L'humain au centre de l'action future

Animation - Gang de requins de Eric Bergeron, Vicky Jenson et Rob Letterman : coup de nageoire sur la mafia

A la poursuite du Nemo des studios Pixar, Dreamworks se lance dans la conquête sous-marine avec Gang de requins, une joyeuse parodie de films de gangsters remise à l'eau du jour dans le style des lascars urbains. Cette nouvelle création des concepteurs de

19 Octobre 2004 À 15:58

Face à Pixar, Dreamworks montre les dents. C'est la première évidence qui émerge de Gang de requins.

A la suite de Walt Disney et sa Petite Sirène, les studios Pixar ont conquis l'univers sous-marin, l'année dernière, avec le réussi Monde de Nemo. La société Dreamworks, mère de Shrek (1 et 2), n'allait pas laisser à son concurrent le monopole de ce fertile territoire. La riposte arrive donc avec Gang de requins, nouvelle aventure piscicole animée dont la principale originalité consiste à parodier les films de gangsters.

D'où l'intérêt majeur de voir ce film en version originale : pour les amateurs de Howard Hawks (Scarface), Francis Ford Coppola (Le Parrain) ou Martin Scorsese (Les Affranchis), il est assez désopilant d'entendre ces figurines peintes s'exprimer avec les accents et lexiques black et italos du New York maffieux. D'autant que les personnages de Don Lino et Sykes sont doublés par Robert de Niro et Martin Scorsese en personne ! Et même si ces vedettes ont le débit légèrement ralenti comme si elles articulaient leurs répliques depuis le fond d'une piscine, leurs échanges cocasses et leurs jeux de mots frétillants sont autant de clins d'œil et de pieds de nez aux films noirs traditionnels.

Cela dit, loin de plagier le Chicago de la Dépression, les concepteurs de Gang de requins ont préféré jouer la modernité hype en plantant un cadre ultra-urbain mâtiné de musiques hip-hop, soul et reggae, et axé sur une intrigue qui relève plus du star-system que de la logique maffieuse. Le Parrain et sa clique, figurés par la famille des requins qui fait régner la terreur sur Récif City, sont « has been ». C'est ce que leur lance Oscar (voix de Will Smith), petit poisson du bas de l'échelle alimentaire. Quand il ne chante pas, ne rappe pas, ne fanfaronne pas, Oscar est péniblement ouvrier dans une entreprise de nettoyage de baleines dirigée par Sykes, un poisson-lune blanc (avec la voix de Martin Scorsese) à la solde du chef squale Don Lino (avec la voix de Robert de Niro). Gavé de problématiques télévisuelles, Oscar ne rêve que de gloire étincelante et d'argent facile et voudrait « devenir quelqu'un ». Malgré lui, le gang de prédateurs va lui en offrir la possibilité.

Le fils aîné du Parrain est tué au cours d'un accident en pleine eau. Oscar, qui se trouvait dans les parages, se vante de l'avoir abattu et devient en un rien de temps la nouvelle coqueluche médiatique de Récif City. Lenny (voix de Jack Black), le fils cadet du Parrain, est le seul à connaître la vérité, mais il est en froid avec Don Lino : végétarien, ultra émotif et aimant se déguiser en dauphin, Lenny manifeste une incompatibilité notable avec les activités de son père et se sent incapable d'assurer la future succession. Les deux lascars passent donc un marché : Lenny est accueilli à Récif City et, en échange, il aide Oscar à rester le tueur de requins qu'il prétend être.

Préférant la blague de surface à l'exploration des profondeurs, l'histoire se dépêche d'opposer rappeurs et gangsters dans un grand déchaînement anthropomorphique. Contrairement à Nemo, Gang de requins fait preuve d'un total désintérêt pour le monde aquatique. Les poissons, comme les requins, nagent debout, dressés sur la caudale, regardent la télévision sur des écrans de rue géants, s'épuisent dans des dancings avec musique électro et lumières planantes, s'empiffrent au restaurant la serviette autour du cou et dorment presque au sec dans des lits moelleux.

Si les baleines camions, les méduses rastaquouères et les petits poissons taggeurs valent une plongée qu'un Spike Lee ne bouderait pas, la pastiche graphique est décevante et le ton désespérément sentimentalo-moraliste. Entre critique de la superficialité et du mensonge, et apologie bien-pensante du s'accepter comme on est, le scénario stagne dans des eaux usées qu'on déplorerait dans un film en images réelles.

Ne pas faire l'insulte, donc, d'une indulgence démesurée à Gang de requins qui, sous-prétexte que c'est un film d'animation a priori familial, pourrait s'autoriser un synopsis mou. Mais ne pas bouder pour autant les astuces à destination des adultes comme cette scène où Oscar, après le KO d'un requin, se fait acclamer tel le Mohamed Ali des récifs coralliens au son de « Oscar, Bouma yé ». Jeux de références musicales et cinéphiliques qui s'imposent à présent comme la principale caractéristique des animateurs de chez Dreamworks. Cette propension à l'humour parvenant relativement à pallier le manque d'esthétisme.

Gang de requins (Shark tale), film américain de Eric Bergeron, Vicky Jenson et Rob Letterman (date de sortie en France : 13 Octobre 2004). Durée : 1h40. Avec, pour les voix en version originale : Will Smith (Oscar), Robert De Niro (Don Lino), Martin Scorsese (Sykes), Renée Zellweger (Angie), Jack Black (Lenny), Angelina Jolie ( Lola). Et en version française : Eric Judor (Oscar), Jacques Frantz (Don Lino), Jean Benquiqui (Sykes), Ludivine Sagnier (Angie), Patrick Timsit (Lenny), Virginie Ledoyen (Lola).

«Gang de requins» reste en tête du box office

Le film d'animation "Gang de requins" continue à séduire les foules, restant en tête du box office nord-américain ce week-end pour la troisième semaine consécutive, selon les chiffres provisoires de la société Exhibitor Relations publiés dimanche.
Le long-métrage d'animation du studio DreamWorks qui tourne en dérision les personnages et clichés des films sur la mafia devrait rapporter 22,1 millions de dollars cette semaine soit au total 118,8 millions de dollars sur les trois dernières semaines.

La comédie dramatique de Billy Bob Thornton "Friday Night Lights" qui raconte l'épopée d'une équipe de football dans une petite ville du Texas en proie à la dépression, est arrivée en deuxième position totalisant 13,1 millions de dollars de recettes ce week-end.

"Team America: World Police," une comédie avec des marionnettes supposées combattre le terrorisme et avec l'apparition en marionnette du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Il, a gagné pour son premier week-end d'exploitation 12,3 millions de dollars et arrive en troisième position. Ce film est issu de l'imagination débridée de Trey Parker et Matt Stone, connus pour avoir donné naissance à la série d'animation culte "South Park".

La nouvelle comédie romantique "Shall We Dance," avec Richard Gere qui joue un homme d'affaires fasciné par le regard d'une belle femme à une fenêtre, Jennifer Lopez, est arrivé en quatrième position avec 11,6 millions de recettes.
"Ladder 49" mettant en scène John Travolta en pompier est passé de la troisième à la cinquième place et a recueilli 8,6 millions de dollars.
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