraiment des pages et des pages pour répondre à cette question. Toutefois, le lecteur trouvera dans mon ouvrage “ L’Armée marocaine à travers l’Histoire ” tout ce qu’il recherche.
En bref, l’armée marocaine a été fondée par la dynastie Alaouite, du temps de Moulay Ismaïl qui constitua la première armée régulière, comprenant des unités de la cavalerie, de l’infanterie, des cannoniers et aussi de la Garde Royale. Il l’a ensuite armée et a construit des citadelles (forteresses) dans des lieux stratégiques et dans chaque forteresse se trouvait une garnison qui devait veiller et assurer la sécurité de la région.
Avec cette puissante armée, Moulay ismaïl a consolidé les fondements de l’Etat, et lui a donné des bases solides comme il a assiégé et reconquis des villes côtières marocaines sous occupation étrangère.
Sidi Mohammed Ben Abdellah fit appel à l’expérience de cadres militaires étrangers pour initier ses troupes aux nouvelles techniques de guerre. Il fut le premier Roi à constituer une flotte destinée à surveiller les côtes marocaines des bateaux ennemis. Il construisit aussi des chantiers navals.
Après la défaite de l’armée marocaine dans la bataille d’Isly, un mouvement de renaissance vit le jour, initié par des écrivains spécialisés dans le domaine militaire. Ils ont écrit sur les techniques pour réorganiser l’armée, renouveler ses effectifs, en appelant à s’inspirer des organisations militaires européennes modernes.
Du fait de l’intérêt qu’il portait à la modernisation de l’armée, Mohammed IV créa la fonction de ministre de la Guerre qu’il confia à Abdellah Ben Ahmed, frère de Moussa Ben Ahmed, le chambellan célèbre pour ses connaissances militaires. Quand Moulay Hassan Ier accéda au Trône, il s’employa à réorganiser son armée et à perfectionner ses équipements.
Il construisit une manufacture d’armes à Fès et créa une école d’artillerie. Il envoya aussi en Europe des missions militaires pour suivre des formations dans les domaines du tir à l’artillerie, des fortifications et des tranchées. Après la mort de Moulay Al-Hassan, et lorsque les premiers signes de l’occupation du Maroc ont apparu, Moulay Abdelaziz prit un dahir réunifiant l’armée marocaine, la réorganisant et l’équipant sur des bases modernes. Cette mission fut confiée à des militaires étrangers.
Une fois le Maroc colonisé, et que la France eut envoyé des troupes marocaines pour participer à la première Guerre mondiale, et après que les forces françaises et espagnoles s’allièrent dans un combat contre l’armée du Rif, conduite par Khattabi, et après que les soldats marocains eurent participé à la deuxième Guerre mondiale avec courage et bravoure pour instaurer la paix dans le monde et combattre les dictatures, suscitant ainsi l’admiration de l’Europe, et après le retour triomphal de feu Mohammed V avec l’acte de l’indépendance, il décida de constituer une armée forte pour garantir l’indépendance du pays, son unité et défendre ses frontières.
Il confia cette mission à son prince héritier Moulay Al-Hassan (feu S.M. Hassan II) parce qu’il avait une grande connaissance militaire, lauréat de vaisseau de combat français “ Jeanne d’Arc”, grand officier de la Marine militaire, feu S.M. Hassan II a pu constituer “ les Forces Armées Royales ” parmi les goumiers et les tirailleurs marocains qui faisaient partie des armées française et espagnole ainsi que parmi les membres de l’Armée de Libération marocaine.
Sous l’ère Hassanienne, les FAR ont commencé à prendre leur place parmi les armées modernes. Ainsi, grâce à leurs équipements, aux stages effectués par leurs cadres dans les différentes écoles et institutions militaires, au développement de leurs capacités défensives, les FAR assuraient la défense du pays, défendant son indépendance, assurant son unité et la défense de ses frontières authentiques. Cette armée est devenue une école populaire pour l’éducation nationale, la formation professionnelle et un outil pour le développement économique et urbanistique.
C’est l’image vivante de l’armée de Tarik Ibnou Zyad, par sa bravoure et son renfort, et l’armée de Yacoub El Mansour Al Miuahiddi, pour sa foi et sa puissance, et l’armée de Moulay Ismaïl pour son courage et sa hardiesse, et l’armée de Hassan Ier pour sa rigueur et sa vigilance, armée de sa devise indéfectible : “Dieu, la Patrie, le Roi”.
Les FAR se sont placées à l’avant-garde des forces onusiennes, mettant fin aux guerres civiles dans les pays d’Afrique, et participant à la défense des pays d’Orient et autres lorsque leur intégrité est menacée. Ainsi, les FAR ont désormais deux missions : une mission militaire et une mission humanitaire pour préserver la paix et la sécurité dans les régions où elles se trouvent.
Il y a quelques années, vous avez soutenu une monumentale thèse de doctorat sur un sujet significatif : “ La poésie du “Jihad” dans la littérature marocaine ”, de Youssef Ibn Tachfine au Sultan Moulay Abderrahman. Le Prix Abdallah Guennoun vous a été décerné à cette occasion. Pourquoi cette incursion dans le domaine des lettres et en particulier de la poésie sur une période historique?
J’ai limité le sujet de ma thèse à cette période de l’histoire du Maroc, pour sa richesse en événements internes, et en exemples extraordinaires d’héroïsme, d’abnégation et d’altruisme dont ont fait preuve les Moujahidine et les soldats marocains durant les combats. Cette longue période de l’histoire du Maroc était pléthorique, foisonnante et héroïque.
C’est ce genre de poésie que comprenaient les recueils des poètes, les Rajaz des compositeurs, les écrits des littéraires et des écrivains et les ouvrages des historiens. Cette poésie relatait les différents combats et guerres auxquels le Maroc a pris part au niveau de l’Etat, de l’armée et du peuple. La poésie était durant cette période “ poésie du Jihad ”, car elle décrivait les étapes des combats et de luttes tout en encourageant et en incitant à les mener.
De ce fait, le Jihad ou les guerres menées pour la dignité et la fierté ou pour la défense de l’Etat, de son régime, ou sa religion contre les détracteurs, ne s’est pas accompli grâce seulement aux armes mais aussi grâce à la parole et à l’écriture. Les poètes marocains ont mené le Jihad et ce à travers l’histoire du Maroc et de ses dynasties, par leurs poèmes qui prônaient la défense du Maroc, sa liberté et ses croyances. Ils l’ont fait aussi contre ses ennemis et agresseurs. Ils ont appelé au Jihad pour la défense des personnes et de la patrie, et en réponse aux appels au secours en provenance de l’intérieur ou de l’extérieur.
La poésie est devenue dès lors, partie intégrante de la vie des Moujahidine, une arme d’un autre genre qui défendait leur honneur et combattait dans leurs rangs.Les poètes par leurs poèmes étaient plus proches du Jihad et des Moujahidine que les historiens. Et grâce à eux, le Jihad avait connu deux tranchants : celui de l’épée et celui de la poésie ont coexisté au cœur des combats dans une influence mutuelle et c’est ce que j’ai essayé de démontrer dans ma thèse : “ La poésie du Jihad dans la littérature marocaine ”.
En parlant du Jihad, je voudrais saisir cette occasion pour attirer l’attention du lecteur non musulman et pour bien préciser que le Jihad n’a jamais été prescrit par l’islam en vue de s’attaquer aux autres injustements et à tort, le Jihad signifie plutôt légitime défense, sauvegarde de la patrie, de la religion, en cas d’agressions de l’intérieur ou de l’extérieur. La littérature marocaine en général et la poésie en particulier, a, en outre, exalté le courage, l’héroïsme et le sacrifice des soldats marocains comme elle a loué leur Jihad par leur personne et tout ce qu’ils avaient de plus cher au cours des batailles qu’ils menaient aussi bien sur le sol marocain qu’à l’étranger – quant on les appelait au secours n’ayant pour but que la défense de la foi, de la patrie et de la légitimité du régime en place.
Quel regard portez-vous sur la création et la production littéraire au Maroc ?
On peut dire que la production littéraire au Maroc se porte bien. Même si elle n’a pas atteint la dimension à laquelle nous aspirons tous. D’ailleurs, on remarque de temps à autre à la devanture des librairies, écrits par l’intelligentsia marocaine, des romans, recueils de contes, de poésie prosaïque symbolique, avec une diversité dans la créativité tant au niveau du fond de la forme, à l’exception de quelques-uns.
La parution des mémoires et des témoignages d’hommes politiques et de penseurs a enrichi la scène littéraire marocaine en lui insufflant un nouveau souffle qui incitera certainement d’autres plumes à contribuer par des écrits qui metteront la lumière sur les autres aspects de notre histoire qu’elle soit politique, sociale ou littéraire et ce, avec un style élégant et réfléchi. C’est un nouveau genre dans la littérature moderne, porteur d’une grande dimension et d’un grand intérêt. Certains l’ont qualifié de “ mémoire de l’histoire ” car l’expérience de l’homme politique ou de l’intellectuel si elle n’est pas dénaturée, reste riche en vérités et en témoignages pour l’histoire et pour les générations futures.
Les facultés des lettres, de droit et des sciences ont pour leur part participé à ce mouvement culturel, en publiant des thèses de doctorat traitant des différents domaines de la science et du savoir, qui enrichissent leurs bibliothèques en ouvrages de référence importants qui peuvent profiter aux Professeurs spécialisés et aux étudiants. Et certaines institutions culturelles et associations de la société civile, pourraient contribuer en édifiant et en diffusant les exposés de valeur qui sont faits au cours des colloques qu’elles organisent portant sur différents domaines de la science et des arts.
Ce qui pourrait constituer une participation importante à la renaissance culturelle du pays et à l’élargissement du domaine des connaissances des chercheurs, des étudiants et des spécialistes. C’est un mouvement béni qui augure d’un bel avenir culturel pour notre pays, si cela continue sur ce rythme et s’il y plus de bons que de mauvais.
A côté de l’intérêt que vous éprouvez pour la littérature et à l’histoire marocaine, on a remarqué que vous portez aussi beaucoup d’intérêt à la promotion de la femme marocaine, pour quelle raison ?
Le sujet de l’une de mes thèses “La femme musulmane à travers le Coran et la Sunna” a été pour moi l’occasion de réfléchir sur la condition de la femme marocaine, sa place dans la société, et j’ai pu me rendre compte que cette question a été longtemps ignorée. C’est ainsi que je me suis mis chaque fois que l’occasion le permettait, à élaborer un répertoire de quelques actions menées par les femmes dans les domaines scientifique, éducatif, culturel, artistique, technologique, médical, économique, sportif ou niveau humanitaire. Et de leurs contributions aux différents colloques et leur partucipation dans les domaines scientifique et de la production, ainsi qu’au niveau des postes de responsabilité et de prise des décisions. J’ai publié cet ouvrage en deux tomes sous le titre : “ Guide de la femme marocaine ”.
Je voulais par ce travail, qui n’est ni une recherche académique, ni une étude analytique de la situation de la femme marocaine, apporter une matière première, selon ma conception de la recherche et de l’écriture, aux personnes qui étudient la situation de la femme marocaine, et apporter quelques éclairages sur la participation effective de la femme aux côtés de l’homme dans la construction de son pays et au service de son pays.
Car la femme marocaine a démontré qu’elle est aussi intelligente que l’homme, qu’elle ne manque ni de sagesse, ni de compréhension, ni d’expérience et qu’elle a fait preuve de productivité
Cet annuaire est devenu un ouvrage de référence pour la femme marocaine qui l’accompagne lors des conférences nationales et internationales, et auquel elle se réfère pour trouver réponse aux questions qui lui sont posées à propos des réalisations de la femme marocaine dans tous les domaines du savoir et des beaux-arts.
Toutefois, et malgré ce que cet annuaire dans ses deux tomes démontre quant à la présence évidente de la femme marocaine dans tous les secteurs vitaux et sa contribution dans les différents domaines des sciences et des arts, j’estime, pour ma part, qu’il ne constitue que quelques fragments et quelques indications de ce qui existe réellement et j’espère qu’il incitera les femmes chercheuses à plus de recherche et d’investigation afin de compléter ce que j’ai entamé, en vue de publier un manuel complet et un annuaire qui présente une analyse détaillée des participations de la femme marocaine dans la construction de l’édifice de son pays, en œuvrant à l’élever tant sur le plan économique que technique, culturel, littéraire ou social. Ce qui du reste n’est pas impossible. En fait le concepteur de ce guide a osé et ouvert un grand chantier, il appartient aujourd’hui à la femme marocaine de finir ce qu’il a entrepris.
L’activité au niveau du Protocole Royal a beaucoup évolué ces dernières années, notamment sous le règne de S.M. le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste. Quelle sont, selon vous, les spécificités de votre mission ?
Il faut dire qu’en matière de règles du protocole, le Maroc a ses spécificités qu’on ne peut pas comparer aux protocoles des autres pays, spécialement celles concernant certaines cérémonies qui ne sont organisées qu’au Maroc.
Comme la cérémonie accompagnant le cortège Royal pour la prière de l’Aïd El Fitr et Aïd Al Adha, ou les fêtes religieuses telles la Nuit du destin, l’anniversaire du Prophète et d’autres cérémonies officielles. L’école protocolaire marocaine est une école makhzenienne, séculaire qui tient à ses traditions, à ses coutumes à l’opposé des autres protocoles qui sont plus flexibles, et considérablement plus souples.
Quant aux prérogatives de son directeur, elles sont celles de tous les directeurs du protocole. Il est chargé entre autres de superviser l’organisation des audiences Royales, des cérémonies officielles, telles la fête du Trône, la fête de la jeunesse, et le cérémonial des fêtes religieuses. Ainsi que les inaugurations par S.M. le Roi des institutions économiques, culturelles, sociales et humanitaires.
Il a pour mission aussi de préparer les visites officielles de S.M. le Roi dans divers pays, et les visites officielles des chefs d’Etats au Maroc, et ainsi qu’une infinité d’activités et de festivals.
Des surprises et des imprévus peuvent survenir au niveau du protocole, comme c’est le cas partout dans le monde. Le responsable du protocole doit toujours être en mesure d’y faire face, et d’essayer de les résoudre avec discernement et sagesse.
De ce fait, “Monsieur protocole” n’est pas toujours seulement une personne qui organise, prépare ou ordonne, il doit également être toujours armé de patience et pondéré afin de prendre, dans les situations critiques, la décision qui s’impose selon les directives officielles qui lui sont données.
Vous vous intéressez aussi à l’évolution de la ville de Rabat, à laquelle vous avez consacré de très grands textes. Pouvez-vous nous commenter votre intérêt culturel à cette ville ?
Mon intérêt pour Rabat, ma ville natale, ne peut être que l’intérêt de tout Rbati authentique. Tout Rbati est préoccupé en premier lieu par le devenir des vestiges de sa ville éternelle “ Ribat Al Fath ” tels Chellah, Tour Hassan, les Oudayas, les citadelles, les remparts historiques des Mouahiddines qui entourent la ville, et par les moyens de les entretenir et les sauvegarder car ils constituent le miroir de cette ville historique - Ribat Al Mouahidine - qui a connu à travers son histoire une importante activité architecturale.
Il est aussi concerné par son rayonnement, sa propreté, par la préservation de son cachet architectural authentique, en tant que capitale du Royaume et base pour ses institutions économiques, culturelles et sociales. Et dans le cadre de l’intérêt que j’éprouve pour Rabat au niveau culturel, j’ai participé au début des années 90 à un colloque organisé par la commission culturelle de l’association Ribat Al Fath sur le thème “Regards sur l’écriture de l’histoire de Rabat”, par une étude sur “L’écriture de l’histoire de Rabat, ses vestiges et ses hommes illustres”.
J’ai constaté lors de mes recherches que les hommes illustres Rbatis, intéressaient beaucoup les historiens, les chercheurs et les biographes des hommes célèbres de Rabat parmi les hommes de lettres, de sciences, du Fiqh, de la justice, qui ont enrichi la culture marocaine par ce qu’ils ont écrit, réalisé, composé, étudié et discuté lors des conférences culturelles ou de leurs conseils. J’ai aussi découvert que ce qui a été écrit sur Rabat, au niveau historique et social est insuffisant, comparé à ce qui a été écrit sur Fès et Marrakech.
J’ai en outre remarqué que le plus important ouvrage qui a été écrit sur Rabat reste le livre de “ Daïf ” qui a surtout relaté l’histoire de la société rbatie, un sujet qui a rarement été traité par les historiens dans leurs ouvrages sur les différentes étapes de l’histoire du Maroc. Parler de ma contribution, à cette conférence, nécessiterait beaucoup de temps et serait hors proportion avec cet entretien.
J’ai aussi fait un exposé sur le poète des deux rives (Rabat et Salé), M. Jaâfar Ben Ahmed Ben Khaled Naciri (publié au journal Al Anbaa le 11/9/92) lors d’une conférence scientifique sur les deux rives, organisé par l’association Ribat Al Fath, en 1992. Cette conférence a permis d’ailleurs par les contributions des participants de faire la lumière sur le patrimoine de la ville de Rabat, ses réalisations présentes et les perspectives de son avenir.
La ville de Rabat, avec ce qu’elle comporte comme universités, centres culturels étatiques, ou rattachés (dépendants) aux ambassades accréditées à Rabat, en plus de ce qui y est organisé comme colloques, expositions culturelles et artistiques a reconquis la place qu’elle occupait à travers son histoire sur le plan culturel et civilisationnel.
Homme de lettres chef de cabinet au secrétaire d’Etat à l’Enseignement technique et à la Formation des cadres, vous suivez de près les problématiques culturelles et pédagogiques. Parmi elles, la culture amazighe. Comment jugez-vous la mise en œuvre de l’enseignement amazighe et l’évolution de la culture amazighe en général?
J’ai eu l’occasion d’écrire deux articles sur le mouvement amazigh dans notre pays, le premier sur “deux rôles compatibles de l’arabe et de l’amazigh au Maroc ” et le second sur “l’itinéraire de la question amazigh nationale entre l’arabisation et tamazight” et avant ces deux articles, j’avais publié une étude sur “les aspects de la civilisation berbère”.
J’avais dit et je le confirme aujourd’hui encore que la culture amazigh, avec toutes ses composantes, est une partie intégrante de la culture marocaine, riche de couleurs, diversifiée par ses arts, et dont on ne peut que s’énorgueiller comme l’Egyptien, de sa pharaonité, et le Libanais de sa phénicieneté.
J’avais aussi dit que la suppression de la langue amazigh de l’Institut des hautes études marocaines à l’aube de l’indépendance était une décision non fondée. Il serait donc souhaitable, pour éviter ce qui s’était produit par le passé, en plus de son insertion dans le système éducatif- en tant que langue de la culture amazigh- qu’il lui soit créé une Chaire aux facultés des lettres et des sciences humaines, afin de former des spécialistes de la culture amazigh, sa littérature, son art et sa civilisation.
D’ailleurs, le but de la création de l’Institut Royal de la culture amazigh est de préserver le tamazight, le promouvoir et consolider sa place dans tous les domaines, qu’ils soient culturels, sociaux éducatifs, ou de l’information comme étant le patrimoine de tous les Marocains.
En outre et conformément aux Hautes instructions de S.M. le Roi, l’un des objectifs de ce centre est l’insertion de tamazight dans le système éducatif en collaboration avec le ministère de l’Education nationale. Néanmoins et de mon modeste point de vue, cette insertion ne peut pleinement réussir qu’à condition de trouver une langue amazigh unifiée comprenant tous les dialectes utilisés dans notre pays, à savoir le soussi, zayani, rifain et autres dialectes de tradition orale pour la plupart et diversifiés quant à leur origine, leurs règles et leur expression; et à condition d’allouer à l’amazigh les moyens pédagogiques et éducatifs, pour faciliter son enseignement à nos enfants, au même titre que les autres langues de culture et d’ouverture telles l’arabe, le français, l’espagnol ou l’anglais, langue de la mondialisation, de la communication, et qui véhicule le développement technologique dans le monde.